Pour se mettre en
train, rien de tel qu’une bonne vieille chanson de Boris Vian : L’araignée du
soir (, écrite en 1954, mais enregistrée
dix ans plus tard par Magali Noël, soit cinq ans après la mort du grand Boris CLIQUEZ ICI. Comment, ça n’a qu’un rapport assez vague avec le
thème du jour ! Bon. Dans ce cas, rabattez-vous sur Qui va garder mon
crocodile cet été ! CLIQUEZ ICI, commis en 1975 par le groupe Ottawan.
*Le livre de la jungle & Le second livre de la jungle, de Rudyard Kipling (première parution : 1894 et 1895)
Né
à Bombay en 1865 et mort à Londres en 1930, Kipling aura été profondément
marqué par l’Inde coloniale. Elle a inspiré une large partie de son œuvre,
couronnée en 1907 par le prix Nobel de littérature. Ces deux ouvrages regroupent
une quinzaine de contes entre lesquels s’intercale un poème, ou plutôt une
chanson chantée par l’un des personnages. L’histoire de Mowgli n’en occupe qu’environ
la moitié, mais n’est pas racontée chronologiquement et est répartie sur les
deux tomes. Kipling y propose un voyage merveilleux dans un monde où les
animaux parlent, font souvent montre de sagesse ou de folie, peuvent être
cruels, blessent et tuent. Ils sont effrayants comme Kaa le python, ou Shere
Khan le tigre, attachants comme Rikki-tikki-tavi la mangouste, respectés comme
Hathi l’éléphant qui a droit de vie ou de mort sur toutes les créatures. La
jungle est ordonnée, régie par ses propres lois, et l’homme n’y a pas sa place.
Mais, pour cet auteur dont l’éducation en Angleterre a été vécue comme un
déracinement, c’est aussi le monde de l’enfance :
simple à vivre, parfois brutal, mais étranger aux artifices de la civilisation.
La version de Walt Disney, qui a malheureusement étouffé l’original, n’est
qu’une interprétation partielle et édulcorée de cette œuvre puissante.
Ces livres de l'écriture pure et limpide vont bien au-delà de la littérature enfantine. Ils décrivent certes un monde merveilleux, et chaque conte a sa morale. Mais ils ont aussi un niveau plus complexe. Comme dans Tolkien, on peut leur trouver une dimension écologique avant l'heure : en pionnier, Kipling avait vu que l'homme, par son emprise grandissante sur la nature, en bouleversait profondément les lois. Cet humaniste était aussi un virtuose de l'humour britannique. Averti de sa propre mort par une revue, il lui écrivit : " Je viens de lire que j'étais décédé. N'oubliez pas de me rayer de la liste des abonnés ". So British... - MM
*Le chat du rabbin, de Johan Sfar
Ed. Dargaud - 2002 à 2006
Cette étonnante BD en six tomes nous emmène dans l'Alger du début du XXème siècle auprès d'un chat - le narrateur - et de ses maîtres, le rabbin et sa fille, et nous fait découvrir la culture juive de l'Algérie. D'emblée, le matou explique que "ça fait tellement longtemps que les Juifs se font mordre, courir après, ou aboyer dessus, que finalement ils préfèrent les chats". Tantôt très détaillé, tantôt réduit à la seule présence de ses yeux, il voyage avec ses maîtres tout en observant les errements des humains. Spécialiste de la discussion et de l'autodérision, il ergote à n'en plus finir.Dans le premier tome, il dévore le perroquet de la maison, acquiert ainsi la parole et remet alors en question les fondements mêmes de judaïsme dans d'interminables discussions tant avec le rabbin qu'avec le rabbin du rabbin. Amoureux fou de sa maîtresse, il ne se calme que dans la douceur de ses bras. Redevenu muet, il gardera la capacité de converser avec les autres animaux. Son allure graphique très changeante le rend tantôt tendre, tantôt sournois ou filou. Le trait de Johan Sfar est assez typique de la nouvelle vague BD française qui, dans les années 2000, crée des graphismes éloignés du classicisme franco-belge. L'adaptation en dessin animée, réalisée en 2011, a obtenu l'année suivante le César du meilleur film d'animation.
Guidés par un chat indépendant et têtu, nous découvrons un monde disparu. Le graphisme, tantôt fouillé, tantôt simple, mais toujours associé aux couleurs du Sud, se révèle plein de charme et de douceur. Les sentiments et les problèmes ne sont pas éludés mais il en ressort qu'avec un peu de bonne volonté, il n'est pas de problème qui ne puisse être résolu, un grand message de tolérance. MM
Ces livres de l'écriture pure et limpide vont bien au-delà de la littérature enfantine. Ils décrivent certes un monde merveilleux, et chaque conte a sa morale. Mais ils ont aussi un niveau plus complexe. Comme dans Tolkien, on peut leur trouver une dimension écologique avant l'heure : en pionnier, Kipling avait vu que l'homme, par son emprise grandissante sur la nature, en bouleversait profondément les lois. Cet humaniste était aussi un virtuose de l'humour britannique. Averti de sa propre mort par une revue, il lui écrivit : " Je viens de lire que j'étais décédé. N'oubliez pas de me rayer de la liste des abonnés ". So British... - MM
*Le chat du rabbin, de Johan Sfar
Ed. Dargaud - 2002 à 2006
Cette étonnante BD en six tomes nous emmène dans l'Alger du début du XXème siècle auprès d'un chat - le narrateur - et de ses maîtres, le rabbin et sa fille, et nous fait découvrir la culture juive de l'Algérie. D'emblée, le matou explique que "ça fait tellement longtemps que les Juifs se font mordre, courir après, ou aboyer dessus, que finalement ils préfèrent les chats". Tantôt très détaillé, tantôt réduit à la seule présence de ses yeux, il voyage avec ses maîtres tout en observant les errements des humains. Spécialiste de la discussion et de l'autodérision, il ergote à n'en plus finir.Dans le premier tome, il dévore le perroquet de la maison, acquiert ainsi la parole et remet alors en question les fondements mêmes de judaïsme dans d'interminables discussions tant avec le rabbin qu'avec le rabbin du rabbin. Amoureux fou de sa maîtresse, il ne se calme que dans la douceur de ses bras. Redevenu muet, il gardera la capacité de converser avec les autres animaux. Son allure graphique très changeante le rend tantôt tendre, tantôt sournois ou filou. Le trait de Johan Sfar est assez typique de la nouvelle vague BD française qui, dans les années 2000, crée des graphismes éloignés du classicisme franco-belge. L'adaptation en dessin animée, réalisée en 2011, a obtenu l'année suivante le César du meilleur film d'animation.
Guidés par un chat indépendant et têtu, nous découvrons un monde disparu. Le graphisme, tantôt fouillé, tantôt simple, mais toujours associé aux couleurs du Sud, se révèle plein de charme et de douceur. Les sentiments et les problèmes ne sont pas éludés mais il en ressort qu'avec un peu de bonne volonté, il n'est pas de problème qui ne puisse être résolu, un grand message de tolérance. MM
*Chien blanc de Romain Gary,
Ed. Folio – 1972
Romain
Gary, de son vrai nom Roman Kacew, est né en 1914 en Lituanie. Il arrive à Nice
à l’âge de 14 ans avec sa mère à la suite du divorce de ses parents. Ecrivain
et diplomate, il se suicide en 1980. Après sa mort, on apprend qu’il a aussi écrit
quatre romans sous le pseudonyme d’Emile Ajar, ce qui lui a permis d’être le seul écrivain à avoir reçu deux fois le
prix Goncourt. Chien blanc, écrit en
1972, relate la période où il est diplomate à New-York, à partir de 1968. Il a
alors pour épouse la comédienne américaine Jean Seberg. Le couple recueille
Batka, un berger allemand qui trouve rapidement sa place au sein de la famille.
Bonne pâte affectueuse avec celle-ci, il a aussi un lourd passé : c’est un
«chien blanc», dressé par les hommes blancs pour chasser les Noirs. Gary le
confie donc à un chenil pour le guérir de cette haine que l’homme lui a ancrée
dans le corps. C’est Keys, un soigneur noir, qui se charge de «reformer» Batka.
A l’époque, les Etats-Unis sont au bord de l’explosion : l’assassinat de Martin
Luther King est pour bientôt, la guerre du Vietnam traumatise la population et
les haines raciales mettent le pays à feu et à sang. Romain Gary se lance donc
un défi : il est persuadé que s’il réussit à sauver ce chien de sa haine
envers les Noirs, il existe un espoir de sortir l’homme de sa haine raciale.
Ce roman est un miroir de l'histoire de l'Amérique dans les années 60 : de même que ce chien blanc est agressif envers les Noirs parce qu'on l'y a éduqué, l'homme blanc est alors "formaté" pour la haine des noirs. C'est un livre émouvant et troublant. - DM
Ce roman est un miroir de l'histoire de l'Amérique dans les années 60 : de même que ce chien blanc est agressif envers les Noirs parce qu'on l'y a éduqué, l'homme blanc est alors "formaté" pour la haine des noirs. C'est un livre émouvant et troublant. - DM
*Les racines du ciel, de Romain Gary
Ed.
Gallimard – 1972
À peine sorties de la deuxième Guerre mondiale,
les nations occidentales ont repris leurs vieilles habitudes : exploiter les
ressources du monde à leur profit sans se préoccuper des conséquences. Peu
s'intéressent au sort de l'Afrique, encore moins à celui de ses éléphants
africains. Sauf Morel, un idéaliste luttant quasiment seul contre la cruauté
d’un monde dont Gary réussit à décrire avec réalisme tous les enjeux. Il cerne
et analyse la situation géopolitique de la région (l'Afrique équatoriale
française), tout en insérant son intrigue dans l’Histoire. Car au-delà des éléphants
et de la préservation de l'environnement, c'est bien de la situation du monde
entier et de la complexité de ses enjeux qu'il s'agit.
Encore un livre de Romain Gary !
Il est si formidablement écrit qu’il fait aujourd’hui figure de grand
classique, et j’ai trouvé passionnante l’histoire de ce héros que tout le monde
finit par vouloir récupérer peu ou prou. Cela fait partie des livres que l’on
n’oublie pas. – FB
Ed. Monsieur Toussaint Louverture - 2016
Ecrit en 1920, mais édité en 1972, le livre s’est vendu à plus de 50
millions d'exemplaires, tout de même !
Waterhip
down est une colline du Hampshire, en Angleterre. C’est là que l’auteur déroule
l’épopée héroïque d’une poignée de lapins qui ont fui leur colonie pour
échapper à la malédiction qui plane sur la garenne (la construction à venir
d’un lotissement…)
Tous les personnages de cette aventure sont des lapins de garenne, à
l’exception d’une mouette, d’un rat et d’un chien. Tous ne sont pas du même
clan et ils en viennent même à se mener une guerre sans merci pour leur survie.
L’auteur a créé de toute pièce un lexique très
imagé dont usent les lapins et qui ne gêne en rien le fil de la lecture.
Rapidement, le lecteur se met dans la peau d’un lapin et prend part à cette
aventure haletante et pleine de péripéties. L’auteur a également inventé de
toute pièce une culture propre aux lapins, avec leur vision de la création du
monde, et toute une mythologie.
On y apprend quantité de choses sur la vie réelle cette fois et
l’organisation qui a cours dans une garenne.
Au
final, voilà un récit très bien mené et palpitant, qui a tout pour séduire un
public jeunesse, si ce n’est peut-être le nombre de pages (540 !). Je ne
suis pas convaincue qu’il faille y voir une portée très philosophique – GA
Le rat de Venise, de Patricia Highsmith
Ed. Le livre de poche - 1977
Un animal peut-il se muer en criminel ? Ou en justicier impitoyable ? Impossible, direz-vous. Pourtant, vous ne regarderez plus les animaux ni les humains de la même façon après avoir lu les 13 nouvelles de ce livre, empreintes d'une cruauté parfois tempérée par une note d'humour. Voyez comment un chameau finit par se venger d'un maître qui le maltraite ; comment une jument fait échouer le plan machiavélique de deux jeunes gens avides d'argent. Lisez aussi l'histoire de Samson, le cochon qui aime trop les truffes ; celle de Harry, le furet assoiffé de sang ; ou celle d'Eddie, le singe devenu cambrioleur. Sans oublier l'enfer vécu par un élevage de poulets, ni bien sûr l'odyssée effroyable du rat de Venise. Le thème des animaux qui se retournent contre l'homme est fréquent dans la littérature. Mais l'art de Patricia Highsmith, son don d'observation, la vérité des situations et des personnages, l'amour que l'auteur éprouve pour les bêtes, toutes ces qualités font de ce recueil un livre où, à chaque page, se lit une terrible leçon : souvent, ce n'est pas l'animal le plus bestial.
La nouvelle la plus glaçante est celle qui donne son titre au recueil : le rat de Venise. Martyrisé par les humains, il leur opposera une atroce contre-attaque. Patricia Highsmith réussit le tour de force de nous placer dans la logique de l'animal sans pour autant recourir à l'anthropomorphisme. C'est vraiment une des reines du thriller. SW
Le rat de Venise, de Patricia Highsmith
Ed. Le livre de poche - 1977
Un animal peut-il se muer en criminel ? Ou en justicier impitoyable ? Impossible, direz-vous. Pourtant, vous ne regarderez plus les animaux ni les humains de la même façon après avoir lu les 13 nouvelles de ce livre, empreintes d'une cruauté parfois tempérée par une note d'humour. Voyez comment un chameau finit par se venger d'un maître qui le maltraite ; comment une jument fait échouer le plan machiavélique de deux jeunes gens avides d'argent. Lisez aussi l'histoire de Samson, le cochon qui aime trop les truffes ; celle de Harry, le furet assoiffé de sang ; ou celle d'Eddie, le singe devenu cambrioleur. Sans oublier l'enfer vécu par un élevage de poulets, ni bien sûr l'odyssée effroyable du rat de Venise. Le thème des animaux qui se retournent contre l'homme est fréquent dans la littérature. Mais l'art de Patricia Highsmith, son don d'observation, la vérité des situations et des personnages, l'amour que l'auteur éprouve pour les bêtes, toutes ces qualités font de ce recueil un livre où, à chaque page, se lit une terrible leçon : souvent, ce n'est pas l'animal le plus bestial.
La nouvelle la plus glaçante est celle qui donne son titre au recueil : le rat de Venise. Martyrisé par les humains, il leur opposera une atroce contre-attaque. Patricia Highsmith réussit le tour de force de nous placer dans la logique de l'animal sans pour autant recourir à l'anthropomorphisme. C'est vraiment une des reines du thriller. SW
Ed. Fayard - 1987
Jonathan Noël, homme
rangé et solitaire, n’aspire qu’à mener une vie tranquille et discrète. Il vit
à l'abri du monde, dans une petite chambre
de bonne dont il adore la simplicité. Mais un matin, la rencontre d’un pigeon
dans les toilettes de l’étage provoque un coup de tonnerre dans sa petite
existence. Pris de panique, il s’enferme chez lui et n’en sortira qu’au prix
d’un énorme effort, résolu à se séparer de sa chère chambrette pour ne plus
avoir à revoir ce pigeon, objet pour lui d’une véritable phobie. Tout au
long de la journée, il ne parvient pas à suivre son habituelle routine et commet
des étourderies qui prennent à ses yeux la dimension d’autant de drames. Il va
jusqu'à envier la liberté dont jouit le clochard qu’il voit tous les jours
depuis des années, très loin de ses propres angoisses.
Dès la première page, la façon de vivre du "héros" nous est familière. Sa phobie des pigeons n'est absurde qu'en apparence, et nous comprenons que la rencontre de l'un d'eux lui semble agressive au point de bouleverser sa vie. Comme le Parfum, du même auteur, voilà un récit superbement écrit. Je recommande chaudement. MCH
Dès la première page, la façon de vivre du "héros" nous est familière. Sa phobie des pigeons n'est absurde qu'en apparence, et nous comprenons que la rencontre de l'un d'eux lui semble agressive au point de bouleverser sa vie. Comme le Parfum, du même auteur, voilà un récit superbement écrit. Je recommande chaudement. MCH
Ed.
du Rouergue - 2011
Basilio, jeune autodidacte, aime peindre les
hérons, près de son village, Guernica. En avril 1937, il est témoin du
bombardement de Guernica et cherche alors à mettre son art au service de la
représentation de la guerre, toujours en peignant un héron... Avec lui, nous
nous posons la question : qu’est-ce qui fait ressentir l’horreur de
Guernica : le tableau abstrait de Picasso qui n’était pas témoin de
l’événement et a peint pour répondre à une commande ? Ou celui qui représente un héron vivant, mais
promis à la mort, peint avec le sang de sa blessure, par un artiste qui souffre
?
J’ai
choisi ce livre –que j’ai aimé malgré ses invraisemblances– car il traite de la
représentation du monde vivant dans l’art, à travers un animal, sans
signification symbolique de celui-ci. C’est un conte, poétique malgré le
dramatique bombardement. Comme Picasso, l’auteur n’a pas été témoin de
l’événement, mais veut nous en faire ressentir l’horreur et nous interroger sur
l’art. Antoine Choplin sait aussi bien « peindre » des scènes
d’horreur que des scènes pleines d’humanité. J’apprécie son écriture,
particulièrement les passages où il décrit Basilio en train de peindre le héron
« à qui il emprunte son allure, sa droiture, son élégance
hiératique » le matin. Et Basilio en train de peindre le héron le soir
après le bombardement. – CP
Oui, on peut le voir comme ça, et ce point de vue positif m'intéresse beaucoup. Car moi, j'ai été agacé par les invraisemblances, les anachronismes et les impossibilités techniques du récit (ah, la photo du bombardier prise avec une chambre noire de 1895 aussi rapide que nos Nikon numériques...). Mais je suis sans doute trop cartésien trop attaché à la rigueur historique et pas assez poète. SW
* les titres précédés d'un astérisque sont disponibles à la Bibliothèque.
Oui, on peut le voir comme ça, et ce point de vue positif m'intéresse beaucoup. Car moi, j'ai été agacé par les invraisemblances, les anachronismes et les impossibilités techniques du récit (ah, la photo du bombardier prise avec une chambre noire de 1895 aussi rapide que nos Nikon numériques...). Mais je suis sans doute trop cartésien trop attaché à la rigueur historique et pas assez poète. SW
* les titres précédés d'un astérisque sont disponibles à la Bibliothèque.
Merci à
Marie-Claude et Claudette qui, malgré leur absence, nous ont fait parvenir
leurs commentaires.
Prochain
rendez-vous :
Vendredi
21 avril à 20 h
Sur le
thème «Le livre que l’on emmène sur l’île»
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