Pour évoquer l’Italie
en chansons, choisirons-nous Paolo Conte, qui associe comme personne sa langue magnifique
à la musique de jazz ? cliquez ici, ou Serge Reggiani, parfait exemple de ce
que l’immigration nous a offert ? cliquez ici Pas d’hésitation : prenons les deux !
Ed. Gallimard – 2016
Ischia, Naples, Turin, Paris, les Dolomites –
les indications géographiques qui parcourent les trente-sept textes réunis ici
sont autant de points de repère biographiques de la vie d’Erri De Luca, dont on
sait combien elle a été aventureuse. La liberté rencontrée dans la nature tout
autant que dans les luttes politiques, la fraternité entre travailleurs et le
partage avec l’étranger, la lecture de la Bible et la figure de l’ange, voilà
quelques-uns des motifs que tisse l’écrivain italien dans ce
livre inclassable et iconoclaste, qui éclaire l’œuvre et le parcours d’un des
auteurs les plus singuliers de notre temps.
J’ai
beaucoup aimé la grande variété de ces textes très personnels. Comme toujours,
le style est puissant, et c’est avec beaucoup de pudeur et de sensibilité que
De Lucca sait exprimer ses propres rencontres avec l’autorité abusive,
l’engagement militant, la solidarité ouvrière… ou tout simplement la cuisine
italienne, à laquelle il rend un bien bel hommage. – CP
Ed. Gallimard – 2005
Ce court recueil de nouvelles, ou plutôt de
textes autobiographiques, est divisé en deux parties distinctes : les
premiers récits sont consacrés aux combats et guérillas de jeunesse d’Erri De
Luca, quand avec la génération de 68, (un peu plus tard en Italie), il se
révoltait contre l'ordre établi. Manifestations, arrestations, amours et rencontres,
c'est toute une époque, avec ses luttes parfois discutables, qui revit sous nos
yeux. Dans la seconde partie, plus
poétique, De Luca excelle à suggérer les
ambiances maritimes de son adolescence à Ischia, les rudes courses en montagne
où s'exprime son sens du défi et de l'exigence vis à vis de soi-même, mais
aussi les fièvres et les amours croisées au long de sa vie.
La ressemblance avec « Le plus et le moins » se
passe évidemment de commentaires. Dans ce petit recueil qui lui est antérieur d’une
bonne dizaine d’années, Erri De Luca manifeste la même sensibilité poétique et
le même talent d’écriture (chapeau à la traductrice) pour décrire les moments
les plus précieux qui ponctuèrent son existence. Il décrit comme personne ce
que chacun, tout compte fait, ne peut qu’éprouver dans la solitude. C’est vraiment un très grand auteur. – MCH
Ed. Actes sud, 2006
Le commandant Salvatore Piracci a pour
mission de recueillir au bord de sa frégate les migrants perdus en mer, venus d’Afrique
ou du Moyen–Orient, et de les transférer aux autorités italiennes de Lampedusa
ou Catane qui les mettent dans des camps. La rencontre avec une femme syrienne,
dont le bébé est mort de soif pendant la traversée, bouleverse sa vie. Elle lui
demande de lui procurer une arme pour se venger du passeur qui a provoqué la
mort de son enfant. Il la lui procure. Dégoûté par la politique de son pays et
de l’Europe, il refuse de continuer à mener la vie qui est la sienne. Il
abandonne tout et cherche, lui aussi, son Eldorado, en Afrique, où il ne le
trouve pas…
C’est un sujet d’actualité, bien sûr, qui montre bien l’inhumanité de la situation des migrants et la culpabilité des Occidentaux face au problème qu’ils posent , traité avec beaucoup de sensibilité. Mais la fin est très déprimante. Il n’y a pas d’issue pour le personnage du commandant, ni d’un côté ni de l’autre de la Méditerranée… BF
Ed. Pocket, 2005
Magnifique narration à 3
voix. Luca, Anna et Léo se racontent.
Luca est retrouvé mort
sur les rives de l’Arno à Florence. Une mort bien mystérieuse : assassinat ?
suicide ? ou accident ? Peu à peu, au fil de l’enquête, chacun se
pose des questions sur les moments passés ensemble avant le drame. Anna, la
petite amie de Luca, apprend qu’il avait un amant alors qu’ils filaient tous
deux le parfait amour. Léo, l’amant et prostitué, faisait des passes à la
sauvette dans les toilettes de la gare pour se nourrir, mais ses rapports
amoureux avec Luca redonnaient un sens à sa vie. Luca, la victime, se demande
comment vont réagir ses deux amours : Anna, lorsqu’elle va découvrir la
vérité sur son homosexualité, et Léo. Que va-t-il devenir sans lui ?
Une histoire noire adoucie par un magnifique décor florentin
décrit par les personnages tout au long du roman. A lire absolument...
delizioso! DM
Ed. Le livre de Poche - 2013
Et si le Caravage,
grand peintre italien à l'existence tumultueuse, avait laissé un journal ? Camilleri,
écrivain brillant et érudit, a été mystérieusement guidé vers la découverte de
ce précieux manuscrit. Ces pages nous replongent dans un XVIe siècle finissant,
nous donnant de nouvelles clés pour comprendre les foucades de l'homme et les
prouesses de l'artiste.
On vit ici de l'intérieur le dernier
voyage aventureux du peintre fuyant la justice des chevaliers de Malte. Avec
brio, l'écrivain rompu au genre historique imagine pour ce génie du
clair-obscur une voix d'une authenticité confondante.
Le procédé adopté par l’auteur est original, qui fait
alterner sa propre aventure rocambolesque et sa transcription des fragments
d’un document rare et improbable. Que dire de l’hypothèse selon laquelle le goût prononcé du
peintre pour le clair-obscur et pour les atmosphères sombres serait à mettre au
compte d’une altération de sa vision ?
Ce court
roman, presque une nouvelle, a fait l’objet d’une commande à l'occasion d'une
exposition Caravage en 2006 à Düsseldorf. J’ai trouvé beaucoup de charme à la langue
imagée du Caravage, loin de la langue littéraire. Voilà une lecture plaisir que
je recommande – GA
Ed. Liana Lévi - 2016
Les faits. Juste les faits. C'est à ça que la
narratrice, jeune étudiante, voudrait s'en tenir à travers les allées et venues
des voisins de l'immeuble où elle vit à Cagliari. Un immeuble biface. Côté
port, les beaux appartements résidentiels. Côté rue, les appartements modestes.
Tout en haut les Johnson, qui occupent la totalité du dernier étage, surnommé
Buckingham Palace par certains. Un lieu qui fait rêver, d'autant que le
propriétaire, monsieur Johnson, y joue du violon... Tout en bas Anna, la « dame du dessous », qui tire le
diable par la queue. Chacun avec son grain de folie. Ils se croisent, échangent
leurs rôles. Pour affronter les turbulences de la vie et les amours
compliquées, ils montent et descendent l'escalier qui les sépare. Difficile
donc de démêler les faits, juste les faits, dans ce monde qui est sens dessus
dessous.
Un
tourbillon de vie, beaucoup de chaleur humaine. Un livre sympathique, qui n’est
pas sans rappeler « L’immeuble Yakoubian » de l’Egyptien Alaa al-Aswany, sans toutefois
l’égaler - GA
Ed. Delcourt - 2013
Au début des années 60, deux frères, Fabio et
Giovanni, sillonnent les routes au volant d’une Fiat 500 pour rapatrier les
cendres de leur père dans leur Italie natale. Au début, la cohabitation est
loin d’être facile : Giovanni, qui est l’ainé et boxe pourgagner sa vie, a
coupé les ponts bien des années auparavant, après avoir rejoint les milices
fascistes. Quant à Fabio, c’est surtout pour obtenir sa part d’héritage qu’il
consent à s’embarquer dans un tel périple. Au fil de la route qui les ramène
vers le passé, les masques tombent, les blessures et les regrets apparaissent
et le portrait du père se recompose peu à peu.
Dans cet album –le premier où il signe à la
fois les textes et les dessins- Albert rend un bel hommage au cinéma italien
des années 60, dont il sait reproduire l’inimitable talent pour la comédie
sociale.
L’histoire
elle-même est chargée d’émotion, et on ne peut qu’éprouver de l’empathie pour
les personnages. Mais j’ai été aussi été très sensible aux qualités graphiques
de cette BD primée au festival d’Angoulême. Albert utilise fort à propos deux
styles différents pour évoquer le passé et le présent. Et à lui seul, son travail
de coloriste sait faire exploser sur le papier l’éclatante lumière de l’Italie.
C’est une belle réussite. – SV
Ed. Casterman - 1981
Comme son titre l’indique, cette 25e
aventure de Corto Maltese a pour théâtre la ville natale de Corto et de son
auteur. Elle se déroule entre le 10 et le 25 Avril 1921, c’est-à-dire en pleine
montée du fascisme. Corto est alors de retour à Venise pour y chercher une
émeraude légendaire : la Clavicule de Salomon. Tous les ingrédients d’un
roman d’aventure sont là : un trésor fabuleux, comme il se doit protégé
par une énigme, des femmes mystérieuses, des aristocrates déchus, les
« Chemises noires », des loges maçonniques, des sociétés secrètes et
les lieux magiques de Venise. Sous la surveillance du dieu Abraxas, des loges
maçonniques et des milices fascistes, la fable se déroule dans le décor de la
ville. Car malgré l’ancrage historique, c’est bien d’une fable qu’il s’agit, et
pas tout à fait d’une aventure. Elle se termine sur l’Escalier des Rencontres à
minuit, première heure de la saint Marc, Patron de Venise. Comme dans toute
bonne pièce de théâtre, tous les acteurs viennent alors saluer le lecteur, présentés
tour à tour par Corto. La Clavicule de Salomon elle-même fera son apparition,
avant que Corto ne demande à quitter cette aventure pour une autre, dans un
ailleurs encore inconnu.
Paru en France en 1981, cet album est
l’occasion pour Hugo Pratt d’évoquer ses souvenirs de jeunesse, un monde qui
n'existe plus et une aventure qui finit dans un rêve. « C’est le
témoignage de mon amour pour Venise. » disait-il[]. Toujours en noir et blanc, le
découpage et le dessin mettent en évidence l’architecture et la scénographie
par le jeu des ombres, qui est une des forces de l’auteur. Sa mémoire et son
amour de Venise emportent le lecteur de cette fable onirique comme dans un
conte de fée.
Plus
intimiste que les autres aventures de Corto Maltese cette aventure nous fait
entre dans le monde de la jeunesse de Pratt, la Venise des cours cachées, un
monde de rêves et de mystères, rempli d’ésotérisme, à la croisée des mondes
orthodoxe, byzantin, arménien et néoplatonicien.– MM
Ed. Belfond - 1978
A Nogent-sur-Marne, au cours des années
1930, François, fils d'un maçon italien et d'une mère morvandelle, grandit dans
un milieu d'émigrés. Pas toujours bien vus par les Français dits d'origine, ces
« Ritals » sont à la recherche de tout travail pouvant rapporter
quelques sous. Mais fier de son savoir-faire, le père de François garde sa
dignité (« Tu vois, fiston, tout ce
qui est beau en Italie, ou ailleurs dans le monde, ce sont les Italiens, des
artistes qui ont bâti ces églises, ces monuments, depuis des siècles. »).
Les Ritals, c’est toute la jeunesse de Cavanna, racontée avec truculence dans
une langue verte, imagée, mais jamais vulgaire, qui donne à sa lecture un
plaisir absolu.
Comment
parler de l’Italie sans évoquer ce livre si chaleureux, qui fait aujourd’hui
figure de classique ? On ne peut oublier Cavanna, la boîte à outils de son
père et son mètre pliant tout rafistolé, mais pourtant efficace. Et le plaisir est identique dans « Les
Ruskoffs », extérieur à notre thème d’aujourd’hui. – FB
Ed. Gallimard – 1986
Au cours de l’été 1949, un jeune homme à
l'enthousiasme stendhalien, Jacques Sauvage, historien de son état, retourne
dans l'Italie qu'il a brièvement traversée avec sa section de tirailleurs en
1945. De tous ses souvenirs encore frais, le plus lancinant et le plus
émerveillé est celui d'une halte à Varela, bourgade fortifiée dans une vallée
perdue au cœur de l'Ombrie. En historien il s'intéresse au passé de Varela,
fondée au XVIe siècle par un condottiere ; en ancien combattant, il aimerait
tirer au clair un des mystères de sa brève campagne d'Italie ; en homme, il
désire revoir celle qui l'a hébergé pendant son séjour, la Contessina Beatrice
de Varela, dernière du nom, au beau et noble visage. À peine arrivé, il est
brusquement plongé dans la vie cachée de Varela et de sa vallée, dont les mœurs
n'ont pas bougé en trois siècles. La clé de l'énigme est une fête païenne à
laquelle tous les habitants se préparent en secret.
Evidemment,
c’est un livre qui commence à dater. Mais il n’en reste pas moins très
attachant. Tout y évoque la chaleur humaine de ce pays si particulier qu’est
l’Italie, à tel point qu’on pourrait presque oublier les souffrances de
l’immédiat après-guerre. L’écriture de Michel Déon est ici d’une rare élégance,
et son roman est empreint d’un bel optimisme. – MTL
Ed. Le Livre de poche – 2004
Dans la chaleur torride
de l’été 1978, une bande d’enfants s’éloignent à bicyclette de leur hameau pour
battre la campagne du mezzo giorno. A
la suite d’un gage, Michele doit explorer une maison abandonnée. Et au fond
d’un trou, il découvre un enfant de son âge, enchaîné et soumis à la plus horrible
des captivités. Ballotté entre les angoisses de ses neuf ans et ce lourd
secret, il va découvrir la terrible vérité des adultes. Car les monstres qui
peuplent son imaginaire existent bel et bien, même si leur réalité revêt une
apparence des plus inattendues…
Ce court roman a fait connaître dans le monde entier Niccolò
Ammaniti, principal écrivain de l’école littéraire dite des «cannibales» . A la
fois âpre, violent et lumineux, il m’a fait souvent penser au néo-réalisme
italien, même s’il est ancré dans la violence beaucoup plus récente des «années
de plomb». Il fait partie des livres qu’on dévore d’une traite. Tout-à-fait à la
portée, soit dit en passant, d’un public pré-adolescent souvent peu enclin à la lecture. – SW
Ed. Grasset – 2008
Rino Zena et son fils Cristiano vivent dans la
misère aux abords d’une «zone d’activités » déprimante en diable.
Skinhead, nazi, alcoolique et violent, Rino a tout pour nous déplaire. Mais son
fils et lui sont unis par un amour viscéral qui résiste à tout, et qui finit
par forcer le respect. Rino n’a que deux amis, tout aussi chômeurs que lui et
éternellement voués aux petits boulots : le déjanté Quattro Formaggi, qui
doit son surnom à un goût immodéré pour la pizza aux quatre fromages, et le
déchu Danilo, brisé par un drame familial. C’est Danilo qui les convaincra de
fracasser une billetterie bancaire dans l’espoir fou d’échapper à la mouise. Le coup est prévu au cours d’une nuit de
tempête, sous une pluie diluvienne et des torrents de boue. Mais rien ne se
passera comme prévu, pour le plus grand malheur de la jeune victime qui
croisera leur chemin.
Plus noir,
tu meurs ! Ce roman, qui a obtenu le prix Strega (équivalent du Goncourt),
est aussi un réquisitoire contre la médiocrité d’une société vouée à une
consommation abrutissante et au chacun pour soi. Malheur aux laissés pour
compte ! Rino et ses deux amis sont les cousins des «affreux, sales et
méchants» filmés par Ettore Scola. Mais ils ont aussi une dignité bien à eux,
et suscitent même une certaine empathie. Cerise sur le gâteau : Ammaniti
sait comme personne illuminer cette atroce noirceur par de nombreux traits
d’humour à la fois grinçant et diablement efficace, dans la grande tradition
des comédies sociales chères au cinéma italien. Bravissimo, Signore !
– SW
*Les titres précédés d’un astérisque sont disponibles à la bibliothèque.
Le prochain Cercle de Lecture se réunira le vendredi 6 janvier à 20h00
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