dimanche 4 octobre 2015

Trouvailles de l'été, au Cercle de lecture

De nombreux titres et des avis contrastés

Le voyant, de Jérôme Garcin
Ed. Gallimard – 2015
Jacques Lusseyran est un écrivain-résistant que la France a négligé et que l'Histoire a oublié. Aveugle à huit ans suite à un stupide accident, résistant à vingt, déporté dans les camps de Buchenwald en 1944, rescapé, puis universitaire aux Etats-Unis, puisqu'en France les non-voyants ne peuvent enseigner à cette époque...  Une vie édifiante, mais surtout la révélation de ce regard dorénavant tourné vers l'intérieur, qui se mue en force, en courage et en clairvoyance. 
    
Ce livre est formidable et lumineux ! – NM
Jérôme Garcin s'intéresse aux destins exceptionnels, et c'est une fois de plus magnifique... Mais Lusseyran est un être à part et j'ai poursuivi le chemin, avec son récit autobiographique, présenté à la suite - BF


Et la lumière fut, de Jacques Lusseyran
Ed. du Félin – 2008
Après ce stupide accident où l'auteur perd la vue, toute la première partie conte la découverte de son monde intérieur et d'un univers où les objets parlent et vibrent, où la musique n'est que couleurs. 
Suivent les années de résistance, la création du réseau Défense de la France et du journal éponyme qui donnera naissance à France Soir… 
Puis l'arrestation et les mois de déportation, qui contre toute attente, se traduisent par un roman de vie, d'amour, d'oubli de soi.
      
A lire absolument ! - BF
     
   
*Charlotte, de David Foenkinos
Ed. Gallimard – 2014
Sans Foenkinos, qui connaîtrait aujourd’hui l’artiste-peintre allemande Charlotte Salomon, morte en octobre 1943 à Auschwitz ? Elle avait alors 26 ans et était enceinte de cinq mois. Toute sa vie n’aura été que tragédie, car elle a grandi dans une famille juive marquée par une terrifiante succession de suicides qui ne cesseront de l’obséder lorsqu’elle les découvrira. Mise peu à peu au ban de la société allemande pour cause de judaïsme, elle connaîtra une folle passion amoureuse avant de devoir s’exiler dans le midi de la France en 1939. En quatre ans à peine, elle y composera dans la fièvre toute son œuvre picturale, avant d’être rattrapée par la barbarie nazie.
J’avais beaucoup aimé l’élégance primesautière de “La délicatesse” et des “Souvenirs”. Mais ici, Foenkinos change totalement de registre : visiblement très ému par l’enquête qu’il mène sur les traces de la disparue, il en relate la sombre existence dans un style haché, haletant et souvent presque incantatoire. Au début, c’est un peu déconcertant. Mais on est vite séduit par cette facette inattendue de son talent - SW


*La splendeur de la vie, de Michael Kumpfmüller
Ed. Albin Michel – 2013
   
En juillet 1923, Franz Kafka – qui ne sera jamais appelé autrement que “le docteur” – rencontre Dora Diamant dans une petite station balnéaire de la Baltique. A 40 ans, il est miné par la tuberculose ; elle en a 25 et déborde de vie. Elle sera son dernier amour, probablement le plus accompli, et certainement le plus poignant. Car l’écrivain n’a plus qu’un an à vivre. Pendant ces quelques mois, Dora accompagnera son lent glissement vers la mort dans une Allemagne gangrenée par l’hyperinflation, l’antisémitisme et les prémices du national-socialisme.
La lecture voici des lustres du “Procès” et de “La métamorphose” m’avait laissé un souvenir mitigé de Kafka. Mais il est ici un homme de chair et d’os, auquel un amour tardif et l’attachement aux minuscules choses de la vie rendra le goût d’écrire et qui, paradoxalement, ne se sera jamais autant rapproché du bonheur que pendant sa longue agonie. Voilà de la très belle littérature - SW


*Les souvenirs, de David Foenkinos
Ed. Folio – 2013
Le roman commence par la mort du grand-père du narrateur, auquel il aurait tant voulu dire qu'il l'aimait... Il prend alors conscience de l'importance de sa grand-mère, placée en maison de retraite contre son gré, et qui disparaît dans la nature, sans crier gare. Ses deux aïeux sont le prétexte pour l'auteur à disséquer ses souvenirs, qui nous entraînent dans une réflexion sur les turbulences de la vie, la mort, la fuite du temps, les relations intergénérationnelles, la mémoire familiale, et l'urgence de vivre.
     
Voilà un livre très sympathique, avec des entrées multiples et un style léger. L'auteur égraine ça et là des souvenirs, de personnes étrangères au récit - souvenirs de van Gogh, de Nietzsche, de Serge Gainsbourg, du caissier de nuit de l'autoroute A13… , et ils ajoutent une profondeur indéniable au propos - CP


Anna Karenine, de Léon Tolstoï
Ed. Pocket
La quête d'absolu s'accorde mal aux convenances hypocrites en vigueur dans la haute société pétersbourgeoise de cette fin du XIXe siècle. Anna Karénine en fera la douloureuse expérience. Elle qui ne sait ni mentir ni tricher - l'antithèse d'une Bovary - ne peut ressentir qu'un profond mépris pour ceux qui condamnent au nom de la morale sa passion adultère. Et en premier lieu son mari, l'incarnation parfaite du monde auquel il appartient, plus soucieux des apparences que véritablement peiné. Le drame de cette femme intelligente, sensible et séduisante n'est pas d'avoir succombé à la passion dévorante que lui inspire le comte Vronski, mais de lui avoir tout sacrifié, elle, sa vie de femme, sa vie de mère. Vronski, finalement lassé, retrouvera les plaisirs de la vie mondaine...
    
Voilà un livre que je me promettais de lire un jour et bien m'en a pris ! Ce roman sur la société russe du XIXe n'a pas pris une ride, et j'ai particulièrement goûté le fait que les personnages décrivent eux-mêmes, avec précision, le pourquoi de leurs réactions. En dépit de sa taille, le livre se dévore - CP


Le jour des corneilles, de Jean-François Beauchemin
Ed. Libretto - 2013
Au fin fond de la forêt, une cabane en rondins abrite deux êtres hallucinés : un colosse marqué par la folie, et son fils orphelin de mère, livré à lui-même, nourri dans ses premiers jours avec le lait d’une hérissonne trouvée morte. Ce dernier se retrouve adulte devant un juge silencieux pour avouer des actes inqualifiables. Son témoignage l’amènera à révéler peu à peu, en toute ingénuité et dans une langue haute en couleur, l’incroyable histoire de sa vie, comme le destin tragique de son père.

C'est un coup de cœur : une langue truculente à la Rabelais, c’est déjanté et proprement jubilatoire ! – MM


*Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, de Darragh McKeon
Ed. Belfond – 2015
Le 26 avril 1986, dans la centrale de Tchernobyl, quelque chose vient de se passer. Dans un minuscule appartement de Moscou, un petit prodige de neuf ans joue silencieusement du piano pour ne pas déranger les voisins. Dans une usine de banlieue, sa tante travaille à la chaîne sur des pièces de voiture et tente de faire oublier son passé de dissidente. Dans un hôpital non loin de là, un chirurgien s'étourdit dans le travail pour ne pas penser à son mariage brisé. Dans la campagne biélorusse, un jeune garçon observe les premières lueurs de l'aube, une aube rouge, belle, étrange, inquiétante...
Le livre m'a un peu déçue, toutefois le passage sur la façon scandaleuse dont on a traité les gens après coup est très intéressant et mérite le détour - CP
   
Le regard extérieur de l’auteur est presque trop critique et plutôt dérangeant. J'ai de loin préféré, sur le même sujet, la magnifique BD d'Emmanuel Lepage, présentée à la suite – HL

*Un printemps à Tchernobyl, d’Emmanuel Lepage
Ed. Futuropolis - 2012
     
26 avril 1986. À Tchernobyl, le cœur du réacteur de la centrale nucléaire commence à fondre. Un nuage chargé de radionucléides parcourt des milliers de kilomètres, sans que personne ne le sache… et ne s’en protège. C’est la plus grande catastrophe nucléaire du siècle, qui fait des dizaines de milliers de victimes. À cette époque, l'auteur a 19 ans, il regarde et écoute, incrédule, les informations à la télévision. Vingt-deux ans plus tard, en avril 2008, il se rend à Tchernobyl pour rendre compte, par le texte et le dessin, de la vie des survivants et de leurs enfants sur des terres hautement contaminées. 


*Quelques jours d’été, de Chabouté
Ed. Paquet – 2004
Un petit garçon de la ville confié à des gens de la campagne... Un vieux monsieur taiseux dont l'épaisse carapace craquera pour ce petit bonhomme. Un tournant dans la vie d'un petit garçon. Une histoire simple et intimiste ou même les rivières chuchotent... Et quand finalement sa mère revient le chercher et lui apprend la raison pour laquelle on l’a confié à ces gens, ces quelques jours d’été ont déjà pris une telle place dans la tête de l'enfant que la vie peut bien reprendre son cours…

On m'a proposé de lire une BD ! J’étais sceptique, car ce n'était pas mon truc… Et puis je suis tombée sous le charme : j'ai retrouvé des choses que j'avais vécues et beaucoup de résonances - une belle découverte – DM

*La sixième extinction, d’Elizabeth Kolbert
Ed. Vuilbert – 2015 [Prix Pullitzer 2015]
Depuis l'apparition de la vie sur terre, il y a eu cinq extinctions massives d'espèces. Les scientifiques estiment que le monde est en train de vivre la sixième, peut-être la plus dévastatrice de toutes. L'homme en serait la cause, en sera-t-il la victime ? La journaliste Elizabeth Kolbert, signe là une vaste enquête à la croisée du reportage de terrain et de l'histoire des idées, elle donne à voir la science en train de se faire, tout en donnant la parole à de grands savants tels que Cuvier et Darwin. Elle va à la rencontre de scientifiques sur leurs lieux de travail, pour raconter le destin d'espèces disparues ou menacées, et elle réussit à rendre compréhensibles des concepts souvent difficiles à appréhender.
    
Ce livre est extrêmement documenté et néanmoins passionnant. J'y ai appris énormément de choses - un prix Pullitzer 2015 qui n'est pas usurpé... - SV


*Le problème Spinoza, de Irvin Yalom
Ed. Le livre de Poche – 2014
Amsterdam, février 1941 : le Reichsleiter Rosenberg, chargé de la confiscation des biens culturels des juifs dans les territoires occupés, fait main basse sur la bibliothèque de Baruch Spinoza. Qui était donc ce philosophe, excommunié en 1656 par la communauté juive d'Amsterdam et banni de sa propre famille, pour, trois siècles après sa mort, exercer une telle fascination sur l’idéologue du parti nazi ?
L’auteur Irvin Yalom, professeur émérite de psychiatrie à Stanford depuis 1994, explore la vie intérieure de Spinoza, inventeur d’une éthique de la joie, qui influença des générations de penseurs. Il cherche aussi à comprendre Alfred Rosenberg qui joua un rôle décisif dans l'extermination des juifs d'Europe.
Réellement passionnant ! A lire absolument - GA

Anne-Marie, absente ce soir-là, a tenu à nous envoyer quelques lignes sur un titre, qui fait écho à la montée de nazisme évoqué dans le précédent livre.

Le tabac Tresniek, de Robert Seethaler
Ed. Sabine Wespieser – 2014
En août 1937, le jeune Franz Huchel quitte ses montagnes de Haute-Autriche pour venir travailler à Vienne. Sa mère lui a déniché un emploi de buraliste auprès d'un ancien ami. Le jeune homme découvre la ville et ses attraits ; il s'efforce de gagner le cœur de la belle Anezka, qui travaille dans un cabaret ; il se lie d'amitié avec le professeur Freud, un client du tabac, auprès de qui il tente de trouver réconfort face aux émois qui le rongent. Mais l'atmosphère devient de plus en plus inquiétante à Vienne, et Franz se trouve rapidement confronté à des actes de vengeance envers son patron, coupable de vendre sa marchandise à des Juifs. Le naïf jeune homme se mue en rebelle devant l'injustice et l'arrestation du buraliste.
Il s'agit d'un roman d’apprentissage, à l’humour corrosif - un coup de cœur ! - AML

*Les titres précédés d’un astérisque sont disponibles à la bibliothèque.
Le prochain Cercle de Lecture se réunira le vendredi 6 novembreà 20h00
avec pour thème : "le polar historique"

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