vendredi 23 mars 2018

L'heure du conte du mois de mars 2018

25 enfants et 11 adultes sont venus applaudir les bibliothécaires mercredi dernier.

Pour l’heure du conte de mars 2018, nous avons sélectionné trois albums :









LE JARDIN DE MADAME LI de Marie Sellier et Catherine Louis

Madame Li a deux pots et un secret. A Yun de le trouver. Un conte tout en douceur sur l’usure du temps et la beauté du monde. Avec quelques mots chinois à découvrir le long du chemin qui mène à la rivière du Pont-qu-chante.

               







PAS POLI ? d’Alex Sanders

Qui entre sans frapper ? Qui dit des gros mots ? Qui jette des détritus par terre ? Qui parle la bouche pleine et qui veut te croquer ?

Ce coquin de loup, évidemment ! Les enfants adorent.












QUI A VU LE LOUP ? d’Alex Sanders

Si tu ouvres ce livre, tu verras le loup. Mais peut-être que le loup te verra aussi. Que fera-t-il alors ? Va-t-il te croquer ? Ou s’enfuir en criant :

« Maman, il y a un enfant qui m’a regardé ! »
                                                                                             












EXCEPTIONNELLEMENT IL N’Y AURA PAS
L'HEURE DU CONTE EN AVRIL

Nous vous donnons rendez-vous


Mercredi 2 mai 2018
A 16H00 salle du conseil

jeudi 22 mars 2018

Le cercle de lecture du mois de mars 2018 s'invite au Japon !




Les chansons d’Allain Leprest (1954-2011) n’engendraient pas la gaieté, et « D’Osaka à Tokyio » CLIQUEZ ICI ne fait pas exception à la règle. Le texte en est la traduction quasi-intégrale d’une lettre retrouvée dans les débris d’un avion qui aurait dû relier ces deux villes, mais n’est jamais arrivé à bon port. Difficile de faire plus dramatique. Mais difficile aussi de trouver une chanson mieux adaptée à notre thème de ce mois.  SW



La chambre rouge, d’Edogawa Rampo, Ed. Picquier poche – 1998

Le nom de l’auteur est en fait la transposition phonétique en japonais de celui d’Edgar Allan Poe, auteur qu’il admirait énormément. Né au Japon en 1894 et mort à l’âge de 70 ans, Edogawa Rampo est le maître fondateur de la littérature japonaise.
On retrouve dans ces cinq récits, écrits en 1925, la même atmosphère et le même goût pour les mises en scènes fantastiques et obsessionnelles : une logique implacable qui fait du crime une voie esthétique, où s’entremêlent perversions sexuelles, cruauté raffinée, manies et délires mentaux qui ont fait le renom de la littérature japonaise.

Je ne classe pas ce roman dans le genre policier. J’aime beaucoup le style de l’auteur et son imagination débordante qui fait « froid dans le dos ». C’est un petit chef-d’œuvre de la littérature japonaise à découvrir absolument.DM



Au coeur du Yamato d'Aki Shimazaki, Ed. Léméac Actes Sud - 2006 à 2013

Née au Japon en 1954, Aki Shimazaki a émigré au Canada en 1981 et vit à Montréal depuis 1991. Bien que sa langue maternelle soit le japonais, elle écrit tous ses livres directement en français. Son œuvre dans notre langue se compose de trois pentalogies (dont celle-ci). A chaque fois, la même tragédie est racontée dans chacun des cinq tomes sous un angle différent, puisque le narrateur change d'un roman à l'autre.
Mitsuba : Quand la société d’import-export Goshima propose à Takashi Aoki une mission dans sa succursale parisienne, il se trouve au tournant de sa vie, car il vient de rencontrer Yuko Tanase,  la femme avec laquelle il souhaite fonder une famille. Qu’adviendra-t-il de la promesse des amoureux, faite au café Mitsuba ? Le devoir social aura-t-il raison des sentiments ?
Zakuro : Banzo Toda est porté disparu en Sibérie depuis la fin de la guerre. Sa femme, sombrant dans la maladie d’Alzheimer, s’accroche néanmoins à l’espoir de le revoir un jour. Quand Tsuyoshi Toda découvre que son père vit depuis 25 ans dans une ville proche de la leur, il veut comprendre les raisons de son silence. Dans une longue lettre, le père expliquera au fils les événements qui ont brisé le cours de sa vie à partir du drame survenu à bord du bateau qui devait le ramener près des siens.
Tombo : Contraint de quitter la grande compagnie Goshima, Nobu a fondé un établissement d’enseignement privé réputé.  Il reçoit un jour la visite inattendue d’un ancien élève de son père, lequel s’est suicidé quinze ans plus tôt dans la tourmente suivant la mort d’un lycéen rebelle. Cette rencontre ljettera un nouvel éclairage sur un sombre épisode de sa jeunesse.
Tsukushi : Bien qu’elle ait dû renoncer à celui qu’elle aimait, Yuko ne regrette pas d’avoir accepté d’épouser, alors qu’elle n’était que réceptionniste, l’héritier de la prestigieuse famille Sumida. Car son mari est un homme bon, qui a endossé avec noblesse la paternité de la petite Mitsuba. Pourtant cet homme attentif, honnête et aimable, n’est pas celui qu’elle croit. La découverte d’une simple boîte d’allumettes ornée d’une image sensuelle entraînera son lot de questions et de révélations.
Yamabuki : Cela fait maintenant 56 ans qu’Aïko Toda a eu le coup de foudre pour celui qu’elle a accepté d’épouser dès leur premier rendez-vous. Au côté de cet homme, cadre de l’importante société Goshima, elle a été aux premières lignes de la reconstruction du Japon d’après-guerre. Toujours aussi amoureux, tous deux profitent aujourd’hui de leur retraite. Aïko songe à ce demi-siècle passé auprès de Tsuyoshi dans un bonheur dont elle prend la mesure alors que remontent aussi à sa mémoire les années qui ont précédé leur rencontre, celles d’un premier mariage raté.

Les expressions et noms japonais peuvent rendre ces livres déroutants au premier abord. De plus, la culture et la retenue japonaise font que les événements sont beaucoup plus suggérés que décrits.
Mais cette exploration d’une même situation par différents protagonistes montre bien que les événements de la vie ne sont pas toujours aussi simples qu’il y paraît au premier abord. La sobriété de l’écriture d’Aki Shimazaki nous transforme ces cinq histoires d’hommes et femmes en autant de petits moments fins et délicats à déguster individuellement ou en série.  MM


Le Bateau-usine, de Takiji Kobayashi, Ed. Allia – 2015.

Publié en 1929, ce roman est considéré comme le chef-d'œuvre de la littérature contestataire nippone. Longtemps censuré dans l’archipel, il y a connu un regain d'intérêt à l'occasion de la crise financière de 2008 et de la vague de licenciements qu’elle a provoquée. Membre du Parti communiste japonais, l’auteur est mort en 1933, très vraisemblablement à la suite de tortures infligées par la police.
Au cours des années 1920, le navire-usine Hakkô-Maru pratique la pêche au crabe en mer d'Okhotsk, au nord du Japon, Cette activité constitue un tel enjeu, dans un contexte de fortes tensions avec l’Union soviétique, qu'elle fait l'objet d'une stratégie d'industrialisation à outrance. Mais l'équipage ignore qu'il fait route vers l'enfer. Battue par les vents sibériens, avec une mer souvent démontée, la zone s'avère périlleuse pour un rafiot pourri. On pêche et on travaille dans les pires conditions, parfois dans les eaux territoriales soviétiques, au risque d'être abordé ou coulé. Pourtant, ce n'est rien en comparaison de la vie à bord. Marins et ouvriers de ce navire-usine travaillent dans des conditions inhumaines, jusqu’à épuisement, sous la poigne de fer de leur intendant, le tout-puissant Asakawa. Sourde et puissante comme une lame de fond, la colère ne cesse d'enfler.
Quand les Russes les sauvent d'un naufrage, les ouvriers se rendent compte que ces rivaux en pêche sont aussi des êtres humains. Petit à petit, une idée germe dans les cerveaux: la grève, la rébellion ouverte.

Ce livre terriblement dur réunit en une seule aventure plusieurs faits avérés de monstruosité dans le monde méconnu de la pêche industrielle de l'époque. L’auteur y dévoile une autre face du Japon, alors militariste et réactionnaire (particulièrement révélatrice est la scène où les marins comprennent que la troupe appelée par l'intendant ne vient pas pour les défendre, mais pour les remettre de force au travail). Cette littérature aurait peut-être pu faire des émules, y compris politiquement, mais le pouvoir en place décida, très vite et sans doute pour éviter une contagion par la révolution bolchévique, d’y mettre rapidement fin. Ce beau texte au style très actuel frappe par la crudité des mots et la brutalité des situations. Il a le mérite de nous faire découvrir un fragment de l’histoire japonaise, tout en dévoilant quelques traits de la mentalité nippone.  MM


Le bureau des jardins et des étangs, de Didier Decoin, Ed. Stock – 2016

Au XIIe siècle, être le meilleur pêcheur de carpes et le fournisseur des étangs sacrés de la cité impériale n'empêche pas Katsuro de se noyer. Sa jeune veuve, Miyuki, va le remplacer pour porter jusqu'à la capitale les carpes arrachées à la rivière. Chaussée de sandales de paille, courbée sous le poids de ses viviers à poissons et riche d’à peine quelques poignées de riz, elle entreprend un périple de plusieurs centaines de kilomètres à travers forêts et montagnes, en passant de temple en maison de rendez-vous et en affrontant les orages et les séismes, les attaques de brigands et les trahisons de ses compagnons de route. Mais la mémoire des heures éblouissantes vécues avec l'homme qu'elle a tant aimé, et dont elle est certaine qu'il chemine à ses côtés, donnera à Miyuki le pouvoir de surmonter les tribulations les plus insolites, et de rendre tout son prestige au vieux maître du Bureau des Jardins et des Étangs.

Tout en étant très dure, cette description du Japon médiéval fait alterner violence et poésie, sous la forme d’un conte où le fantastique n’est jamais bien loin. Voyage dans le temps et dans l’espace, l’odyssée de Miyuki –qui affronte les pressions sociales avec force et ténacité–  est racontée avec beaucoup de sensualité par Didier Decoin. Il connaît manifestement le Japon comme sa poche. Mais une question se pose : un Japonais aurait-il raconté cette histoire de la même façon ? Impossible d’en connaître la réponse.  A-M L



Underground, par Haruki Murakami, Ed. Belfond – 2013

Le 20 mars 1995 se produisait l'attentat le plus meurtrier jamais perpétré au Japon : en pleine heure de pointe, des adeptes de la secte Aum répandent du gaz sarin dans le métro de Tokyo, tuant douze personnes et en blessant plus de cinq mille.Très choqué, mais aussi révolté par le traitement médiatique par trop manichéen de la tragédie, Murakami va partir à la rencontre des victimes et de leurs bourreaux : rescapés du drame et adeptes de la secte. Au fil des entretiens apparaissent tous les grands thèmes qui lui sont chers : l'étrangeté au monde, l'impossible quête d'absolu, le mal venu des profondeurs, ces “little people” présents en chacun de nous, incarnations des forces destructrices qui nous font basculer parfois vers l'irréparable ...

Par son compte-rendu très minutieux des événements, Murakami cherche avant tout à comprendre l’enchaînement qui a conduit à un attentat aussi monstrueux, évidemment sans jamais l’excuser. Les témoignages des victimes, parfois lourdement handicapées, sont toujours très émouvants, et on peut s’étonner que malgré l’épreuve, beaucoup aient tenu ce jour-là à se rendre au travail comme si de rien n’était. Mais les propos des membres de la secte (qui ne l’ont pas toujours quittée) donnent aussi à réfléchir sur le phénomène sectaire et, le mal de vivre qui l’explique en grande partie. FB



Le poids des secrets, d’Aki Shimazaki, Ed. Actes Sud – 2001


Tout comme Au coeur du Yamato, cette autre pentalogie raconte une seule et même histoire en cinq tomes (Tsubaki - camelia, Hamaguri- coquillage, Tsubame-hirondelle, Wasurenagusa-myosotis et Hotaru-luciole) : une saga familiale sur quatre ou cinq générations, empreinte du poids de l’histoire et de la culpabilité que peuvent éprouver beaucoup de Japonais. Le premier volume, Tsubaki, en dresse le cadre : à sa mort, Yukiko laisse à sa fille et à son petit-fils une lettre racontant son enfance, puis son adolescence, à Tokyo et à Nagasaki. Sa vie quotidienne, le travail à l'usine, les amitiés, les émotions naissantes et les premiers émois amoureux avec le fils des voisins. Mais les confidences laissent aussi entrevoir une sombre histoire familiale, un père menteur, une vie double et un drame survenu le jour même où la bombe atomique est tombée sur Nagasaki, car la grande Histoire est étroitement mêlée à la petite.

Le Japon que nous découvrons ici est d’autant plus violent (par exemple dans la relation du massacre des Coréens) que sa description fait alterner brutalité des faits et poésie de la nature.  La narratrice ne nous laisse pas de repères, si bien que le passage d’un livre à l’autre n’est pas toujours des plus faciles. Cela oblige le lecteur à se laisser aller, à se laisser guider par la force d’une écriture qui m’a envoûtée dès la première phrase (“Il pleut depuis la mort de ma mère”).   J’ai beaucoup aimé.   CP


Une odeur de gingembre, d’Oswald Wynd, Ed. Gallimard-2006

En 1903, Mary Mackenzie embarque pour la Chine où elle doit épouser Richard Collingsworth, l'attaché militaire britannique auquel elle a été promise. Fascinée par la vie de Pékin au lendemain de la Révolte des Boxers, Mary affiche une curiosité d'esprit rapidement désapprouvée par la communauté des expatriés européens. Une liaison avec un officier japonais dont elle attend un enfant la mettra définitivement au ban de la société. Rejetée par son mari, Mary fuira au Japon dans des conditions dramatiques. À travers son journal intime, entrecoupé des lettres qu'elle adresse à sa mère restée au pays ou à sa meilleure amie, on découvre le passionnant récit de sa survie dans une culture totalement étrangère, à laquelle elle réussira certes à s'intégrer grâce à son courage et à son intelligence, mais où elle restera toujours une intruse.

Seule la moitié de ce roman se déroule au Japon, pays qu’Oswald Wynd (1913-1998) connaissait bien et dont il maîtrisait parfaitement la langue : né à Tokyo, cet auteur écossais de romans policiers avait la double nationalité britannique et japonaise. Bien qu’il soit écrit par un homme, le journal intime de l’héroïne est très réussi, et il fallait beaucoup de subtilité pour en faire évoluer l’écriture avec le temps. Au passage, on discerne beaucoup d’éléments propres à la culture japonaise de l’époque, par exemple la fréquence des doubles vies et les traditions d’adoption.  CP



La légende des Akakuchiba, de Kazuki Sakuraba, Ed. Piranha – 2017

Lorsqu’une fillette est retrouvée abandonnée dans la petite ville japonaise de Benimidori, au cours de l’été 1943, les villageois sont loin d’imaginer qu’elle intégrera un jour l’illustre clan Akakuchiba et règnera en matriarche sur cette dynastie d’industriels de l’acier. C’est sa petite-fille, Toko, qui entreprend bien plus tard de nous raconter le destin hors du commun de sa famille. L’histoire de sa grand-mère, femme dotée d’étonnants dons de voyance, et celle de sa mère, chef d’un gang de motardes devenue une célèbre mangaka, dont le succès permettra de sauver la famille du déclin dans un Japon frappé de plein fouet par la crise de l’industrie sidérurgique. 

Cette saga familiale est un surprenant mélange de réalisme et de magie : elle associe l’histoire d’un village dominé par l’industrie de l’acier au surnaturel dans lequel évolue la famille Akakuchiba (surtout Man’yo, la grand-mère, par ses visions du futur). Malgré quelques longueurs, je recommande ce livre comme un exemple du roman japonais moderne, qu’on peut parfois imaginer en manga, genre dans lequel excelle aussi Kazuki Sakuraba.  SV



La voix des vagues, de Jackie Copleton, Ed. Les Escales – 2016

Lorsqu'un homme horriblement défiguré frappe à la porte d'Amaterasu Takahashi, celle-ci est à la fois bouleversée et incrédule : le nouveau-venu prétend être son petit-fils. Elle aimerait tellement le croire, mais comment savoir s'il dit la vérité ? Elle a toujours été convaincue que sa fille et son petit-fils avaient été tués le 9 août 1945 par l’explosion de la bombe atomique larguée sur Nagasaki. A l’époque, elle-même a fouillé pendant des semaines les ruines de la ville à la recherche des siens. L’arrivée de cet inconnu contraint Amaterasu à se replonger dans un passé douloureux dominé par le chagrin, la perte et le remords. Elle qui a tiré un trait sur le passé en émigrant aux États-Unis se remémore ce qu'elle a voulu oublier : son pays, sa jeunesse et sa relation compliquée avec sa fille. L'apparition de l'étranger la sort de sa mélancolie et ouvre une boîte de Pandore d'où s'échappent les souvenirs qu'elle a laissés derrière elle.

Inspiré à Jackie Copleton par les trois années (1993-1996) qu’elle a passées à enseigner à Nagasaki, ce premier roman est un coup de maître. La cassure historique représentée par la bombe est un arrière-plan indispensable à la compréhension de l’aventure familiale vécue par Amaterasu, passée brutalement d’un Japon traditionnel, machiste et quasi-archaïque à la modernité frénétique de l’après-guerre. L’homme est-il ou non son petit-fils ? En fait, peu importe, cette interrogation étant surtout l’occasion d’une profonde réflexion sur le sens de la famille et le poids des traditions. Voilà de la grande littérature.  SW


Le dévouement du suspect X, de Keigo Higashino, Ed. Actes Sud – 2011

Ishigami, un professeur de mathématiques, est amoureux de sa voisine, Yasuko Hanaoka, une divorcée qui élève seule sa fille. Mais l’ex-mari de celle-ci a retrouvé sa trace et la harcèle. Elle le tue en cherchant à protéger sa fille, qu'il a attaquée. Ishigami, qui a tout entendu, y voit l'occasion de se rapprocher d'elle et lui propose son aide. Il entreprend alors de maquiller le crime en le considérant comme un problème de mathématiques à résoudre. Et lorsqu’un corps nu, la tête éclatée et le bout des doigts brûlés, est retrouvé au bord du fleuve, l’inspecteur Kusanagi est chargé de l’enquête. Il la mènera avec le concours de son ami Yukawa, brillant physicien et ancien condisciple d’Ishigami à l’université.

Dans ce roman noir “made in Japan”, l’intérêt n’est pas de connaître les coupables, identifiés dès le premier chapitre, mais de démonter l’enchaînement de leurs actes et leur psychologie par une sucession de déductions froidements logiques, à partir d’indices apparemment infimes (ah, l’importance d’une simple bicyclette…). Ici, pas d’interrogatoires musclés ni de violence gratuite : la police reste d’une courtoisie parfaite et les auteurs du crime ne perdent jamais leur sang-froid. C’est extrêmement original, mais peut-être aussi un peu trop rigide pour nos mentalités occidentales. SW



Nagasaki, d’Eric Faye, Ed. Stock – 2010

Quinquagénaire célibataire à la vie réglée comme du papier à musique, sans aspérités ni éclats, Shimara-san constate de minuscules changements dans son petit pavillon de Nagasaki : des aliments disparaissent de son réfrigérateur, des objets sont très légèrement déplacés en son absence - à peine de quoi attirer son attention, mais suffisamment pour qu'un doute le pousse à installer une webcam afin de surveiller sa cuisine à partir de son bureau, à la station météo locale. Il découvre alors qu'en son absence, une femme habite, littéralement, l'un de ses placards. Sans domicile fixe, sans plus de famille ni d'attache, elle partage depuis des mois l'espace très privé de sa maison. La police interviendra, bien sûr, puis il y aura inévitablement un procès. Mais quelque chose restera brisé à jamais en Shimara : jamais plus il ne pourra se sentir chez lui de la même façon.

Le plus extraordinaire, dans cet étrange petit roman, est qu’il a été inspiré par un fait divers survenu en 2008 au Japon. Encore une histoire ayant pour cadre Nagasaki ? Certes, mais ne pourrait-elle pas se dérouler dans n’importe laquelle de nos grandes métropoles dénuées d’âme, où règne le chacun pour soi ? Particulièrement émouvant est l’ultime chapitre, qui nous fait découvrir le point de vue de l’”intruse”. Ce court récit a obtenu en 2010 le Grand prix du roman de l’Académie française. La récompense était amplement méritée.  SW



Romanée-Conti 1935, de Kaikô Takeshi, Ed. Picquier Poche – 1993  

Dans une tour de Tokyo, un dimanche après-midi, deux hommes absorbés dans la dégustation d’une bouteille de Romanée-Conti 1935, usant de gorgées comme autant de ponctuations, poursuivent jusqu’à la lie le texte désordonné de leurs souvenirs. Telle la madeleine de Proust, ce (très) grand vin évoque pour l’un d’eux la saveur d’un amour endormi et d’une femme aux contours effacées jadis connue à Paris.


Comment rester insensible à un titre évoquant un vin aussi mythique que la Romanée-Conti ? Cette petite nouvelle ne peut qu’amuser le lecteur français. On peut toutefois se demander si l’auteur avait vraiment conscience du coût extravagant d’un tel nectar, dont le prix d’une seule bouteille peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros.  Si la lecture de Kaikô Takeshi laisse un goût de trop peu, on peut avantageusement la compléter par l’écoute de La Romanée-Conti, malicieuse chanson d’Anne Sylvestre CLIQUEZ ICI . SW






PROCHAIN CERCLE DE LECTURE

LE SAMEDI 14 AVRIL 2018

THEME : L'ENFANCE