mercredi 18 juin 2014

Les oiseaux s'invitent à l'Heure du Conte

Dernière Heure du Conte avant l'été. 
Un conte folklorique japonais a ouvert la séance :

Le moineau à la langue coupée
Un kamishibaï de Miyoko Matsutami, Seiichi Horiuch
Ed. Doshinsha - 2009
Il y a fort longtemps, dans la campagne japonaise, vivaient un vieil homme et sa femme. L'homme s'était pris d'affection pour un moineau qui jouait autour de lui lorsqu'il travaillait dans les champs. Un jour, il ramena l'oiseau blessé à la maison et le soigna amoureusement. Mais il lui fallu le laisser à la garde de sa femme pour aller travailler. Or celle-ci était revêche, méchante, et jalouse de l'attention portée au petit moineau... 


Notre deuxième conte était inspiré d'une légende des Haïdas - un peuple amérindien de la côte Ouest du Canada et du Nord des États-Unis.

Corbeau vole la lumière, de Bill Reid & Robert Bringhurst
Ed. Plaines / Contes et Légendes - 2011


Le monde en ce temps était plongé dans le noir. Un vieil homme vivait avec sa fille au bord de la rivière et nul n'aurait pu dire dans cette nuit profonde si la jeune fille était belle comme les branches du sapin ciguë ou si elle était laide comme une limace de mer... Pourtant le vieil homme possédait un coffre, qui contenait une infinité de coffrets, chacun plus petit que le  précédent, jusqu'au dernier qui était si petit qu'il ne pouvait rien contenir d'autre que toute la lumière de l'univers... C'est cette lumière que Corbeau le rusé parviendra à voler et bientôt le soleil brillera, éclairant pour la première fois la maison du vieillard. C'est alors qu'il découvrira le visage de sa fille. 


Le conte lu a été gardé pour la fin, car il était prévu que les enfants y prennent une part active...
La petite oie qui ne voulait pas marcher au pas, de Jean-François Dumont
Ed. Père Castor/Flammarion - 2012

Zita, la petite oie de la Ferme du Bout du Pré, perturbe le rythme du défilé quotidien : chaque jour, le troupeau d'oies descend en cadence vers la mare pour sa toilette matinale. Igor, le chef, tient à ce que cela se fasse dans l'ordre et il exclut Zita... Mais les autres animaux de la ferme ne résistent pas au rythme entraînant du pas de Zita et bientôt tous l'accompagnent de leurs cris. Quelle ambiance ! Dès le lendemain Igor se retrouve seul à marcher au pas, les autres oies préfèrent se mêler à la fête...

Nous avons réparti les cris des animaux entre les enfants et tous ensembles, nous avons rejoué la cacophonie de la Ferme du bout du Pré :)


samedi 14 juin 2014

Sueurs froides au Cercle de Lecture

Notre ami Serge avait décidé, pour clore la saison, de nous faire explorer le thème de la peur. Que du sérieux..., mais la tension palpable a cédé en milieu de séance, avec une petite nouvelle de trois pages - une trouvaille, noire à souhait, qui nous a littéralement réjouis.


Seul dans Berlin, de Hans Fallada
Ed. Denoël – 2014
Mai 1940, on fête à Berlin la campagne de France. La ferveur nazie est au plus haut. Derrière la façade triomphale du Reich se cache un monde de misère et de terreur. Seul dans Berlin raconte le quotidien d'un immeuble modeste de la rue Jablonski, à Berlin. Persécuteurs et persécutés y cohabitent : Mme Rosenthal, juive, dénoncée et pillée par ses voisins ; Baldur Persicke, jeune recrue des SS qui terrorise sa famille ; les Quengel, désespérés d'avoir perdu leur fils au front, qui inondent la ville de cartes postales hostiles à Hitler et déjouent la Gestapo avant de connaître une terrifiante descente aux enfers.
De Seul dans Berlin, Primo Levi disait, dans Conversations avec Ferdinando Camon, qu'il était "l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie". 

Ce roman, inspiré d’actes de résistance bien réels, décrit avec réalisme et sincérité la survie des gens du peuple dans un monde où la terreur est systématiquement utilisée comme instrument politique - SW



*Le rapport Brodeck, de Philippe Claudel
Ed. Le livre de Poche - 2009
Après la seconde guerre mondiale et sa déportation dans les camps de concentration, Brodeck rentre dans son village et retrouve sa femme Emilia qui a perdu la maison et s'est enfermée dans un mutisme traumatique.
Un meurtre survient qui implique des hommes et les notables du village. La victime surnommée " l'anderer " (l'autre) est un inconnu mystérieux débarqué de nulle part, mais qui au fur et à mesure de son séjour a réveillé des choses qui s'étaient endormies et a mis en lumière " des vérités profondes des âmes du village ". A la demande du maire, Brodeck est contraint de rédiger un rapport.
La seconde guerre mondiale a réveillé la laideur des hommes. Brodeck fera-t-il acte de courage au moins une fois dans sa vie pour dénoncer ces notables véreux et sans scrupules ? Pourquoi parmi tous ces coupables ne se sent-il pas tout à fait innocent ?

Ce récit est glaçant, à la limite du supportable. La purification passe par l'élimination de tous ceux qui sont différents, de l'inconnu, qui fait peur...- BF



*Purge, de Sofi Oksanen
Ed. Le livre de poche – 2012
En 1992, à la fin de l’été en Estonie, l'Union soviétique s'effondre et la population fête le départ des Russes. Cependant la vieille Aliide, qui redoute les pillages, vit terrée dans sa ferme. Lorsqu’elle trouve dans son jardin Zara, une jeune femme meurtrie, en fuite, que des mafieux russes ont obligée à se prostituer à Berlin, elle hésite à l’accueillir. Pourtant, une amitié finit par naître entre les deux femmes. Aliide aussi a connu la violence et l’humiliation… A travers ces destins croisés pleins de bruit et de fureur, c’est cinquante ans d’histoire de l’Estonie que fait défiler Sofi Oksanen. 

Le doute, la méfiance, la délation, la peur habitent tous ces personnages, après cinquante ans d’occupation soviétique. L’écriture est très maîtrisée et le livre très intéressant, mais certains passages sont d’une grande violence - NM


C'est une double lecture de la célèbre la nouvelle de Maupassant et de son adaptation à la BD que nous propose Marc :


*Le Horla, de Guy de Maupassant
Ed. Pocket – 2005



*Le Horla, de Guillaume Saurel / Guy de Maupassant
Ed. Rue de Sèvres - 2014
Le narrateur mène une vie tranquille dans sa maison normande, au bord de la Seine, lorsque d'étranges phénomènes commencent à se produire. C'est la carafe d'eau sur sa table de nuit qui est bue, des objets qui disparaissent ou se brisent, une fleur cueillie par une main invisible... Peu à peu, le narrateur acquiert la certitude qu'un être surnaturel et immatériel vit chez lui, se nourrit de ses provisions. Pire encore, cet être, qu'il baptise le Horla, a tout pouvoir sur lui, un pouvoir grandissant... S'il quitte sa maison, ce pouvoir disparaît ; mais bientôt, il ne peut plus sortir de chez lui, il est prisonnier. D'où vient cet esprit ? Du Horla ou de l'homme, l'un des deux doit périr.

Le Horla, comme tous les contes fantastiques que Maupassant écrivit à la fin de sa vie, alors qu'il sombrait dans la folie, joue délicieusement avec nos nerfs. Ce sont deux ouvrages magnifiques, un vrai régal. Une seule réserve dans cette superbe BD : la forme humanoïde du Horla, mais comment le représenter ? - MM

Les angoisses du narrateur pourraient être celles d’un patient venu consulter un psychanalyste, un narrateur en proie à une dépression profonde, voire à une réelle psychose. Le texte est tragique, car il préfigure la mort de Maupassant lui-même, mort fou, interné dans la clinique du Dr Blanche. Le texte est contemporain des travaux menés par le Dr Charcot sur l’hystérie. Nul doute que Maupassant en avait connaissance… – BF


La Torture par l’espérance, un conte extrait des « Nouveaux contes cruels », de Villiers de l’Isle Adam 

Contes cruels, suivis de Nouveaux contes cruels et de l'Amour suprême, de Villiers de L'Isle Adam
Ed. José Corti - 2005

Aux heures les plus sombres de l’Inquisition, le prisonnier Rabbi Aser Abarbanel, juif aragonais, est soumis à la torture depuis un an dans l'espoir de lui faire abjurer sa religion.
Ce jour-là le Grand Inquisiteur lui demande pardon et l'embrasse. Il l'invite à se réjouir car ses épreuves touchent à leur fin : demain, il fera partie de l'auto da fé, sera exposé au brasier prémonitoire de l'éternelle Flamme, des langes mouillés et glacés préserveront son front et son cœur, et il aura tout le temps d'invoquer Dieu car il sera le dernier des quarante-trois qui recevront le baptême du feu... L'inquisiteur parti, ô stupeur, on a oublié de refermer la porte de la geôle...
Le style est concis, ciselé, féroce ! Trois pages insoutenables, un suspense savamment orchestré, une chute refroidissante, qui ont été récompensés par les rires édifiés de toute l'assemblée. Merci à Anne-Marie qui n'a pas pu être présente et qui nous avait fait passer ce texte.



*Murambi, le livre des ossements, de Boubacar Boris Diop
Ed. Zulama – 2014
Le roman replonge le lecteur dans l'atmosphère électrique qui précède le génocide tutsi au Rwanda. Un contexte nauséeux où les bourreaux hutus attendent, où les victimes tutsis pressentent le piège qui va s'abattre sur elles. Dans ce récit éclaté, chaque voix parle à la première personne, alternant les points de vue.
Cornelius, exilé de longue date à Djibouti, revient au Rwanda et retrouve ses amis d'enfance Jessica, qui a été agent de liaison de la guérilla à Kigali pendant le génocide, et Stanley, qui a parcouru le monde pour lever des fonds et expliquer aux étrangers le combat du FPR. Le récit est construit comme une enquête.
Toute la famille de Cornelius a disparu, du moins c'est ce qu'il pense en rentrant au Rwanda. Ce qu'il va découvrir, en particulier au sujet de son père, va remettre en cause toute sa vision du monde.
Ce livre parle à ceux qui veulent en savoir d'avantage. "La Coupe du monde de football allait bientôt débuter aux Etats-Unis. Rien d'autre n'intéressait la planète..." La parole de l'écrivain est essentielle - GA



L’affaire Charles Dexter Ward, de H.P. Lovecraft*
Ed. J’ai lu – 2002
Échappé de Salem lors de la grande chasse aux sorciers du XVllle siècle, Joseph Curwen vint s'établir à Providence où il mourut en 1771. La découverte de sa tombe par son descendant, Charles Dexter Ward, va être le début d'un drame au cours duquel le jeune homme perdra l'esprit. Un vieil ami de la famille, le Dr Willett, enquête sur cette affaire diabolique où chaque pas en avant dans la découverte de la vérité révèle des horreurs innommables. Le puzzle cauchemardesque va se compléter peu à peu sous nos yeux. Pourquoi, par exemple, l'écriture du jeune Ward devient-elle peu à peu semblable à celle de Joseph Curwen, le sorcier ? 

Je me souviens de mon engouement pour ce livre, adolescente. Mes goûts ont évolué, mais l’auteur que Stephen King tenait pour « le plus grand artisan du récit classique d’horreur du XXe siècle » mérite le détour. Sa biographie nous éclaire sur son goût pour l’horreur et le morbide : dans son jeune âge, son père meurt à l’asile ; son grand-père l’initie aux histoires « gothiques » avant de décéder à son tour ; adulte, il est sujet aux terreurs nocturnes… Ce livre sera son seul roman. Lovecraft écrit surtout des nouvelles, dont certaines reprises dans l'album présenté à la suite – SV



*Les mythes de Cthulhu, de Alberto Breccia / H.P. Lovecraft
Ed. Rackham – 2008
C’est aux "grands textes" de Lovecraft que Breccia s'attaque. Son graphisme inimitable fait de cet album un chef d'œuvre du fantastique, de la science-fiction et de l'épouvante, combinant ces trois ingrédients pour produire un cocktail innovant et révolutionnaire. Breccia préfère l'abstraction, le non-dit, le suggestif. 

Un album étonnant, qui a recours à de nombreux collages. Superbe ! - SV


*Mort-Terrain, de Biz
Ed. Lemeac – 2014
Un médecin s'établit dans une petite ville du nord du Québec tandis qu'une grande compagnie minière s'intéresse au minerai du sous-sol de cette région. L’avidité de l'entreprise qui cannibalise la terre a des répercussions humaines plus horribles qu'il n'y paraît.
Le Wendigo, monstre mangeur de chair, sévirait-il à Mort-Terrain, car voilà que les cadavres s'additionnent... Les deux communautés - indienne et québécoise - s’opposent, mues par leurs peurs : peur du chômage, peur de l’autre, peur de la pollution… À travers une galerie de portraits savoureux, sans jamais juger, Biz raconte une histoire fantastique et pourtant éminemment réaliste, un thriller d'horreur qui se lit au grand galop.
Biz est québécois, rappeur, chanteur, auteur et comédien. J’ai beaucoup aimé ce livre et me suis bien amusée à décrypter les expressions québécoises - un vocabulaire abscons pour les Français, mais facile à deviner pour une anglophone… - HL


*Atom[Ka], de Franck Thilliez
Ed. Pocket – 2013
Une affaire d'envergure démarre pour Lucie Hennebelle et Franck Sharko du 36, quai des Orfèvres. Christophe Gamblin, un journaliste de faits divers, est retrouvé mort de froid, enfermé dans son congélateur. Sa collègue a disparu alors qu'elle enquêtait sur un gros dossier dont personne ne connaît le contenu. La seule trace qu'elle a laissée est son identité griffonnée sur un papier, retrouvé sur un enfant errant, malade, aux organes déjà vieillissants. Parallèlement, une ancienne affaire de femmes enlevées refait surface, avec des victimes jetées vivantes dans des lacs quasi gelés et secourues in extremis par des coups de fil mystérieux. Tandis que l'enquête s'accélère, une ombre évolue dans le sillage de Franck Sharko, jouant avec lui et semblant lui en vouloir particulièrement. Un duel cruel s'engage alors, qui détruit le flic à petit feu.  

Ce sont, à n'en point douter, les auteurs des crimes les plus atroces qui ont le plus peur de la mort, car ils sont à la recherche de l'immortalité. Je n’ai guère été convaincue, mais après avoir refermé ce livre qui se déroule en partie à Tchernobyl, ma peur à moi est bien celle d'une nouvelle catastrophe nucléaire et de toutes les horreurs qui l'accompagnent... - CP



*La porte des enfers, de Laurent Gaudé
Ed. Actes Sud - 2013
Dans une rue de Naples, le fils de Matteo et de Giuliana meurt sous les balles d’une bande mafieuse. Dès lors, la soif de vengeance prend possession de ses parents et détruit leur vie. Dans les ruelles envahies par les ordures, d’étranges personnages se croisent et s’allient pour que la vengeance s’accomplisse. Rien ne peut arrêter le désir d’extermination du père qui, comme Orphée, ose pénétrer au royaume des ombres pour en arracher son fils. Et la folie emporte la mère dont rien n’apaise la douleur. 

Le royaume des morts selon Gaudé nous donne des frissons d’épouvante. Le livre est poignant - PM

 *Les titres précédés d'une astérisque sont disponibles à la bibliothèque. 
Après un dernier verre, nous avons pris rendez-vous début octobre
pour partager nos coups de cœur de l'été !