mercredi 13 juin 2018

Le Cercle de Lecture du mois de Juin a pour thème "Le polar"



Qui a dit que roman noir et humour noir ne faisaient pas bon ménage ? Sûrement pas Francis Lemarque, dont « Le tueur affamé » CLIQUEZ ICI raconte l’histoire d’un tueur à gages surchargé de travail au point de ne plus avoir le temps de déjeuner.  

D’accord, cela date de 1949… Mais cette période n’était-elle pas l’âge d’or du roman policier ?  SW



La colline des chagrins, de Ian Rankin, Ed. Livre de poche – 2007 

Comme dans toute la série des “John Rebus”, l’intrigue a pour cadre Édimbourg,
où une étudiante fille de banquier a disparu. Deux pistes s’ouvrent à l’inspecteur Rebus : la première est la découverte, près de la maison de la jeune fille, d’un cercueil miniature identique aux modèles exposés par le Musée historique de l’Ecosse ; la deuxième est un jeu de rôles auquel la disparue participait sur Internet. Rebus, qui a la soixantaine et est nul en informatique, préfère s’intéresser aux cercueils, tandis que sa collègue Siobhan (prononcer Shi-vawn), plus jeune, remonte le fil du jeu de rôles. L’intuition de Rebus sauvera à la fois leur vie et leur réputation
professionnelle.
Couronné par de nombreux prix littéraires (dont le Grand Prix de Littérature Policière 2005) et traduit en 35 langues, l’écrivain écossais Ian Rankin est l’auteur de romans policiers le plus lu en Grande-Bretagne. Sombre et mal famée, l’Édimbourg qu’il décrit n’a que peu de rapports avec l’image qu’en ont les touristes. 

J’aime particulièrement le personnage de John Rebus. Divorcé, bougon et rebelle envers sa hiérarchie, il fréquente assidûment de nombreux pubs de la ville et sait aussi être touchant et drôle. Ses dialogues avec ses collègues sont excellents. Par ailleurs, chaque livre nous fait découvrir un aspect de l’Ecosse contemporaine, avec la présence de la Mafia russe, l’industrie pétrolière de la mer du Nord ou le nouveau Parlement écossais. Avec Ian Rankin, la littérature policière vaut largement la littérature tout court.  SV



*Birdman, de Mo Hayder, Ed. Pocket – 2000 

Dans un terrain vague de la banlieue de Londres, une pelleteuse exhume cinq cadavres de femmes. Un seul lien unit tous ces corps tailladés, puis recousus : un oiseau a été enfermé à l'intérieur de chaque cage thoracique. C'est avec ces meurtres en série que l'inspecteur Jack Caffery inaugure son nouveau poste au Service régional des enquêtes sensibles. Entre l'hostilité de certains collègues, sa vie conjugale étouffante et la tension grandissante avec un voisin qu'il soupçonne d'être responsable de la disparition de son propre frère, Caffery est mis à rude épreuve. Mais l'enquête dont il est chargé est de celles qui font oublier tout le reste.
Fille d'universitaires anglais, Mo Hayder est née à Londres. À 16 ans, en 1978, elle quitte sa famille et exerce divers petits emplois avant de partir au Japon à l'âge de 25 ans, où elle réside pendant deux ans. De retour en Grande-Bretagne, Mo Hayder décide de se consacrer à l'écriture. Elle fréquente les milieux policiers, les médecins légistes, et met deux ans à écrire Birdman à partir de notes prises sur le terrain. Ce premier roman lui vaudra une entrée très remarquée dans le monde du thriller. Suivront notamment L'homme du soir et Tokyo (lauréat du Prix SNCF du Polar européen et du Prix des lectrices d’ELLE).

Un roman qui tient le lecteur en haleine, à chaque chapitre son rebondissement. L’écriture en est très agréable, et c’est sans aucun doute un livre à recommander à nos amateurs de polar.  DM



Cabossé, de Benoît Philippon, Ed. Série noire/Gallimard – 2016

Quand Roy est né, il s’appelait Raymond. C’était à Clermont, il y a quarante-deux ans. Il avait une sale tronche. Bâti comme un Minotaure, il s’est taillé à coups de poing son chemin dans sa chienne de vie : une vie de boxeur ratée et d’homme de main à peine plus glorieuse. Jusqu’au jour où il rencontre Guillemette, une luciole fêlée qui succombe à son charme, malgré son visage de « tomate écrasée » …et jusqu’au soir où il croise Xavier, l’ex jaloux et arrogant de la belle – lequel ne s’en relèvera pas.
Roy et Guillemette prennent alors la fuite sur une route sans but. Une cavale jalonnée de révélations noires, de souvenirs amers, d’obstacles sanglants et de rencontres lumineuses. Dont celle d’une certaine Berthe Gavignol, centenaire à la gachette plus que chatouilleuse et au cœur d’or.
Ce roman en forme de road movie est le premier de Benoît Philippon, qui avait auparavant réalisé deux films : Lullaby for Piet Mune, le gardien de la Lune

Difficile de trouver plus cabossé par la vie que Roy. Plus romantique qu’il n’y paraît, ce Quasimodo a trouvé son Esmeralda en la lumineuse Guillemette. L’intrigue est noire (parfois à l’excès) et le style tout en coups de poing, à l’image du héros. Mais cette brutalité est éclairée par d’innombrables taches de lumière et autant de traits d’humour.  Un bémol, toutefois : j’ai été agacé par la suppression systématique des doubles négations. C’est admissible dans les dialogues, beaucoup moins dans le texte. Mais soit, cela ne m’a pas empêché de lire ce roman d’une traite...  SW 



Mamie Luger,de Benoît Philippon, Ed. Les Arènes – 2018  

A 6 heures du matin, Berthe (102 ans…), accueille à la carabine l’escouade de flics qui a pris d’assaut sa chaumière auvergnate après le départ de Roy et Guillemette. A 8 heures, l’inspecteur Ventura entame la garde à vue la plus ahurissante de sa carrière. La vieille dame au Luger passe aux aveux et le récit de sa vie est un feu d’artifice.  Il y est question de meurtriers en cavale, de veuve noire et de nazi enterré dans sa cave. Alors aveux, confession ou règlement de comptes ? Ventura ne sait pas à quel jeu de dupes joue la vieille édentée, mais il sent qu’il va falloir creuser. Et pas qu’un peu.
« Centenaire, féministe… et serial killeuse », proclame le bandeau du roman. On ne saurait mieux décrire Berthe, alias Mamie Luger et cousine européenne de Ma Dalton. Personnage secondaire dans Cabossé, elle brille ici de mille feux.Et avec quel éclat !

Gouailleuse et vacharde, Berthe fait autant mouche avec ses répliques acérées qu’avec les balles de son 9 mm.  Femme libre et virtuose de l’humour noir, elle a traversé les horreurs du siècle sans jamais se laisser marcher sur les pieds… avec une interprétation très particulière de Simone de Beauvoir. J’avais aimé Cabossé, j’ai adoré rire avec Mamie Luger. D’autant plus que cette fois, les doubles négations étaient au rendez-vous… Il est vivement conseillé de lire ces deux livres dans l’ordre pour les savourer pleinement.  SW



Le marchand de sable, de Lars Kepler, Ed. Actes Sud – 2014

Un tueur en série psychopathe est incarcéré sous très haute surveillance dans une unité psychiatrique en Suède. Il enlevait ses victimes et les éliminait après une séquestration plus ou moins longue dans des conditions épouvantables. Mais treize ans après son internement, un jeune homme est retrouvé errant en plein hiver sur une voie ferrée. On découvre très vite qu’il avait disparu avec sa petite sœur avant que le tueur ne soit arrêté. Sauvé de justesse, il supplie qu’on la recherche, car elle est maintenant seule et très malade. Et tout semble indiquer que le tueur a probablement un complice encore en liberté. Mais il faut faire vite.
Pour obtenir de ce détenu a très hauts risques les informations nécessaires à l’enquête, un seul moyen : introduire dans l’hôpital une policière volontaire censée être elle aussi une meurtrière très dangereuse. Sa mission est de gagner la confiance du tueur et de le faire parler. Seuls quelques policiers sont au courant, et l’hôpital ne sera pas informé du stratagème. Parallèlement, la police fouille le passé du tueur depuis son enfance, notamment en Russie, dans l’espoir de découvrir des indices sur les lieux qu’il aurait pu fréquenter. 

Ici, pas question d’humour noir, ni même d’indications sur la société du pays, comme c’est de plus en plus le cas dans les romans policiers des pays nordiques, asiatiques ou autres. Sombre, violent et sans digressions superflues, ce long roman est concentré sur l’enquête et la vie présente et passée des personnages liés à l’affaire, dans le style sec et rigoureux propre à une grande partie de la littérature policière. Le suspense réside plus dans les méthodes et techniques utilisées par les différents acteurs que dans le dénouement, qui est un peu prévisible.  FB 




*Soda,série BD, Ed. Dupuy – 13 vol. depuis 1987
Scénario : Philippe Tome
Dessins : Luc Warnant (1987-1990), Bruno Gazzotti (1988-2005), Dan Verlinden (2014-)

« On m'appelle SODA, mais mon vrai nom, c'est Solomon. David Elliot Hanneth Solomon. Si elle savait, ma mère vous dirait sans doute que je suis policier, mais à New York, il n'y a pas de policiers, juste des flics.” 
Fils unique de Joseph Nathanael Solomon et Mary McIntyre, Soda (acronyme du nom du personnage principal, Solomon David) est un policier nez-yorkais taciturne et efficace. Sa mère, à la fois cardiaque et très croyante, s’est réfugiée chez lui après la mort violente de son père. Pour la ménager, il lui a fait croire qu'il n'était qu'un paisible pasteur un peu peureux. Il a ainsi appris à se changer en moins d'une minute chaque matin dans l'ascenseur pour quitter son costume ecclésiastique et redevenir le glacial lieutenant Soda. David envisage régulièrement d'avouer à sa mère sa véritable identité, mais à chaque épisode, une circonstance nouvelle l'en empêche ou le convainc de repousser cette douloureuse confession à plus tard. Chaque tome raconte une histoire indépendante, bien que les personnages principaux restent les mêmes. Cependant, les tomes 13 (paru en 2014) et 14 (encore à paraître) devraient former un diptyque intitulé Résurrection
Les premières planches de la série furent publiées dans Spirou en octobre 1986 avant d'être éditées en album cartonné dès septembre 1987Soda a connu une longue interruption de 2005 à 2014. Bruno Gazzotti avait quitté la série en novembre 2010 pour cause de désaccord avec le thème des deux albums suivants (les attentats du 11 septembre 2001). Philippe Tome (pseudonyme de Philippe Vandelde) a par ailleurs obtenu de nombreux prix, notamment pour sa reprise de Spirou et Fantasio après le décès de Franquin et pour la création du Petit Spirou

Faux pasteur et vrai flic, David Solomon, dit "Soda" (trois doigts seulement à la main gauche), affronte jour et nuit l'enfer des bas-fonds new-yorkais. Les véritables cauchemars se rêvent debout, colt Python au poing, dans l'une des métropoles les plus civilisées du monde. Sombre et complexe, Soda est un héros intéressant, ce qui fait de cette BD policière une lecture attirante pour les ados et les adultes. MM



*La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, de Sébastien Japrisot, Ed. Denoël – 1966

Au début, rien que de très banal : à la veille d’un grand week-end du 14 juillet, la narratrice, jolie jeune femme (très myope) prénommée Dany, doit aller passer une soirée chez son patron pour un travail urgent. Le lendemain, elle conduit celui-ci et son épouse à l’aéroport au volant de leur superbe Thunderbird blanche… qu’elle conserve pour s’offrir une escapade dans le midi, car la tentation est trop forte. Mais peu à peu, ce voyage bascule dans l’insolite. Et tout comme elle, le lecteur va de surprise en surprise. Pourquoi un inconnu l’agresse-t-il dans une station-service au point de lui écraser la main gauche, sans pour autant lui voler d’argent ? Et surtout, comment se fait-il que tant de gens –une vieille dame, un hôtelier, un garagiste et même un gendarme ! – lui assurent qu’elle est déjà passée par là le matin même ? Sur cette route parsemée de rencontres plus ou moins bonnes, Dany en vient à douter de sa propre raison. Surtout lorsqu’elle découvre un cadavre dans le coffre… 
Cette femme aux gestes imprévisibles, chez laquelle on devine un passé douloureux, est-elle folle ou amnésique ? Est-elle sincère ?  Est-elle coupable ou au contraire victime d’une aventure qui la dépasse ? Patience, tout s’éclairera au dernier chapitre.

En redécouvrant ce roman après de nombreuses années, je savais que ce n’était pas Dany qui avait déjà emprunté ce trajet. Pourtant, je ressentais son angoisse. J’étais bouleversée par sa recherche d’identité. Et ne me souvenant plus des détails de la démonstration finale, je me demandais encore comment seraient justifiées certaines situations. J’ai aimé ce livre pour le sujet, les personnages, l’écriture puissante, riche à la fois de suspense et d’équilibre entre “polar” et romanesque. Sa lecture procure de multiples émotions.  CP



*La serpe, de Philippe Jaenada, Ed. Julliard – 2017

 Pendant une nuit de l'automne 1941, dans le vieux château d’Escoire, au fin fond du Périgord, le père, la tante et la bonne du jeune Henri Girard sont sauvagement assassinés à coups de serpe. Seul survivant de ce massacre en chambre close, le jeune homme est aussi le seul héritier des victimes. Frivole, dépensier, violent et arrogant, Henri Girard devient très vite le suspect numéro 1. Sa culpabilité semble d’autant plus évidente qu'il avait emprunté l'arme du crime à des voisins deux jours avant le drame. Mais après 19 mois de détention à Périgueux, son procès se solde par un coup de théâtre : en dépit de preuves considérées jusqu’alors comme accablantes, il est acquitté grâce à l’habileté de Me Maurice Garçon, le plus célèbre avocat de l’époque. A la grande indignation de l’opinion publique, toujours convaincue de sa culpabilité. Après l'abandon des charges pesant contre lui, Girard disparaît au Venezuela. Il rentrera en France en 1950 avec le manuscrit d'un roman intitulé Le Salaire de la peur, publié sous le pseudonyme de Georges Arnaud, puis porté à l’écran en 1953 par Henri-Georges Clouzot. 
Ce roman –mais il vaudrait mieux parler ici d’enquête romanesque– de Philippe Jaenada a été couronné par le prix Femina 2017.

Il ne s’agit évidemment pas d’un “polar”, mais d’une enquête serrée et minutieuse (640 pages…) sur un événement bien réel, qui défraya la chronique sous l’Occupation. Philippe Jaenada y reprend méticuleusement tous les éléments du dossier et démontre que beaucoup furent négligés à l’époque, tant la culpabilité d’Henri Girard/Georges Arnaud semblait évidente. C’est aussi une plongée dans une époque révolue, marquée par le pétainisme et les conditions de vie particulièrement difficiles provoquées par la guerre. Le plus fascinant dans tout cela est de voir que le même événement peut donner lieu à deux interprétations totalement différentes. Car il va de soi que Jaenada est convaincu de l’innocence de Girard, et emporte du même coup l’adhésion du lecteur, malgré les inévitables longueurs d’un tel “pavé”.  CP


Merci à Stéphanie, qui nous a fait parvenir ses impressions de lecture malgré son absence.


PROCHAIN CERCLE DE LECTURE

SAMEDI 6 OCTOBRE 2018

THEME : COUP DE CŒUR DE L’ETE

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