Sur ce thème, impossible de choisir une chanson faisant
l’affaire pour tous… Exhumons donc de la naphtaline un air n’ayant aucun
rapport : la «chanson tendre», écrite en 1935 par Francis Carco, fut
d’abord chantée par Fréhel, puis reprise avec beaucoup de sensibilité en 1961
par Colette Renard CLIQUEZ ICI. En plus, mon papa la
chantait divinement bien. C’est beau, non ? - SW
Ed. Le livre de
poche (1e parution en 1938)
Empoigner la vie et
la savourer à loisir. Henry Miller ne réalisera vraiment son rêve qu'après
avoir rencontré la jeune femme à qui est dédié ce livre, Mona (héroïne de Plexus et de Nexus), et après avoir compris que, plus encore que mordre la vie à
belles dents, il désire exprimer ce qu'il pense et ressent. La période
qu'évoque Tropique du Capricorne est
celle qui précède la découverte de sa vocation d'écrivain. La sexualité tient
une place qui avait fait interdire le livre à sa parution en 1938, mais Henry
Miller ne fait pas que fouler aux pieds les interdits : il raconte avec une
verve infatigable son enfance à Brooklyn, ses ambitions, sa découverte du
surréalisme, sa philosophie.
J’ai toujours été
fasciné par l’énergie et le bouillonnement qui émanent de ce livre, comme
d’ailleurs de toute l’œuvre d’Henry Miller, trop souvent réduite à ses aspects
sulfureux. Cela dit, l’année 1938 a vu naître tant de chefs-d’œuvre qu’on n’a
que l’embarras du choix : entre la Nouvelle histoire de Mouchette, de Georges Bernanos, Mangeclous, d’Albert Cohen, L’Araigne,
d’Henri Troyat, Le rocher de Brighton,
de Graham Greene, Rebecca, de Daphne
du Maurier, ou La nausée, de
Jean-Paul Sartre, je ne savais plus où donner de la tête. Tout choix est
arbitraire… – FB
Ed. Gallimard (1e
parution en 1951)
Lorsque Bill Masen se réveille dans
son lit d'hôpital, après une semaine passée les yeux bandés, il pense avoir
manqué le spectacle du siècle : une pluie d'éclats de comète qui a illuminé le
ciel d'éclairs verdâtres. Il ne le sait pas encore, mais son destin et celui de
la planète entière viennent de basculer. En effet, si les bandages de Bill
l'ont sauvé d'une cécité définitive, la quasi-totalité de l'humanité est
devenue aveugle.
De petits groupes tentent de s'organiser pour survivre mais c'est compter sans les triffides, mystérieuses plantes capables de se déplacer et qui semblent bien décidées à profiter de la faiblesse des humains survivants pour les anéantir…
De petits groupes tentent de s'organiser pour survivre mais c'est compter sans les triffides, mystérieuses plantes capables de se déplacer et qui semblent bien décidées à profiter de la faiblesse des humains survivants pour les anéantir…
Chef-d'œuvre de la science-fiction
post-apocalyptique, Le jour
des triffides a été adapté au
cinéma sous le titre La
révolte des trifides.
John
Wyndham n’est pas très connu en France (peut-être à cause d’une traduction laissant
à désirer), et c’est dommage. Moi, j’ai lu ce livre il y a bien longtemps, et
j’ai adoré y avoir peur. A l’époque, sa dimension quasi-philosophique (un monde
à reconstruire, le bien et le mal, la fragilité de l’homme, etc…) m’est un peu
passée au-dessus de la tête, et je n’ai lu qu’un passionnant roman de S-F. Mais
quel que soit le niveau de lecture, c’est très fort. – SV
Ed. De Provence (1963)
Inspiré du film éponyme réalisé dix ans auparavant,
ce roman constitue le second volume du dyptique L’Eau des collines. Le premier,
Jean de Florette, raconte l’histoire
d’un citadin arrivant dans les collines
arides de l’arrière-pays provençal pour y reprendre une ferme dont il a hérité.
Mais ses voisins –le Papet et son neveu Ugolin–convoitent la propriété,
car une source s’y trouve. Ils n’hésitent pas à la boucher pour mieux s’en
emparer. Vivre sans l’eau des collines est si difficile que Jean de Florette
(le citadin) finira par se tuer au travail, au sens propre du terme. Dans le
second tome –Manon des Sources–
Ugolin prospère sur la ferme bien mal acquise, où il a évidemment «redécouvert»
la source. Manon, la fille de Jean de Florette, est devenue bergère et vit en
sauvageonne. Ugolin en est amoureux fou. Mais Manon, qui sait tout, le repousse
et lui préfère le jeune instituteur. Lorsqu’elle comprend que tout le village savait, sa vengeance est terrible :
c’est à son tour d’en tarir la précieuse fontaine. Dès lors, Ugolin est perdu,
et le Papet sera porté au comble des remords par une révélation inattendue sur le passé qui
le lie à Manon.
En 1986, Claude Berri réalise Jean de Florette et Manon des
Sources avec Daniel Auteuil (Ugolin), Emmanuelle Béart (Manon) Yves Montand (le Papet) et Gérard Depardieu (Jean de Florette).
Même si
morale et justice finissent par y triompher, ce livre décrit de façon
époustouflante la rapacité de ceux qui ne reculent devant rien pour gagner
plus. On y trouve aussi une réflexion sur la différence, à la fois physique et
sociale : Jean est rejeté car il est citadin et bossu. Identifié fils de
Florette, il aurait été intégré et aidé. Plus de cinquante ans après, les
choses ont finalement peu changé. On y retrouve aussi l’amour de Pagnol pour la
terre de Provence, le soleil, et ce monde où la vie ne se gagne que durement. Un
grand classique de la littérature à lire ou relire. – MM
(Tome 32 des Aventures de
Buck Danny)
Ed. Dupuis – 1965
A
Cap Kennedy, Buck Danny, Sonny Tuckson et Tumbler se préparent à suivre un
stage d’entraînement d’astronautes. Mais le centre spatial américain subit
depuis quelque temps la perte de fusées à la suite de brouillages intensifs des
téléguidages. Considérant leurs derniers exploits quant à la récupération de la
capsule spatiale, le commandant de la base sollicite l’aide des trois pilotes
pour mener l’enquête. Ils vont se faire un devoir de tenter de préserver le
monde d’un troisième conflit mondial.
Les
aventures de Buck Danny sont nées peu après 1945, dans l’euphorie de la
victoire. Le Belge Georges Troisfontaines persuade alors le dessinateur Victor
Hubinon de réaliser avec lui une épopée mettant en scène des pilotes
américains. Mais moins doué pour le scénario que pour les affaires, il passe vite
le relais à Jean-Michel Charlier, qui fait ses débuts dans la BD pour le magazine
Spirou fin 1945. Le duo
Charlier/Hubinon crée le personnage de Buck Danny, pilote de la Navy qui se bat
héroïquement dans le Pacifique et en Chine avec ses coéquipiers Tuckson et
Tumbler. Après trois ans de « vache enragée » le succès vient brutalement
et les ventes de Buck Danny dépasseront les 10 millions d’exemplaires, les plus
fidèles lecteurs étant les pilotes militaires. Pour mieux se documenter,
Hubinon et Charlier iront jusqu’à passer le brevet de pilote professionnel.
Leur tandem durera 35 ans.
Les
premières aventures de Buck Danny sont parues dans le n°455 de Spirou en 1947, et le premier album en
1948. L’aventure Charlier/Hubinon s’achèvera à la mort d’Hubinon en 1979, année
de parution de leur dernier album (le
n°40, Ghost Queen). Charlier
continuera la série avec le dessinateur Bergèse jusqu’à son décès, en 1989.
Buck Danny ne disparaît pas pour autant : le dernier album, Falcon one,
est sorti en 2016 sous la signature de Formata et Zumbiehl.
Fille de pilote de chasse, j’ai baigné
depuis ma plus tendre enfance dans cette série de bande dessinée qui trônait dans
notre bibliothèque. Remplies de faits réels et noyées par l’humour des trois
héros, les aventures de Buck Danny ne prennent pas une ride malgré leur grand
âge. Petit clin d’œil à mon cher et tendre papa. – DM
Ed. Gallimard –
1950
On ne présente plus ce classique du roman
d’anticipation écrit en 1948 (ce qui en explique le titre). Orwell y imagine
une société vivant sous la dictature terrifiante de l’invisible «Big Brother». Dans
ce monde de cauchemar, divisé en trois blocs voués à une guerre perpétuelle
(Océania, Eurasia et Estasia), impossible d’échapper à la surveillance des omniprésents
«télécrans» et à la terrible police de la Pensée. Le ministère de la Vérité
réécrit constamment le passé selon les besoins du moment, et va jusqu’à
réinventer la langue pour rendre impossible toute réfexion critique. Quant au ministère de l’Amour, ce n’est qu’une immense usine
à torture. D’ailleurs, l’amour même est subversif, et donc proscrit. Pourtant,
Winston Smith et la rusée Julia se risqueront à une liaison secrète. Ils
essaieront de discerner ce qui existait vraiment «avant», et pourquoi on en est
arrivé là. Mal leur en prendra,
évidemment.
Bon, je
suis né en 1948 et pas en 1950, mais le clin d’œil du titre était trop tentant…
Depuis, ce livre majeur n’a rien perdu de sa force. Big Brother –existe-t-il
vraiment ?– y ressemble un peu à Hitler, mais surtout à Staline, dont Orwell
a perçu les excès lorsqu’il combattait aux côtés des républicains espagnols. Ici,
la dictature n’a même plus besoin de prétexte idéologique : elle se résume
au pouvoir éternel du fort sur le faible et ne recule devant aucun moyen,
quelle qu’en soit la folie. Un point est frappant : aujourd’hui, les
moyens de surveillance futuristes imaginés par Orwell sont devenus réalité.
Mais, du moins dans nos sociétés démocratiques, ce sont les puissances d’argent
qui dissèquent le moindre de nos mouvements, et non des dictateurs mégalomanes.
Tout bien considéré, ces monstres sans visage sont-ils moins inquiétants ?
– SW
Ed. J’ai lu (prix Goncourt 1947)
En 1942, la France vaincue se trouve coupée en
deux. La petite ville de Saint-Clar est en zone occupée, à deux pas de la ligne
de démarcation que beaucoup cherchent à franchir. Francis de Balansun, dix-sept
ans, est un des passeurs bénévoles qui aident les résistants à fuir de l'autre
côté. L'un d'eux promet de rechercher le fiancé de sa sœur Hélène, disparu
alors qu'il tentait de gagner l'Angleterre. Francis charge un camarade de
classe, Philippe Arréguy, d'en avertir Hélène qui vit à Paris. Mais Philippe se
soucie peu des études qu'il est censé suivre. C'est le marché noir, puis la
gestapo française qui le «récupèrent». De même, à Saint-Clar, la collaboration
n'effarouche pas tout le monde, témoin la redoutable Mme Costellot qui se
délecte à surveiller autrui et devine les activités de Francis. Elle et
Philippe vont peser lourdement sur son destin par le truchement innocent
d'Hélène, mais bien d'autres pèchent par égoïsme, sottise ou folie en ces temps
de ténèbres dont Les Forêts de la nuit
donnent une chronique excellente d’exactitude et de mesure.
Jean-Louis
Curtis fait de ses personnages des êtres complexes, que la fierté ou la crainte
fait basculer du bon ou du mauvais côté. C’est la vérité intérieure de chacun
qui le fait agir, et non les idées. On entre avec plaisir dans ce roman écrit
dans le style classique de l’époque, on en ressort avec un peu moins de
certitudes. – MCH
Ed. Gallimard
(prix Goncourt 1949)
Le titre évoque un
week-end de détente et de plaisir sur une plage baignée de soleil. L’action du
roman se déroule bien du samedi matin au dimanche après-midi sur une plage, à
la belle saison, mais il raconte l’histoire de soldats français pris au piège
dans la «poche» de Dunkerque, début juin 1940. Ils ont trois possibilités :
embarquer pour l’Angleterre (difficile, car les Anglais sont prioritaires pour
revenir dans leur pays), être capturés par les Allemands ou… être tués. Quatre
soldats (dont un prêtre) vivent dans une «roulotte». L’un deux, Maillat,
toujours en sortie, rencontre des personnages qui réagissent de façons
différentes dans cette situation de guerre, si bien que leurs conversations ont
souvent une portée philosophique. Certaines anecdotes sont autant de digressions
n’ayant aucun impact sur le déroulement des événements, mais permettant de
décrire des moments de bravoure ou de résignation. En démontrant l’absurdité de
la guerre, le roman est un plaidoyer pour la paix.
Malgré l’argot (j’ai appris
que la boîte de «singe» est une conserve de bœuf destinée aux militaires),
l’écriture est puissante. Je n’ai pas vu le film tiré de ce roman, mais en le
lisant, je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer Maillat avec les traits et la
gouaille de Jean-Paul Belmondo (en photo sur la couverture). Son personnage fait
penser au Meursault d’Albert Camus, car comme lui, il se sent étranger, et
s’interroge sur le sens de la vie jusqu’au choix final. Ce premier roman de
Robert Merle a bien mérité le Goncourt en 1949. L’étranger (paru en 1942) était
d’ailleurs lui aussi le premier roman de Camus. – CP
Merci à Marie-Claude et Claudette qui, malgré leur
absence, nous ont fait part de leurs impressions de lecture.
Prochain rendez-vous :
Vendredi
9 juin à 20 h
Sur le thème «l’Irlande»
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