Prenons le large grâce aux “ailes de géant” de
Baudelaire, chantées par une interprète inattendue dans un tel répertoire
CLIQUEZ. Pas mal, non ? Cela prouve une fois de
plus qu’il faut se garder des idées préconçues. On pourra pourtant préférer à
cette nouvelle version celle qu’enregistra Léo Ferré en 1967 CLIQUEZ , même si l’accompagnement choral en
semble aujourd’hui bien désuet. SW
Seul autour du monde à la voile, de Joshua
Slocum, Ed. La Découvrance – 2010
Le 24 avril 1895, le marin américano-canadien
Joshua Slocum quitte Boston à bord du Spray.
Ce voilier de 11 mètres n’était qu’une épave abandonnée dans un pré lorsqu’un
ami le lui offert. Mais il l’a reconstruit de ses mains en vue d’une folle
aventure : le premier tour du monde à la voile en solitaire. L’homme a des
moyens financiers proches de zéro, mais navigue en virtuose : ancien capitaine
de goélette, il a été réduit à l’inaction par l’avènement de la vapeur. Son
périple le mènera de Gibraltar à l’Australie via le Brésil et les terribles
tempêtes du détroit de Magellan. Il traversera ensuite l’océan Indien pour
rallier l’Afrique du Sud, puis Sainte-Hélène, l’île Ascension et l’île de la
Grenade. C’est le 27 juin 1898, soit trois ans après son départ, qu’il jettera
de nouveau l’ancre à Boston après avoir parcouru plus de 46.000 milles (85.000
km).
Ce voyage mythique n’a rien à voir avec les
circumnavigations ultra-rapides de nos coureurs des mers. Slocum prend son
temps et savoure des rencontres souvent agréables (la veuve de Robert-Louis
Stevenson aux Samoa) et parfois insolites (le président Kruger au Transvaal,
convaincu que la Terre est plate…). Naturellement, il affronte aussi des
dangers : pirates et pillards dans l’Atlantique et en Patagonie,
hallucinations dans l’océan Indien, épouvantables tempêtes et même traversée
d’un barrage de mines à la fin de son voyage, en raison de la guerre
hispano-américaine survenue à son insu !
Mais il les affronte avec une bonne humeur inébranlable et une modestie
qui force le respect.
Passionnant journal de bord, son récit est
presque un roman d’aventures. Son retentissement fut tel qu’en 1961, le
navigateur français Bernard Moitessier donna à son ketch de 12 mètres le nom de
Joshua, en hommage à son glorieux
prédécesseur. A bord de ce voilier,
lui-même entra dans la légende en 1968, lors du premier Golden Globe : alors qu’il avait course gagnée au passage du cap
Horn, il dédaigna le reste de l’épreuve pour tailler vers le cap de
Bonne-Espérance et la Polynésie, bouclant ainsi en 303 jours un tour du monde
et demi en solitaire et sans escale. Depuis lors, cet exploit n’a jamais eu
d’équivalent.
Amusant de lire
ce livre à notre époque où tour du monde à la voile est synonyme de
compétition, technicité, vitesse, performance… Eloge d’une navigation lente et
humble face aux rigueurs des océans, mais aventure humaine extraordinaire,
cette circumnavigation de Joshua Slocum a inspiré de nombreux navigateurs,
amateurs autant que professionnels. Elle en a fait rêver et continue à en faire
rêver bien d’autres encore. MM
La mer n’est pas
assez grande, de Kito de Pavant, Ed. Privat - 2017
En 2016, le
navigateur Kito de Pavant participe pour la troisième fois au Vendée Globe
Challenge, épreuve où il a été contraint à l’abandon par un démâtage en 2008 et
par une collision avec un chalutier en 2012. Mais une fois encore, la malchance
le poursuit : dans les quarantièmes rugissants, après trente jours de
navigation, le choc contre un cachalot met brutalement fin à son rêve.
Aujourd'hui, à 56 ans, le marin raconte ce
drôle de tour qui aurait pu finir plus mal, grâce aux notes écrites à bord de son
monocoque Bastide Otio, et envoyées
au jour le jour à son équipe. Sur ses photographies inédites, prises au cours
de la traversée, se dessine une fantastique odyssée qui s'est terminée trop tôt.
Rapidement secouru par le Marion Dufresne, cargo chargé de
ravitailler les terres australes françaises, qui par chance se trouvait à une
centaine de milles du lieu du naufrage, Kito de Pavant a ainsi poursuivi ce
voyage dans le Grand Sud qu'il avait rêvé en solo. Mais on ne balaie pas d'un
revers de ciré autant d'années passées sur tous les océans du globe.
L’avenir du marin de Port-Camargue passe
aujourd'hui par un nouveau projet, via la transat Jacques Vabre.
Plus
d’un siècle sépare cette navigation tronquée de celle de Slocum. Il est intéressant de voir que même à notre
époque, avec l’aide de toutes les technologies de construction nautique et de
navigation disponibles, la chance reste un facteur essentiel de succès et de
survie. L’ouvrage est illustré par des photographies, des dessins et aussi par des
QR Codes permettant d’aller chercher des illustrations sonores sur Internet.
Car là aussi, l’évolution de la technologie permet de compléter le texte. Mais
dans les deux cas, derrière la narration, il y a la même aventure humaine, tout
aussi riche en émotions. MM
Le naufrage de la
Méduse, d’Alexandre Corréard et Jean-Baptiste Savigny, Ed. Folio - 2015
En juillet
1816, un an après la chute de Napoléon, la Méduse
et trois autres navires français cinglent vers le Sénégal –encore occupé par
les Anglais– pour en reprendre possession aux termes du traité de Paris. Mais
la Restauration ayant écarté tous les cadres formés sous l’Empire, l’escadre
est dirigée par un aristocrate qui ne navigue plus depuis 25 ans ! S’approchant
trop de la Mauritanie au mépris de dangers pourtant bien cartographiés, il
échoue la frégate sur un banc de sable dont il ne pourra la dégager. Dans un
sauve-qui-peut général à bord des canots disponibles, une partie des passagers
(dont lui-même) parviendra à Saint-Louis au prix de lourdes pertes. Mais leurs
épreuves ne sont rien par rapport à l’enfer vécu par les 147 autres. Abandonnés
sur un radeau à demi-submergé sous leur poids, ils vont dériver pendant deux
semaines. En butte à une faim et une soif dévorantes, cette petite société se
transforme en quelques jours en une horde d’une sauvagerie sans égale.
Mutineries, massacres, liquidation des blessés et cannibalisme seront le lot
quotidien de ces malheureux. Lorsqu’ils seront enfin secourus, il n’en restera
que quinze, dont cinq mourront à l’hôpital de Saint-Louis. Parmi les
survivants, le géographe Corréard et le médecin Savigny décident de dresser le
réquisitoire d’une des plus terribles tragédies de l’histoire maritime. Ils ne
se doutent pas qu’ils vont déclencher une crise majeure au sommet de l’Etat. Ni
qu’ils seront à la source d’un des sommets de l’histoire de la peinture : Le radeau de la Méduse, par Théodore
Géricault.
Sous le style désuet des deux auteurs, on sent
parfaitement la rage qui les anime : ils réclament justice face aux sommets
d’incompétence et de lâcheté dont ils ont été victimes, et à la suite desquels
la condamnation du capitaine de Chaumareys à trois ans de prison semble bien
faible. A Paris, le drame aura pour conséquence politique un virage vers plus
de modération après les premiers excès de la Restauration. Quant au lecteur
moderne, il ne peut que se poser la question : jusqu’où chacun de nous peut-il
aller pour défendre sa propre survie ?
SW
Ce récit me fait penser à Radeau, d’Antoine
Choplin, roman dans lequel Le radeau de la Méduse fait partie des tableaux que le héros doit mettre en lieu sûr pendant
la débâcle de 1940. Le témoignage de Corréard et Savigny a manifestement servi
de source à l’auteur. CP
Sardaigne et Méditerranée, de D.H. Lawrence, Ed. Gallimard – 1958
Une visite
en coup de vent a fourni à D. H. Lawrence la matière
de cette relation de voyage, publiée en anglais en 1923. Parti de Catane le 4
janvier 1921 en compagnie de sa femme, il remonte hâtivement la Sardaigne du
Sud au Nord (Cagliari, Mandas, Sorgono, Nuoro) et oblique ensuite vers Olbia,
sur la côte orientale, où il réembarque
à destination de Civita Vecchia. Un
chapitre de ce court livre retient particulièrement l’attention : il
décrit un voyage de 30 heures entre Palerme (Sicile) et Cagliari (Sardaigne) à
bord d’un vapeur de l’ère victorienne. L’auteur
y passe des descriptions poétiques au comique quand il s’agit de ses compagnes
de voyage. Il décrit les hautes terres de Sardaigne vues de loin, transparentes
comme des icebergs. Il admire la technique de construction du vieux bateau tout
en chêne, sans rivets. Puis il raconte son échange avec le menuisier qui
critique l’Angleterre pour les prix auxquels elle vend son charbon, et la manière
dont Anglais et Américains profitent du taux de change. Lawrence lui rétorque avec
humour qu’il n’est pas « l ’Angleterre sur deux pieds ». Mais
plus généralement, ce qui caractérise
l’ensemble de l’ouvrage, c'est la perception d'une conscience hypersensible, réactive
à tous les signes que les réalités successives du voyage lui proposent, et qui
répond aux arbres, aux fleurs, aux fruits, à la terre, à la mer, aux paysages,
aux montagnes, saisis dans leur vibrations intimes, avec une véhémence
admirablement traduite en un langage tout parcouru de frissons.
Je
ne me lasse pas de le relire ce petit vivre, qui me passionne depuis longtemps.
Un bémol toutefois dans mes
éloges : n’ayant pas lu la traduction française, je ne suis pas sûre
qu’elle rende justice au style admirable du texte original. SV
Bord de mer,
de Véronique Olmi, Ed. Actes Sud - 2003
Pour la première fois de leur vie, une mère
emmène ses deux enfants au bord de la mer. A priori, voilà un sujet bien banal.
Pourtant, très vite, le lecteur plonge dans une atmosphère sombre qui ne
ressemble en rien aux habituels clichés réjouissants de plages ensoleillées, de
jeux de sable et de mer d’huile. Tout d’abord parce que le départ de cette
petite famille ressemble plus à une fuite qu’à des vacances organisées : il se
décide en pleine période scolaire, dans un mois de novembre brumeux et
invariablement pluvieux. Ensuite, la mer que tous trois découvrent ne se
présente à eux que sous son plus mauvais jour : elle est brunâtre,
déchaînée, continuellement en colère. Ils échouent aussi dans la chambre exiguë
d’un hôtel miteux, avec comme unique trésor une boîte d’économies ne contenant
guère plus qu’une cinquantaine de francs.
Après avoir déambulé dans ce décor lugubre et
hostile, ils vont « s’offrir », en contraste, les lumières multicolores et les
joies d’une fête foraine. Ils pénètrent un lieu de vie animé de musiques,
d’odeurs sucrées qui les transportent dans un univers empli de rires et de
douceurs jusqu’à épuisement des quelques pièces de monnaie qui restaient. Là,
l’angoisse des personnages voués à l’obscurité se communique tout aussi
intensément au lecteur, qui entrevoit le drame qui se profile…
Véronique Olmi–qui vient d’obtenir le prix
fnac 2017 pour Bakhita– s’est
inspirée pour ce premier roman d’un fait divers bien réel. Impuissante devant la misère des démunis, des SDF
et des sans-papiers, elle a voulu tirer une sonnette d’alarme dans l’espoir que
nous ne regardions plus jamais les exclus de la même manière. « Même si nous ne voyons pas comment agir
face à ces situations inacceptables,” dit-elle, “nous devons reconnaître. Sans
reconnaissance de l’autre, il n’y a aucune vie possible. Je mets en scène Bord
de mer parce qu’un arbre qui tombe en
forêt, ça ne fait pas de bruit s’il n’y a personne pour raconter sa
chute ».
Bord de mer est un monologue d’une centaine de pages, puissant, bouleversant,
dérangeant à en couper le souffle. Ce livre nous amène au centre de la détresse
sociale et même après que nous l’ayons refermé, il continue à nous hanter. Ames
sensibles s’abstenir … DM
Les passagers du
vent, série BD de François Bourgeon, Ed Casterman – à partir de 1979
Cette fresque historique
remarquablement documentée, qui a pour cadre la mer au XVIIIe siècle,
raconte les aventures rocambolesques et tragiques d'Isa, une jeune noble dont
on a volé l'identité. Elle rencontre sur un vaisseau de la Marine royale Hoel,
un gabier à qui elle sauve la vie. Hoel se retrouve prisonnier dans un
sinistre ponton anglais. Mais avec l’aide de son amie anglaise Mary,
Isa parvient à le libérer. Isa, Hoel et Mary embarquent à bord du navire
négrier Marie-Caroline, et arrivent ainsi au comptoir de Juda, dans le
royaume du Dahomey. Face aux intrigues de pouvoir et aux sortilèges africains,
Isa doit lutter pour guérir Hoel d'un empoisonnement. La Marie-Caroline repart
pour Saint-Domingue avec sa cargaison de « bois d’ébène », c’est-à-dire
d’esclaves. Ces derniers se mutinent, mais leur révolte est réprimée dans un
bain de sang. L'arrivée à Saint-Domingue sera déterminante pour Hoel et Isa. Comme bien des personnages féminins de l'œuvre
de Bourgeon, Isa fait preuve tout au long du récit d’une grande liberté –ce qui
se traduit par beaucoup de scènes assez osées– et affronte un monde dominé par
les hommes, souvent lâches et brutaux.
Après parution des cinq
premiers tomes, deux autres ouvrages sont publiés 25 ans plus tard, en 2009 et
2010, sous le titre La petite fille
Bois-Caïman. Plongée dans la guerre de Sécession entre La Nouvelle-Orléans
et les bayous du Mississippi, la jeune héroïne Zabo est l'arrière-petite-fille
d'Isa. Toutes deux se rencontrent, ce qui permet à l'auteur de nous conter en
flash-back la suite des aventures d'Isa.
A
la fois dans cette série et dans Le sortilège du bois des brumes, j’aime beaucoup Bourgeon, à la fois pour
sa liberté de ton et pour la qualité de ses illustrations. Tout cela est certes
assez provocateur, marqué par la violence et à ne pas mettre entre toutes les
mains, mais c’est passionnant. Cela dit, les deux derniers tomes traduisent une
grande évolution de son style, moins agressif et plus gentil. VD
Les déferlantes,
de Claudie Gallais, Ed. Du Rouergue – 2008
A la Hague, on
dit que le vent est parfois tellement fort qu'il arrache les ailes des
papillons. Sur ce bout du monde perdu à la pointe du Cotentin vit une poignée
d'hommes.
C'est sur cette terre âpre que la narratrice, dont nous ne connaîtrons jamais le nom, est venue se réfugier depuis l'automne. Employée par le Centre ornithologique, elle arpente les landes, observe les falaises et leurs oiseaux migrateurs. La première fois qu'elle voit Lambert, c'est un jour de grande tempête. Sur la plage dévastée, la vieille Nan, que tout le monde craint et dit à moitié folle, croit reconnaître en lui le visage d'un certain Michel. D’autres au village, ont pour lui des regards étranges. Comme Lili, au comptoir de son bar, ou son père, l'ancien gardien de phare. Une photo disparaît, de vieux jouets réapparaissent. L'histoire de Lambert, venu là pour vendre la maison familiale, intrigue la narratrice et l'homme l'attire. En veut-il à la mer ou bien aux hommes ? Dans les lamentations obsédantes du vent, chacun semble avoir quelque chose à taire.
C'est sur cette terre âpre que la narratrice, dont nous ne connaîtrons jamais le nom, est venue se réfugier depuis l'automne. Employée par le Centre ornithologique, elle arpente les landes, observe les falaises et leurs oiseaux migrateurs. La première fois qu'elle voit Lambert, c'est un jour de grande tempête. Sur la plage dévastée, la vieille Nan, que tout le monde craint et dit à moitié folle, croit reconnaître en lui le visage d'un certain Michel. D’autres au village, ont pour lui des regards étranges. Comme Lili, au comptoir de son bar, ou son père, l'ancien gardien de phare. Une photo disparaît, de vieux jouets réapparaissent. L'histoire de Lambert, venu là pour vendre la maison familiale, intrigue la narratrice et l'homme l'attire. En veut-il à la mer ou bien aux hommes ? Dans les lamentations obsédantes du vent, chacun semble avoir quelque chose à taire.
J’ai beaucoup aimé ce
livre. Il fait partie de ceux qu’on ne lâche plus dès qu’on les ouvre. Il est à
la fois plein de subtilité et de souffle, et le fantôme de Prévert –qui a fini
ses jours tout près de là – n’est jamais loin. Les descriptions, en
particulier, sont extrêmement évocatrices et traduisent parfaitement la région.
A recommander. JF
Atlas des îles abandonnées, de Judith
Schalansky, Ed. Arthaud – 2010
Désertes ou
peuplées d'étranges créatures, paradis perdus ou contrées dantesques, les îles
ont ceci de magique qu'elles inspirent la crainte autant que la fascination.
Cet Atlas des îles abandonnées nous emmène en voyage dans des territoires
éparpillés sur le globe, à la frontière du monde tangible et de l'imagination.
Dans les eaux polaires du Nord, l'île Solitude est murée dans les glaces. Des
millions de crabes rouges fleurissent les plages de l'île Christmas dès les
premières pluies tropicales. Au milieu du Pacifique, la femme-oiseau de Banaba
alimente les affabulations collectives... Chacune
des cinquante îles présentées ici –qui ne sont pas nécessairement désertes– a
sa propre histoire. Qu'elle soit invraisemblable, merveilleuse, légendaire ou
oubliée, elle raconte le destin d'une miette de terre, quelque part dans
l'immensité océane.
L’auteur, Judith Schalansky, née en 1980 en
ex-RDA, est écrivain et designer. Elle apporte une attention particulière à la
conception matérielle et graphique de ses ouvrages, en concevant à la fois
couverture, mise en page et typographie. Pour chacune des îles décrites, la
page de gauche développe quelques informations géographiques suivies de faits
historiques sur une frise. Puis une anecdote est développée. Sur la page de
droite figure une carte dessinée avec une précision rigoureuse et un grand sens
artistique.
Son
Atlas des îles abandonnées a reçu le prix du plus beau livre allemand de
l’année 2009.
J’ai été
particulièrement sensible à la réflexion de l’auteur sur la subjectivité de la
cartographie, dont elle a su éviter les pièges en décrivant des territoires de
petite surface. J’aurais certes préféré que l’historique sur chaque île soit
plus complet, mais j’ai beaucoup apprécié la présentation générale, la qualité
et les couleurs du papier utilisé, le dessin des cartes. Ajoutons à l’intérêt
documentaire et esthétique de ce livre le plaisir apporté par la préface d’Olivier
de Kersauson, qui définit les îles comme des bateaux immobiles… ou le paradis
de la connaissance de soi. Autre dimension du voyage ! CP
Le cimetière des bateaux sans nom, d’Arturo Pérez
Reverte, Ed. Maspero – 2001
Marin interdit
de navigation à la suite d’un accident malheureux au large de Cadix,
l'ex-officier de la marine marchande Manuel Coy trompe son ennui en flânant
dans le port de Barcelone. Une nuit de déprime, il manque de se faire casser la
figure pour les beaux yeux d'une mystérieuse blonde, responsable d’un musée
maritime. Reconnaissante, la jeune femme lui propose un travail. Et pas
n'importe lequel : la recherche d’une épave contenant
un fabuleux trésor destiné au roi d’Espagne ! Prends garde, matelot ! S'associer à la belle
Tanger Soho, c'est prendre le risque de partir tôt ou tard à la dérive pour
finalement s'écraser avec perte et fracas sur le rivage honni. Ces craintes
amplement justifiées ne résistent pas longtemps à l'extraordinaire volonté de
la jeune femme et à son immense capacité de séduction. Rapidement subjugué, Coy
est prêt à toutes les folies pour l'attirer dans son lit, y compris s'embarquer
dans une nébuleuse expédition où tromperies et mensonges l'attendront à chaque
nouveau coup de barre. Mais dans cette fabuleuse histoire d'amour et
d'aventure, l’héroïne principale est la mer. De Melville à Stevenson, de Conrad
à Patrick O'Brian, c'est toute la grande littérature maritime qui revit dans ce
fascinant roman, hymne à l'or magique des rêves et métaphore de la part d'ombre
tapie en chacun de nous.
On est vraiment, c’est
indéniable, dans la grande tradition de la littérature d’aventures maritimes.
La mort rôde en permanence, dans les barges entre marins avinés ou dans les
affrontements entre pilleurs d’épave. Sans parler des nombreux naufrages dûs
aux tempêtes ou à la piraterie. Un parallèle constant s’impose entre le
comportement des hommes (et des femmes) et les divers états de la mer, qui peut
passer sans préavis d’une beauté poétique à de brusques accès de violence. Pour
les amoureux des bateaux, on notera la richesse de la documentation, et donc du
vocabulaire maritime. FB
Le grand marin,
de Catherine Poulain, Ed. Points – 2017
Quand Lili
Colt arrive à Kodiak, un port de l'Alaska, elle sait qu'elle va enfin réaliser
son rêve : s'embarquer sur un bateau de pêche hauturière. Pour la jeune femme,
qui a fui jadis le confort d'une famille française pour "faire la
route", la véritable aventure commence. Le choc est brutal. Il lui faut
dormir à même le pont dans le froid insupportable, l'humidité permanente et le
sel qui ronge la peau, la fatigue, les blessures...Elle est la seule femme au
milieu de ces hommes rudes, au verbe rare et au geste précis qui finiront par
l'adopter. A terre, Lili partage la vie des marins -les bars, les clubs de
strip-tease, les motels miteux. Quand elle tombe amoureuse du "Grand marin”,
elle sait qu'il lui faudra choisir entre sa propre liberté et son attirance
pour cet homme dont la fragilité la bouleverse. Entre Jack London et Marguerite
Duras, Catherine Poulain fait entendre une voix unique dans le paysage
littéraire français, avec ce magnifique premier roman qu'on devine très
autobiographique.
En
soi, la vie de Catherine Poulain est déjà un roman : elle a pêché pendant dix ans
en Alaska et se partage actuellement entre les Alpes de Haute-Provence et le
Médoc, où elle est tour à tour bergère et ouvrière viticole. Son premier
livre, très bien écrit et riche en explications, n’a pas reçu moins de huit
prix littéraires ! Je vous le recommande.
MCH
Prochain rendez-vous
Samedi 16 décembre 2017
Thème : "le mensonge"
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