samedi 15 décembre 2012

Retour sur les prix Nobel de littérature

Le thème du Cercle de Lecture de décembre a permis à certains de revisiter avec quelque curiosité des auteurs lus à l'adolescence. Des émotions et des saveurs retrouvées.

La symphonie pastorale, de André Gide
Ed. Gallimard - 1972

Prix Nobel de Littérature 1947
Un pasteur marié d'un petit pays du Jura tient un journal. Il recueille chez lui la jeune Gertrude, aveugle de naissance. Pendant plusieurs années, le pasteur fait au mieux pour élever cette pauvre jeune fille. Jusqu'au jour où il comprend qu'il est amoureux d'elle. Jacques, son fils, a deviné les sentiments de son père à l'égard de Gertrude. Le problème : il est lui-même amoureux de la jeune fille. Un roman d'amour et de raison.
Ce roman mérite de tenir une place honorable dans la littérature française par la qualité de l'écriture, les questions fondamentales qu'il nous amène à nous poser, l'humanité des personnages, leur vérité et l'émotion que dégage l'ensemble - CP

Lune noire, de John Steinbeck
Ed. Le livre de Poche – 1996
Auteur américain, prix Nobel de littérature 1962
Les échos de la guerre ne parviennent qu'à peine dans ce village perdu au fin fond de la Scandinavie, jusqu'au jour où les premiers soldats nazis apparaissent au sommet de la côte... Quel comportement adopter ? C'est finalement une forme de résistance qui prévaut, malgré ceux qui, à l'instar du commerçant Corell, préfèrent jouer le jeu de l'occupant. Une résistance sourde, silencieuse, obstinée, animée par le maire, Orden, et son vieil ami le médecin Winter, qui va d'abord contraindre l'ennemi à la terreur, puis l'acheminer peu à peu vers l'angoisse, le désespoir... C'est en 1942 que ce roman est édité clandestinement en France. Un huis clos où le village, cerné par la neige, apparaît peu à peu comme un microcosme de l'Europe confrontée à la barbarie totalitaire.
Les personnages sont attachants et crédibles, le livre est très bien écrit et on a envie de connaître la fin de l'histoire. La thèse développée, selon laquelle l'homme reste libre car on ne peut écraser son esprit, semble très optimiste - VB

*Le pont sur la Drina, de Ivo Andrić
Ed. Belfond – 1994
Auteur yougoslave, prix Nobel de littérature 1961
A Višegrad, c'est sur le pont reliant les deux rives de la Drina, mais aussi la Serbie et la Bosnie, l'Orient et l'Occident, que se concentre depuis le XVIe siècle la vie des habitants, chrétiens, juifs, musulmans de Turquie ou « islamisés » - quatre siècles d'histoire, depuis la construction chaotique du pont au XVIe siècle par l’Empire turc, jusqu’à sa destruction partielle en 1914.  C’est sur le pont qu’ont lieu les principaux événements de l’histoire de la ville, mais c’est aussi sur le pont  qu’a lieu l’essentiel de la vie quotidienne : les hommes s’assoient sur la kapija (vaste espace au centre du pont) pour causer, pour boire, pour fumer. L’arrivée des Autrichiens dans la ville en 1878 transforme radicalement la vie de la ville, en la faisant entrer dans la modernité à laquelle elle n’est pas préparée.
Un roman magistral, un très beau style de conteur, à la fois contenu et avec des accents de mélopées orientales - NM
Un condensé d'histoire de ce pays, véritable melting pot culturel. Le récit mêle cruauté, bonhomie et humour. En dépit des détails sordides de la réalité, l'auteur parvient toujours à garder une certaine distance et l'on s'attache aux destinées des personnages - GA 

*Home, de Toni Morrison
Ed. Bourgois – 2012
Auteure américaine, prix Nobel de Littérature 1993
La guerre de Corée vient à peine de se terminer, et le jeune soldat Frank Money rentre aux Etats-Unis, traumatisé, en proie à une rage terrible qui s'exprime aussi bien physiquement que par des crises d'angoisse.
Un appel au secours de sa jeune soeur va le lancer sur les routes américaines pour une traversée transatlantique de Seattle à sa Géorgie natale. Il va tout mettre en oeuvre pour la ramener dans la petite ville de Lotus, où ils ont passé leur enfance. Ce voyage à travers les États-Unis le pousse à se replonger dans les souvenirs et dans le traumatisme de la guerre ; plus il se rapproche de son but, plus il (re)découvre qui il est, mieux il apprend à laisser derrière lui les horreurs de la guerre afin de se reconstruire et d'aider sa soeur à faire de même.
Un très beau roman. L'auteure contrebalance toujours la dureté des événements avec des moments poétiques. Toute l'histoire pourrait se résumer à la première et la dernière page, mais on ne le découvre qu'une fois le livre lu. Le résultat est saisissant - GA
Un bon livre, mais l'auteure revient toujours sur la ségrégation raciale aux Etats Unis - un passé qui ne passe pas ! L'histoire se situe dans les années 50 - BF

*Nouvelles de Londres, de Doris Lessing
Ed. Albin Michel - 1997
Auteur britannique, prix Nobel de littérature 2007
D'abord publiés dans les revues ou magazines, les textes de ce recueil s'échelonnent sur trente ans d'écriture et sont autant d'" impressions londoniennes " ou de " choses vues ", depuis la table d'un café, la banquette d'un taxi ou un lit d'hôpital. Une adolescente accouche dans un hangar avant de rentrer chez ses parents. Une brève rencontre rapproche un chauffeur de taxi d'une jeune femme contrainte à mendier pour nourrir ses enfants. Dans un parc, une famille japonaise dispute son pique-nique à une armada de moineaux...
Même si je n'ai pas encore terminé ma lecture, je recommande chaudement ce recueil pour la complicité du regard et la finesse d'observation des scènes du quotidien - AML

*Le chercheur d’or, de J. M.G. Le Clézio
Ed. Gallimard – 1988

Prix Nobel de Littérature en 2008 
Le narrateur Alexis a huit ans quand il assiste avec sa sœur Laure à la faillite de son père et à la folle édification d'un rêve : retrouver l'or du Corsaire, caché à Rodrigues. Adolescent, il quitte l'île Maurice à bord du schooner Zeta et part à la recherche du trésor. Quête chimérique, désespérée. Seul l'amour silencieux de la jeune «manaf» Ouma arrache Alexis à la solitude. Puis c'est la guerre, qu'il passe en France (dans l'armée anglaise). De retour en 1922 à l'île Maurice, il rejoint Laure et assiste à la mort de Mam. Il se replie à Mananava. Mais Ouma lui échappe, disparaît. Alexis aura mis trente ans à comprendre qu'il n'y a de trésor qu'au fond de soi, dans l'amour et l'amour de la vie, dans la beauté du monde.
L'écriture est impressionniste : touche par touche, le monde se crée autour du narrateur et son voyage intérieur apparaît. J'ai beaucoup aimé ce livre - MM

 *Sa majesté des mouches, de William Golding
Ed. Belin-Gallimard – 2008
Auteur britannique, prix Nobel de littérature 1983
Pendant la seconde guerre mondiale, un avion s'écrase sur une île déserte. Les seuls survivants sont des collégiens britanniques. Ils tentent de s'organiser et se donnent un chef, Ralph, qui instaure des lois. Mais son autorité est bafouée par Jack, avide de liberté. Très vite, les enfants s'opposeront en deux clans dont l'affrontement sera terrible. S'ensuivent des comportements qui boudent peu à peu la civilisation et à travers lesquels les rituels immémoriaux le disputent à une sauvagerie d'une violence sans limite.
Un récit dérangeant, qui montre la fragilité de la civilisation face aux pulsions humaines. Peut-être précurseur de l'actualité - MM

Le loup des steppes, de Hermann Hesse
Ed. Le livre de poche – 1991
Auteur allemand puis suisse, prix Nobel de littérature 1946
A force de renier ce qui constitue le bonheur quotidien des hommes, Harry Haller se sent devenu un "loup des steppes" inapte à frayer avec ses semblables, de plus en plus solitaire et voué à l'isolement. Il n'entrevoit qu'une solution, se tuer, mais la peur de la mort l'empêche soudain de rentrer chez lui mettre son dessein à exécution. Il rencontre alors Hermine, son homologue féminin qui a choisi la pratique de ces plaisirs que lui-même a fuis. Elle le contraint à en faire l'apprentissage : c'est une véritable initiation à la vie, une quête troublante pour découvrir le difficile équilibre entre le corps et l'esprit sans lequel l'homme ne peut atteindre sa plénitude.
Ce livre m'a beaucoup impressionnée pendant mon adolescence et j'ai cherché à retrouver la magie du propos, celui de la solitude et du clivage chez l'individu - SAD

*L’Africain, de J. M.G. Le Clézio
Ed. Folio – 2005
Prix Nobel de littérature 2008
L’auteur a huit ans lorsqu’en 1948, avec sa mère et son frère, il quitte Nice pour rejoindre son père qui est médecin au Nigeria et qui y est resté pendant tout le temps de la guerre, loin de sa femme qu'il aime et de ses deux enfants qu'il n'a pas vu grandir. Deux rencontres fondamentales ont ainsi lieu simultanément : celle de l'Afrique et celle du père. Comme deux pays rêvés, attendus, espérés. C'est la rencontre avec l'Afrique qui ouvre ce livre en forme d'autoportrait : l'Afrique dans ce qu'elle a de plus violent, de plus éclatant, de plus saisissant ; la liberté des corps ; la matière magique d'un pays où tout est excessif, le soleil, la végétation, la pluie, les insectes.
Ce livre est très touchant. On sent la distance entre Jean-Marie et son père, son désir de le comprendre. Un roman autobiographique pudique, qui donne envie de lire d'autres livres du même auteur - HL

La coupe d’or, de John Steinbeck
Ed. Gallimard - 1998
Auteur américain, prix Nobel de littérature 1962
Basé sur la vie de Henry Morgan, le héros quitte le Pays de Galle à la recherche de l’aventure et de la gloire. Vendu comme esclave, il s’impose par son intelligence et devient petit à petit un capitaine corsaire respecté. Mais il a toujours soif de quelque chose en plus. Il est toujours l’enfant qui se sent enfermé dans sa vallée galloise au bord de la mer...
Il apprend l’existence d’une femme sublime dans la ville de Panama, le coeur de l’Espagne coloniale, ville aux milles richesses, protégée comme Fort-Knox... Il décide de conquérir Panama. Ses rêves vont s’évanouir dans le sang de Panama...
Une curiosité dans l'oeuvre de Steinbeck : il s'agit de son tout premier roman (1929) inspiré de la vie du plus illustre flibustier des Antilles, mais en aucun cas d'un roman d'aventures. Plutôt à la limite du conte philosophique - SW

La montagne de l’âme, de Xingjian Gao
Ed. Point – 2007
Auteur français d’origine chinoise, prix Nobel de littérature en 2000
Ce roman est avant tout un conte initiatique. Le héros, dont les médecins ont diagnostiqué à tort un cancer du poumon, renaît à la vie après avoir pactisé un temps avec la mort. Après une telle épreuve, il se met en quête de son Graal intérieur, symbolisé par la mystérieuse "Montagne de l'âme". Dans ce but, il sillonne sans fin son pays, une Chine post-révolution culturelle, qui n'en demeure pas moins enracinée dans son passé. À preuve, les récits fantastiques ou populaires, inspirés du patrimoine traditionnel chinois, que le narrateur égrène sur son chemin, à l'intention, le plus souvent, de la jeune femme dont il s'éprend. Chacun des personnages, désigné par un simple pronom personnel (et donc impersonnel !), apporte une couleur universelle à cet insolite roman picaresque.
La quête d'une vérité absolue. Une écriture moderne, qui traduit bien la poésie, le burlesque et le dramatique - NM

*Les titres précédés d'une astérisque sont disponibles à la bibliothèque.

Notre prochain Cercle de lecture se réunira vendredi 25 janvier sur le thème des "Nouvelles". Nous invitons les personnes qui n'ont pu assister à la première séance à venir choisir, si elle le souhaite, un livre dans la sélection que nous avons établie pour l'occasion.




lundi 26 novembre 2012

L'ethnopolar s'invite au Cercle de Lecture

Le pionnier de ce genre, Arthur Upfield, a fait de la culture aborigène la toile de fond de ses enquêtes policières, mais d'autres cultures ont également été visitées ce soir.

Culture aborigène
*L’empreinte du diable, de Arthur Upfield
Ed. 10 x 18 – 2008
Dans l'État de Victoria, en Australie, la quiétude d'une petite pension isolée va être troublée par la découverte du corps d'un des clients, un certain Grumman. Ses bagages ont mystérieusement disparu et le premier inspecteur dépêché sur les lieux est assassiné par un gangster bien connu des services de police.
L'armée a justement chargé l'inspecteur Napoléon Bonaparte d'enquêter sur les agissements de ce Grumman, soupçonné d'être un espion allemand.  L’enquête se fait au nez et à la barbe de quasi tous les pensionnaires et employés de la pension et certains d’entre eux sont suspectés par "Bony" dont le flegme est parfois mis à mal. Ses déductions s’affinent au fur et à mesure et on apprend que quelques uns jouent un double jeu…
Un roman dans le style Agatha Christie. L'enquêteur, de culture aborigène, reconstitue l'emploi du temps de chacun grâce à sa capacité à lire dans les empreintes laissées dans l'herbe et dans le sable...  - GA 
 
*Tueur d’aborigènes, de Philip McLaren
Ed. Folio – 2005
Soucieux d'être politiquement correct envers ses minorités, l'État australien crée, contre l'avis de ses propres forces de police, une «brigade aborigène». Elle se compose, pour cette immense nation plus grande que l'Europe, d'un homme et d'une femme. Le premier, Gary, est devenu flic, lui qui fut victime pendant sa jeunesse du racisme des Blancs. La seconde, Lisa, a été littéralement arrachée des bras de sa mère à l'âge de cinq ans pour être placée dans un institut légal dirigé par des sœurs. Ces deux-là s'en sont sortis. Ils sont brillants, jeunes, habitués au combat. La découverte à Sydney, pour leur première enquête, du corps détrempé d'une jeune ado sonne pour eux le début d'une traque effrayante. Ce qu'ils vont découvrir, au fil des meurtres, n'est rien moins que l'histoire récente d'une île millénaire.
Pas mal du tout. Cela conviendrait bien à une série TV - HL

Culture Navajo
*La Rivière des âmes perdues, de James D. Doss
Ed. Albin Michel - 1999
Dans les montagnes Rocheuses du Colorado, une vieille femme indienne est troublée par des visions maléfiques. Très attachée aux croyances taditionnelles de son peuple, Daisy Perika a la certitude que les forces des ténèbres sont à l'oeuvre... Le meurtre d'une jeune scientifique, non loin de là, dans la petite ville de Granite Creck, en est-il la preuve ? Meurtre brutal et déroutant de l'avis de Scott Paris, chef de la police. L'enquête dangereuse qu'il s'apprête à conduire va le mener aux frontières d'un monde qu'il connaît, mais aussi de lui-même. C'est initialement par pure curiosité qu'il consent à rencontrer Daisy, la tante de Charlie Moon, un policier indien de la réserve voisine. Elle insistait tant pour être présentée au matukash venu de l'Est. En fait, dans ses rêves, la vieille femme a déjà rencontré Scott Paris. C'était sur la rivière des âmes perdues...
Les coutumes indiennes ne sont pas vraiment au coeur de l'histoire, l'énigme est intéressante, mais l'un des deux meurtres reste non élucidé et on reste sur sa faim - RRD

*Le vent qui gémit, de Tony Hillerman
Ed. Rivages – 2003
Bernie croyait bien ne plus jamais être considérée comme la recrue la plus inexpérimentée de la police tribale navajo, et pourtant… Lors d’une journée bien remplie, elle commet une erreur de débutante. Partie vérifier l’état d’un camion abandonné, elle découvre un cadavre à l’intérieur et conclue à un décès naturel. Ayant récupéré les semences végétales accrochées au jean du mort, elle les place dans une boîte à tabac ramassée au milieu des herbes. Les infirmiers découvrent des traces de sang qui accréditent la thèse d’un assassinat. Le sergent Jim Chee, supérieur de Bernie va devoir expliquer au FBI pourquoi la boîte à tabac se trouve sur son bureau plutôt que sur les lieux du crime. Dans le camion, la découverte d’archives sur la mine du Veau d’or rappelle à Joe Leaphorn une tentative d’escroquerie vieille de cinq ans. De son côté, Jim Chee mène l’enquête tandis que Bernie, voulant faire oublier sa bévue, recherche la fameuse mine d’or et échappe de justesse aux balles d’un tireur inconnu.
Les rites et coutumes navajos sont des éléments essentiels de l'enquête. L'intrigue est bien ficelée et les personnages attachants. Pour les Navajos, le rapport au temps et à la mort est bien différent du nôtre - VB
D'où l'expression "Indian time", pour souligner cette différence, au Canada  - HL

Culture chinoise
*Le mystérieux tableau ancien, de Jiahong He
Edition de l’Aube – 2011
Hong Jun, avocat pékinois, est surtout célèbre par ses talents de détective, admirablement secondé en cela par sa pétulante et ravissante secrétaire, Song Jia. Aujourd'hui, il est contacté par une femme professeur à l'université de Pékin, dont le mari, éminent chercheur dans une société pharmaceutique de pointe, a brusquement perdu la mémoire. Seul, peut-être, un tableau de famille pourra donner la clé du mystère...
L'enquête est menée dans un contexte de corruption qui n'est pas vraiment spécifique à la Chine. Le roman policier est écrit dans un style convenu et enfantin (la faute à la traduction ?), sans charme particulier - CP

Les nouvelles enquêtes du juge Ti, de Frédéric Lenormand
Ed. Points – 2006 
En l'an 668, surpris par une inondation spectaculaire, le juge Ti se réfugie dans une auberge de province. Le lendemain, un des hôtes est assassiné. D'autres cadavres flottent bientôt sur les eaux d'une crue toujours plus menaçante. Accompagné de son fidèle Hong, Ti suit une piste qui mène à un splendide château aux occupants étranges et inquiétants. 
Je recommande chaudement cette série policière sympathique et facile à lire, idéale pour les vacances. Toute la série se passe dans la Chine médiévale. Frédéric Lenormand est l'auteur de nombreux essais historiques - IV

Culture nippone
*Fantômes et kimonos : Hanshichi mène l'enquête à Edo, de Kidô Okamoto 
Editions Philippe Picquier - 2006
Plein de bienveillance mais aussi de malice, Hanshichi est un détective de l'ancien temps qui sait démêler le vrai du faux, démasquer les secrets des jeunes geishas et les entourloupes des fantômes. Car dans le Japon du XIXe siècle, il arrive qu'une mystérieuse coquette en kimono se transforme en énorme chat noir, que les monstres de foire courent les rues où s'escrime un meurtrier à la lance, à moins que l'ombre maudite de la fille du marchand de saké ne vous accompagne, le soir, avec de sanguinaires appétits de vengeance. Autant d'énigmes que notre Sherlock Holmes nippon réussit à élucider dans l'ancienne ville d'Edo aux pittoresques coutumes, en nous contant au passage maintes anecdotes sur les traditions, les fêtes, les usages et les plaisirs de cette époque où les fantômes n'étaient jamais bien loin.
Les subordonnés de l'inspecteur sont plutôt comiques et ne comprennent pas toujours ce qu'il veut, mais à la fin tout s'emboîte comme par miracle. La conclusion : "les méchants de l'ancien temps étaient peut-être plus intègres que les bons d'aujourd'hui" - VD

*La chambre rouge, de Ranpo Edogawa
Ed. Philippe Piquier – 1998
Petit recueil de cinq nouvelles, dont la première est un exemple de cruauté humaine : un homme revenu mutilé de la guerre, amputé des quatre membres et devenu sourd, se retrouve à la merci de sa femme qui "s'occupe" de lui avant qu'il ne trouve une fin tragique.
La troisième nouvelle - "la Chambre Rouge" - est le récit plutôt drôlatique d'un homme qui raconte comment il a tué cent personnes, mais pas de ses propres mains...
Une impression mitigée pour la 1ère nouvelle, j'ai plus apprécié les suivantes - FL
Une atmosphère façon Edgar Poe ou conte fantastique à la Conan Doyle, qui laisse une part importante à l'imagination. J'ai bien aimé - MM
  
*La librairie Tanabe, de Miyabe Miyuki
Ed. Philippe Piquier - 2001

Monsieur Iwa est libraire à Tokyo. Dans la librairie Tanabe, avec l'aide de son petit-fils, féru de littérature, il vend des livres d'occasion. Mais, par l'intermédiaire de leurs clients, tous deux vont se trouver impliqués dans des histoires de meurtres ou de morts étranges. Une grande perspicacité et une clairvoyance certaine, alliées à une solide culture leur permettront de jouer les détectives amateurs.  Il est vrai qu'ils seront conduits à découvrir les coupables grâce au titre d'un livre, ou au détour d'une phrase, clé de toutes les énigmes.
Cinq nouvelles dont le trait d'union est le libraire. Des enigmes plus que des enquêtes policières, tout  est en sourdine et en demi-teinte, suggéré plutôt que dit. Il faut oublier les codes que nous connaissons. Plus de curiosité que de stress, presque apaisant - NM
J'ai trouvé l'histoire plate et le style peu entraînant (problème de traduction ?) - MM

Nous avons poursuivi notre voyage avec des polars qui ne rentrent pas dans le thème ethnologique, mais certains d'entre nous avaient envie de les partager et nous n'avons pas boudé notre plaisir...
Suède
*La terre peut bien se fissurer, de Kjell Eriksson
Ed. Actes Sud – 2010


Dans une maison perdue en pleine forêt, Tore, un ancien junkie en rupture avec la société, tente de se réconcilier avec l'existence. Il rêve de retrouver Eva, la mère de son fils, pour reconstruire sa vie de famille. Près d'Uppsala, un couple apparemment sans histoire est sauvagement abattu. Peu de temps après, une jeune infirmière est assassinée en plein centre-ville.
Les mobiles restent mystérieux, mais c'est la même arme qui a été utilisée et les victimes ont été prévenues d'une semblable et nauséabonde manière. La jeune et talentueuse Ann Lindell est chargée de l'enquête. Elle dirige son équipe criminelle avec maestria, mais dans sa vie privée le doute domine : doit-elle se lier durablement et faire des projets avec cet homme qu'elle aime mais qui vit reclus sur son île ? Dans une époque peu soucieuse de l'humain, où les gens se révèlent incapables de vivre ensemble et de s'entraider, la "vraie victime" n'est pas toujours celle que l'on croit...
On peine à rentrer dans la psychologies des personnages, qui est déterminante pour la compréhension du roman. Au final, un livre bien écrit et intéressant - EG

*La Cité des Jarres, de Arnaldur Indridason
Ed. Points – 2006
Islande - Un nouveau cadavre est retrouvé à Reykjavik. L'inspecteur Erlendur est de mauvaise humeur : encore un de ces meurtres typiquement islandais, un "truc bête et méchant", qui fait perdre son temps à la police... Des photos pornographiques retrouvées chez la victime révèlent une affaire vieille de quarante ans, et le conduisent tout droit à la " Cité des Jarres ", une abominable collection de bocaux renfermant des organes...
Un roman à l'opposé du roman japonais qui précède, dominé par une ambiance anxiogène, haletante, effrayante. L'auteur est un maître du roman noir - NM
Irlande
*Delirium tremens : une enquête de Jack Taylor, de Ken Bruen
Ed. Folio policier
Jack Taylor, ancien flic viré pour alcoolisme sévère, se lance dans une enquête qui le conduira bientôt jusqu'aux bas-fonds de Galway... Entre deux crises de delirium tremens, il ressemble à un équilibriste sur le fil du rasoir. Attention, le précipice n'est jamais loin... 
L'enquête est un prétexte à découvrir le héros alcoolique chronique et incurable, ou peut-être pas... Un héros qui sera à suivre, car c'est là le premier livre d'une série. Un récit imbibé et déroutant, mais plaisant - IV

Sicile
*Un été ardent, de Andrea Camilleri
Ed. Pocket – 2010
 D'abord une invasion de cafards, puis de souris, et enfin de rats : la villa que le commissaire Montalbano a trouvée à Vigàta pour des amis de sa fiancée Livia semble vraiment maudite. La série de catastrophes atteint son paroxysme lorsque le petit garçon du couple disparaît... pour être finalement retrouvé sain et sauf dans un sous-sol dont les locataires mêmes ignoraient l'existence. Mais une autre découverte y attend le commissaire : le cadavre d'une jeune fille du village disparue depuis plusieurs années. Dans la chaleur étouffante du mois d'août en Sicile, Montalbano se lance dans une nouvelle enquête dont la progression est perturbée par la soeur jumelle de la défunte, la ravissante Adriana. Un été ardent pour le commissaire préféré des Italiens qui, entre angoisses de l'âge et tourments de la chair, devra, avant tout, garder la tête froide...
Notre lecteur est un fidèle de Camilleri... L'intrigue policière passe au second plan. L'auteur prend à contrepied tous les codes du polar : grand soleil au lieu de la nuit, héros bon vivant, etc. Cela se déguste ! - SW 

Canada
Le jardinier de Monsieur Chaos, de Francis Malka
Ed. Hurtubise Editions HMH – 2007
Un jardinier est embauché par un riche médecin, monsieur Chaos, pour refaire l’aménagement paysager de sa vaste propriété. Un jour, Chaos lui demande de l’aider à remplir un service très particulier que lui a demandé une amie, condamnée à une mort imminente : l’enterrer sous la statue de son mari, sur la place publique la plus fréquentée du village. La tâche est impossible, mais le jardinier en vient à bout grâce à un tour de force scientifique qui permet de remplacer l’odeur de la putréfaction par celle de l’essence d’une fleur. Bientôt, de nombreux citoyens viennent lui demander la même chose : être enterré à un endroit qui leur est cher… en dégageant un parfum de fleur. Pour la police ce sont autant de disparitions inexpliquées. Un détective mène l’enquête et cherche à répondre à une épineuse question : le jardinier est-il un épouvantable assassin ou un biologiste désintéressé qui enterre les gens par compassion en donnant à leur dépouille le parfum de la fleur de leur choix ?
Un conte macabre, plutôt amusant - MPV

  
Maigret : L’ombre chinoise, de Georges Simenon
Ed. Livre de poche
Raymond Couchet a été abattu dans le bureau de son entreprise, située au fond de la cour d'un immeuble de la place des Vosges. Une somme d'argent (l'ensemble de la paie du personnel) a été dérobée de son coffre-fort, retrouvé ouvert après le crime. Quand Maigret commence son enquête, il découvre que Couchet a laissé un testament léguant toute sa fortune à ses "trois femmes": sa première épouse, son épouse actuelle, et la jeune Nine, sa maîtresse. Or, il se fait que la première épouse de Couchet habite toujours l'immeuble de la place des Vosges où Couchet a ses bureaux.
Un livre de la série des Maigret, adapté plusieurs fois pour la télévision en Angleterre, en Italie et en France. Lire un Maigret est toujours un plaisir - MPV

Death comes to Pemberley, de P.D. James
Ed. Knopf Canada – 2011
*La mort s’invite à Pemberley,
 Ed. Fayard - 2012  
Rien ne semble devoir troubler l’existence ordonnée et protégée de Pemberley, le domaine ancestral de la famille Darcy, dans le Derbyshire, ni perturber le bonheur conjugal de la maîtresse des lieux, Elizabeth Darcy. Elle est la mère de deux charmants bambins ; sa sœur préférée, Jane, et son mari, Bingley, habitent à moins de trente kilomètres de là ; son père adulé, Mr Bennet, vient régulièrement en visite, attiré par l’imposante bibliothèque du château. Mais à la veille du bal d’automne, un drame contraint les Darcy à recevoir sous leur toit la jeune sœur d’Elizabeth et son mari, que leurs frasques passées ont rendu indésirables à Pemberley. Avec eux s’invitent la mort, la suspicion et la résurgence de rancunes anciennes.
J'ai adoré ce livre, écrit à la manière de Jane Austen, une suite à "Orgueil et Préjugés". L'auteure n'a plus rien à prouver, mais elle a pris un risque, et c'est un pur régal ! - HL

*Les titres précédés d'une astérisque sont disponibles à la bibliothèque.