lundi 9 mars 2015

La France et les Français vus d'ailleurs

Notre Cercle de Lecture réunissant plusieurs nationalités, les commentaires sont allés bon train...
*Le testament français, d’Andreï Makine
Ed. Gallimard – 1997   
Le livre traite de la quête d'une identité. Alyosha grandit au côté de sa grand-mère Charlotte, venue de France au lendemain de la première guerre mondiale, et qui a vécu le restant de sa vie en Sibérie. Celle-ci évoque régulièrement les événements qui ont marqué le début du 20ème siècle et qui se sont mêlés à sa propre histoire. C’est ainsi qu’Alyosha apprend le Français, qu’il croit d’abord être un patois de famille… Après quelques déboires à l’adolescence, il finit par se réconcilier avec ses deux identités et se réfugie alors dans les livres et la magie des mots, rendant hommage à cette langue qui l'enchante et qui le relie pour toujours à sa grand-mère adorée, conteuse hors pair, détentrice de bien des secrets.
Le roman, proche de l’autobiographie, a été couronné par plusieurs prix littéraires et cela est amplement mérité, c’est superbe ! – HL

God save la France, de Stephen Clarke
Ed. Pocket – 2006
Avec un humour décalé et très anglais, ce journaliste vivant en France depuis dix ans a écrit, par charité pour ses compatriotes, ce petit guide de survie de l'expatrié en France. Imprimé à deux cents exemplaires, le guide est mis en vente sur son site Interne, remarqué par quelques libraires et quelques journalistes, jusqu’à ce qu’un éditeur anglais en acquiert les droits...
Mais que c’est drôle ! Les mots de notre langue et l'usage que l'on en fait sont souvent la cible de l'auteur, un vrai plaisir – CP



Outre-Manche, de Julian Barnes ; trad. Jean-Pierre Aoustin
Ed. Gallimard – 2000
Dire que Julian Barnes aime la France, c'est un peu enfoncer une porte ouverte. Dans ses romans, ses personnages traversent souvent la Manche pour venir voir ce qui se passe chez leur voisine qui les fascine et les intrigue tant. Les dix nouvelles qui composent Outre-Manche se situent, elles, toutes en France où des Anglais et des Anglaises, à différentes époques, voyagent, vivent, travaillent, s'aiment ou même combattent. Jouant sur les registres les plus divers avec l'habileté qu'on lui connaît, Barnes nous fait tour à tour sourire, rire, rêver, trembler...
Le plus frappant dans ce recueil de nouvelles est l‘habileté de l'auteur à changer de style au gré des sujets traités. Soulignons au passage la qualité de la traduction – CP


Amkoullel, l’enfant peul, d’Amadouh Hampâté Ba
Ed. 84 – 2000 / coll. J’ai Lu Récit
Amkoullel, tel est le surnom que porte le jeune Hampâté Bâ quand, au début du XXe siècle, il s'initie aux traditions familiales séculaires. Fréquentant l'école française en même temps que l'école coranique, courant la savane alors que des proches partent pour une guerre que l'on dit mondiale, mais qui les concerne si peu, à l'écoute des grands maîtres de la parole, il devient lui-même, à son insu, un griot, garant et dépositaire d'une civilisation orale en pleine mutation. A la fois roman d'aventure, tableau de mœurs et fresque historique, ce livre restitue dans une langue savoureuse et limpide toutes les richesses, les couleurs et la vie du grand récit oral africain.
Lorsque les tirailleurs de la guerre de 14 rentrent au pays, c’en est fait du mythe de l’homme blanc ! Dans les tranchées, ce dernier a perdu de sa superbe, il est sale, il a peur, noirs et blancs se valent... Cependant, au moment de toucher leur pension, force est de constater que celles des blancs vaut le double de celles des noirs… Mais l’auteur fait la part des choses et il rend justice à la langue française, qui s'est distinguée comme un moyen d’ouverture et de communication entre les ethnies. Ce livre est tout à fait remarquable – AML

*Le ventre de l’Atlantique, de Fatou Diome
Ed. Librairie Générale Française – 2005
Salie, l’héroïne de ce roman largement autobiographique est née sur l’île de Niodior, à l’embouchure du fleuve Saloun dans un village de pêcheurs. Par son courage, sa détermination, son travail acharné, elle réussit à faire de brillantes études et devient docteur ès Lettres de l’université de Strasbourg. La famille restée au Sénégal attend tout de Salie, auréolée de gloire pour sa réussite et surtout de grande richesse supposée.
Le petit frère, Madické, veut venir en France pour entrer dans une équipe de foot, sa passion, et de là intégrer l’équipe de l’A.C. Milan, son rêve.
Le roman repose sur l’opposition entre la vision de Salie, réaliste parce que vécue : difficultés de vivre en France, difficultés financières, rejet de la population, climat insupportable… et la vision irréaliste, idéalisée, rêvée de Madické. Les appels téléphoniques entre eux mettent en lumière leur incommunicabilité : Madické attend les résultats du dernier match de foot, elle attend qu’on lui donne des nouvelles de sa famille, lien indispensable qui la relie à Niodior.
L’auteur écrit dans un style très fluide, incisif, avec des pointes d’humour grinçant ; poétique lorsqu’elle évoque des paysages de Niodior, émouvant lorsqu’elle donne vie, en quelques touches aux habitants de l’île.
Bon roman, agréable à lire, qui révèle un auteur digne d’intérêt. Le roman n'est pas sans rappeler "Americanah", de Nogozi Adichi, que nous avons évoqué le mois dernier - N.M.


*Debout-payé, de Gauz
Ed. Nouvel Attila – 2014
«… rester debout toute la journée dans un magasin, répéter cet ennuyeux exploit de l'ennui, tous les jours, jusqu'à être payé à la fin du mois. Debout-payé. » 
Nous suivons le parcours de trois africains, tous vigiles : Ferdinand, Ossiri et Kassoum, des années 60 à nos jours, rythmés par les changements de politiques, l'apparition de la carte de séjours, la création du statut de sans-papier, les conséquences du 11 septembre 2001 sur leurs conditions de travail.
Le récit est ponctué par des interludes : les choses vues, entendues, et pensées, lorsque Gauz lui-même travaillait comme vigile au Camaïeu de Bastille et au Sephora des Champs-Elysées - un portrait de la société française, drôle, riche et sans concession.
La construction du récit est peu ordinaire et donne au livre un caractère d'oralité. C'est drôle et édifiant.  A coup sûr, nous regarderons les vigiles qui nous regardent autrement… - GA

Les carnets du Major Thompson, de Pierre Daninos
Ed. Le livre de poche – 1967
Abandonnant la chasse au tigre, le major W. Marmaduke Thompson décide d'explorer la jungle française et consigne ses observations sur les autochtones, leurs comportements, leurs manies, leurs qualités, leurs défauts...
Les anglais étant les meilleurs ennemis des français, l'auteur ne se retient pas de donner son propre avis sur le texte du Major Thompson dans les notes de bas de pages souvent surprenantes et drôles ;-)
Un petit chef-d’œuvre d’humour britannique, au point qu’on a du mal à croire qu’il ait été écrit par un français - SV
Voyages à travers la France et l’Italie, de Tobias George Smollet
Ed. José Corti -1994
L'ouvrage a été publié la première fois en 1766, au retour du Dr Tobias Smollett en Angleterre, après trois années passées sur le continent. Il s’agit d’une série de lettres écrites à ses médecins et amis, dans lesquelles l’auteur fait une critique acerbe des français - aubergistes, douaniers, parisiennes, etc., au point que même ses compatriotes en étaient choqués. Mais si Smollett n’aimait guère les français, il a su apprécier avant l’heure la côte d’Azur, dont il est dit qu'il en fut le « découvreur », à une époque où la région n'était guère en vogue. Smollett était un adepte des bains de mer...
Une caricature de l’esprit chauvin ? – SV

Une année en Provence, de Peter Mayle
Ed. Seuil – 1996
Le temps d’une saison, l’écrivain anglais Peter Mayle tombe sous le charme de la Provence. Dans un style inimitable, mêlant l’humour et la tendresse, il nous peint les saveurs d’un village du Lubéron : Amédée et ses formules chantantes, la truffe et les délices de la table, l’énergie chaleureuse des terrasses de café, la sieste et le bon vin… Un voyage qui sent bon le Sud.
Caricatural à souhait, mais sans méchanceté et somme toute sympathique. Rien à voir avec la série télévisée qui en a été tirée par la suite, qui allait vraiment trop loin dans la caricature, au point que l'auteur s'est mis à dos ceux qui l'avaient si bien accueilli - MM

Les français aussi ont un accent, de Jean-Benoît Nadeau
Ed. Payot – 2004
Françaises, Français : le Québécois Jean-Benoît Nadeau vous a compris ! Voici, en vingt-deux chapitres hilarants et lumineux, le récit de ses découvertes et de ses coups de gueule : comment il va devenir le soixante-septième miraculé de Lourdes, prouver mathématiquement l'existence de José Bové, percer le mystère de la crotte de chien à Paris, célébrer Halloween à la normande, changer de millénaire par trois fois...
Bien qu'originaire de l'Amérique des grands froids, lui n'est pas venu restaurer une maison en Provence. Il avait mieux à faire. Sa mission impossible de deux ans : découvrir si les Français résistent à la mondialisation. Aussi porte-t-il sur leur pays le regard d'un anthropologue débarquant chez les Yanomanis de l'Amazonie inférieure. À cette différence près que la France n'est pas l'Amazonie et que l'auteur n'est pas un journaliste comme les autres.
L’auteur est obnibulé par notre rapport au passé, de là à nous taxer d’archaïsme… ;-)  Sympa et salutaire ! - SW

*Les titres précédés d’un astérisque sont disponibles à la bibliothèque.       
Le prochain Cercle de Lecture se réunira le vendredi 3 avril à 20h00
avec pour thème : "Un auteur : Romain Gary, seul romancier à avoir reçu deux fois le Prix Goncourt..."


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