samedi 8 novembre 2014

New York sous la plume des écrivains


Nicole avait pris soin de mettre le Cercle de Lecture à l'heure américaine, en nous régalant de donuts faits maison et de Coca-Cola pur jus. Restait à nous dévoiler nos découvertes. 


*Le bûcher des vanités, de Tom Wolfe
Ed. Le livre de Poche - 1988

1987 : à l'approche de la quarantaine, Sherman Mac Coy est un homme comblé, un « Maître de l'Univers » ! Il possède tout ce qu'un homme de son âge pourrait désirer : un poste prestigieux dans une banque privée, un appartement luxueux sur Park Avenue, une femme décorative, une maîtresse splendide, une petite fille adorable… Mais un jour, il fait un faux pas et tout déraille. 
Égaré accidentellement dans le Bronx alors qu'il ramenait sa maîtresse de l'aéroport, il renverse un jeune noir avec sa Mercedes, perd les pédales et prend la fuite sans songer aux conséquences. S’ensuivent des événements aussi dramatiques qu'hilarants qui entraîneront le pauvre trader de postes de police en tribunaux, sous les hurlements des médias surexcités... Tout y est décortiqué les activités du vendeur d'obligations de Wall Street, les journées des juges, des avocats, des policiers, des journalistes, des hommes politiques, les manières de s'habiller et les accents de toute origine ou classe sociale.
  
Edifiant, très caustique et souvent très drôle, mais à mon goût trop long (900 p.), sans doute cela s’explique-t-il par le fait que ce livre a initialement été écrit et livré sous forme d’épisodes à un magazine - la revue « Rolling Stone » -  900 pages, excusez du peu… - GA


New York sous l'occupation, de Jean Le Gall
Ed. Daphnis Chloe - 2013

2007 : Sacha, Zelda et Frédérick sont amis, trentenaires, bien mis et bien diplômés. Inséparables à Paris, ils décident de partir s'installer à New York, comme beaucoup pour chercher la réussite, mais surtout pour se sauver de l'ennui. Pourtant, les dîners gargantuesques, les soirées décadentes dans les Hamptons, les errances ensoleillées à Central Park n'y suffisent pas. Vidée de son excentricité, la ville n'est plus que le décor de ce qu'elle fut et l'ennui guette à nouveau. 
Quand la fameuse crise des subprimes frappe l'Amérique et le Monde, Sacha, dandy trouble et séduisant, paraît ne plus supporter son époque. Rattrapé par son passé, s'entourant de personnages anarchistes et violents, il s'éloigne peu à peu de ses deux amis et des gens, ces millions d'ouvriers en cols blancs de Manhattan suivistes et mécanisés, insensibles à l'enfer tiède où tout ce qui est vivant et beau paraît se consumer. Jusqu'au jour où l'action dépasse ses intentions et devient incontrôlable... 
  
Le ton est léger et railleur, évoluant progressivement vers du (très) lourd. La fin en fait trop et c'est dommage. "Les politiques ne sont pas seuls coupables" : cette thèse est un emprunt aux écrits de Renaud Camus, écrivain érudit de droite, voire d'extrême droite, qui affirme que nous subissons la "dictature de la petite bourgeoisie" - DG
Le propos a suscité réactions et mises au points autour de la table...


La reine des pommes, de Chester Himes
Ed. Folio - 1999

Jackson est le gars le plus candide d'Harlem, pour ne pas dire demeuré. Et dans le coin, il y a un tas de dégourdis qui commencent par lui étouffer son pognon. Sa petite amie, Imabelle, une fille superbe à la peau couleur de banane, l'entube comme c'est pas permis. Enfin, son frère, qui est bonne sœur dans le civil, cherche aussi à le posséder. Seulement Jackson, lui, c'est un bon chrétien. Y a que la foi qui sauve et il a tout à fait raison de croire aux miracles.
  
Harlem, dans les années 50 : un classique de la littérature policière, un polar noir où se mélangent drôlerie, violence et absurdité, avec une multitude de rebondissements. Les pages se tournent toutes seules :) - DM


*Les saisons de la nuit, de Colum Mc Cann (titre original : "This side of Brightness")
Ed. 10/18 - 1999

Quand on pense à New York, la première image qui vient à l'esprit ce sont les gratte-ciel de Manhattan, tous ces prodiges d'architecture lancés à la conquête du ciel. Colum McCann choisit à l'inverse d'explorer les sous-sols de la ville, aussi impressionnants que sa surface. C'est un monde souterrain, couloirs de métro, tunnels obscurs où se cache toute une population de laissés pour compte, les oubliés de la cité prospère. Un monde qui a ses lois, ses lâches et ses héros. Dans une intrigue subtilement nouée, l'auteur rapproche ces déshérités des terrassiers qui au début du siècle ont travaillé au percement des galeries du métro - des émigrés italiens, polonais, irlandais ou des Noirs tel Nathan Walker venu de sa Georgie natale. En reliant le destin de ces esclaves de la nuit à celui des sans abris d'aujourd'hui, comme ce Treefog qu'un secret honteux oblige à vivre en marge de la société, le romancier new-yorkais, né à Dublin en 1965, brosse un portrait hallucinant de l'envers du monde contemporain.
  
Ce roman est vraiment bien écrit et original. L'auteur est un formidable conteur qui, cela se sent, s'intéresse vraiment aux vies des plus pauvres. D'ailleurs, il a travaillé avec des jeunes en difficultés à un moment de sa vie, et il est à l'origine de l'association d'écriture "Narrative 4" qui propose à ces jeunes de se rencontrer et de raconter leur histoire... - SV


Moon Palace, de Paul Auster
Ed. Le Livre de Poche - 2001

Marco Stanley Fogg, orphelin de mère et abandonné par son père, a été élevé par son oncle Victor. Quand Marco est suffisamment grand pour vivre seul, son oncle part sur les routes avec un groupe de musique et lui lègue de son vivant tous ses livres, soit 1492 ouvrages. Seul à New York dans un appartement minable, sans ressource et refusant de travailler, Marco vend tous les livres de son oncle après les avoir lus. Le jeune homme décide d'atteindre un niveau de conscience supérieur en laissant sa vie se dérouler sans rien tenter pour enrayer sa chute. Seul, pauvre et sublimement désespéré, il attend l'éclipse de lui-même. Pendant des semaines, il erre dans Central Park, se nourrissant de ce qu'il trouve dans les poubelles et de ce que lui offre la générosité des passants. « J'étais la preuve vivante que le système avait échoué, que le pays béat et suralimenté de l'abondance se lézardait enfin. » 
L'expérience s'achève grâce à l'aide de son ami Zimmer et de la jolie Kitty. Une fois remis, Marco trouve un emploi d'homme de compagnie pour un vieillard aveugle, infirme et fantasque, auprès duquel il apprend à se servir des mots pour dire les choses vraies. Au-delà des mots qu'il lit et des choses qu'il décrit, le jeune homme doit aussi apprendre à écouter. Le vieux Effing souhaite écrire sa nécrologie avant sa mort. Mais pour ce faire, il entreprend le récit de ses jeunes années et raconte comment il est devenu ce vieil homme aveugle et paralytique. Finalement, dans la dernière partie du roman, Marco retrouve son père et retrace toute l'histoire familiale.
  
J'ai préféré "Sunset Park", roman plus récent du même auteur, qui traite de thèmes similaires. L'auteur se bonifierait-il avec l'expérience ? - CP


Le dernier gardien d'Ellis Island, de Gaëlle Josse
Ed. Noir sur Blanc - 2014

New York, 3 novembre 1954. Dans cinq jours, le centre d'Ellis Island, passage obligé depuis 1892 pour les immigrants venus d'Europe, va fermer. John Mitchell, son directeur, officier du Bureau fédéral de l'immigration, resté seul dans ce lieu déserté, remonte le cours de sa vie en écrivant dans un journal les souvenirs qui le hantent : Liz, l'épouse aimée, et Nella, l'immigrante sarde porteuse d'un étrange passé.
Un moment de vérité où il fait l'expérience de ses défaillances et se sent coupable à la suite d'événements tragiques. Même s'il sait que l'homme n'est pas maître de son destin, il tente d'en saisir le sens jusqu'au vertige.
  
Le parti pris en faveur des immigrants est net, mais je n'en ai pas moins aimé ce livre, avec beaucoup de sentiments, d'espoirs et d'illusions, et de la poésie. Et surtout il y a ces choix qu'aurait pu faire John Mitchell... - VD


Metropolis, New York comme mythe, marché, et pays magique, de Jerôme Charyn
Ed. Metropolis

Metropolis, c'est un New York à la première personne, avec toujours un regard tendre tourné vers ces milliers d'immigrants juifs, italiens, débarqués à Ellis Island au début du siècle passé, comme ce père fourreur, fils d'un vendeur de pommes. " La langue qu'il parle est celle de la blessure ", dit Jerome Charyn. Et lui, fils d'immigrants ayant pour uniques racines cette île battue par le vent, raconte par bribes sa vie, en même temps que celle de sa ville mythique, électrique, à travers une série de portraits qui continuent à sculpter le destin de la Cité : Arnold Rothstein le maffieux juif, Roxy l'homme des cinémas et de Radio City, Douglas Leigh le magicien éclairagiste, Madona la fille matérialiste, le maire Koch King Kong, Hugh Mo le " juge bourreau " de Chinatown, et d'autres. Pour cette édition, Jerome Charyn a écrit une postface " Les cavaliers de la nuit : une nouvelle fin ".
  
L'auteur, lui-même fils d'immigrés juifs russo-polonais, réussit à fondre l'histoire de New York avec la sienne et celle de sa famille. Avec beaucoup de talent et de sensibilité, il décrit des réalités souvent dures, mais il fait cela avec humour et beaucoup de discernement. De nombreux personnages au fort tempérament, et il en faut pour réussir à s'en sortir, accompagnent le lecteur tout au long de ce livre remarquable et captivant - NM

En écho à ce livre, Helen nous invite à aller voir au Palais d'Iena l'exposition "The Manhattan Darkroom", une rétrospective inédite du photojournaliste d'origine française, Henri Dauman - 50 ans de reportage pour Life Magazine ou Newsweek.


*La statue de la liberté, de Michel Rio
Ed. Seuil - 1997

Francis Malone est un policier français un peu particulier.
Né d'un poète irlandais et d'une historienne bretonne suprêmement belle et cultivée, il est parfaitement bilingue, a même une double culture, est bâti intellectuellement et physiquement comme une tour, et il est connu pour ses méthodes non conventionnelles et ses résultats hors du commun.
Il suspecte tout le monde, ne croit en personne, mais pas en rien. Il est dévoué au service public hérité d'une Révolution française qu'il admire pour avoir créé trois choses: la République, la Déclaration des droits de l'homme et, ajoute-t-il, la guillotine pour garantir les deux premières.
Il est choisi pour mener une enquête de coordination franco-américaine sur la corruption liée à la drogue et au blanchiment de ses revenus.
C'est donc le récit des aventures de Malone à New York, entre pègre et bourgeoisie, hommes de puissance et hommes de paille, corrompus, idéalistes et ambigus, drogues chimiques et culturelles, dictature de l'argent et des médias, choc du service public et de la jungle ultra-libérale, conflits politiques du droit théorique et du pouvoir réel. Très tôt, Malone sent qu'il est le jouet d'une gigantesque manipulation... 
  
Un héros de cet acabit ? Pour moi c'est caricatural et outré, j'y vois une parodie du genre, même si ce n'était pas forcément l'intention de l'auteur à la base. Je n'ai pas adhéré - HL
Moi je me suis régalée ! - MCH


*Les titres précédés d’un astérisque sont disponibles à la bibliothèque. 
Le prochain Cercle de Lecture se réunira le vendredi 5 décembre à 20h00
Le sujet en sera "L'humour, le comique et le ridicule..."

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