Notre ami Serge avait décidé, pour clore
la saison, de nous faire explorer le thème de la peur. Que du sérieux..., mais
la tension palpable a cédé en milieu de séance, avec une petite nouvelle de
trois pages - une trouvaille, noire à souhait, qui nous a littéralement
réjouis.
Seul dans Berlin, de Hans Fallada
Ed. Denoël – 2014
Mai 1940, on
fête à Berlin la campagne de France. La ferveur nazie est au plus haut.
Derrière la façade triomphale du Reich se cache un monde de misère et de
terreur. Seul dans Berlin raconte le quotidien d'un immeuble modeste de la rue
Jablonski, à Berlin. Persécuteurs et persécutés y cohabitent : Mme Rosenthal,
juive, dénoncée et pillée par ses voisins ; Baldur Persicke, jeune recrue des
SS qui terrorise sa famille ; les Quengel, désespérés d'avoir perdu leur fils
au front, qui inondent la ville de cartes postales hostiles à Hitler et
déjouent la Gestapo avant de connaître une terrifiante descente aux enfers.
De Seul dans Berlin, Primo Levi disait,
dans Conversations avec Ferdinando Camon, qu'il était "l'un des plus beaux
livres sur la résistance allemande antinazie".
Ce roman, inspiré d’actes de résistance bien réels, décrit avec
réalisme et sincérité la survie des gens du peuple dans un monde où la terreur
est systématiquement utilisée comme instrument politique - SW
*Le rapport Brodeck, de Philippe Claudel
Ed. Le livre de Poche - 2009
Après la
seconde guerre mondiale et sa déportation dans les camps de concentration,
Brodeck rentre dans son village et retrouve sa femme Emilia qui a perdu la
maison et s'est enfermée dans un mutisme traumatique.
Un meurtre
survient qui implique des hommes et les notables du village. La victime
surnommée " l'anderer " (l'autre) est un inconnu mystérieux débarqué
de nulle part, mais qui au fur et à mesure de son séjour a réveillé des choses
qui s'étaient endormies et a mis en lumière " des vérités profondes des
âmes du village ". A la demande du maire, Brodeck est contraint de rédiger
un rapport.
La seconde guerre mondiale a réveillé la
laideur des hommes. Brodeck fera-t-il acte de courage au moins une fois dans sa
vie pour dénoncer ces notables véreux et sans scrupules ? Pourquoi parmi tous
ces coupables ne se sent-il pas tout à fait innocent ?
Ce récit est glaçant, à la limite du supportable. La
purification passe par l'élimination de tous ceux qui sont différents, de
l'inconnu, qui fait peur...- BF
*Purge, de Sofi Oksanen
Ed. Le livre de poche – 2012
En 1992, à la fin de l’été en Estonie,
l'Union soviétique s'effondre et la population fête le départ des Russes.
Cependant la vieille Aliide, qui redoute les pillages, vit terrée dans sa
ferme. Lorsqu’elle trouve dans son jardin Zara, une jeune femme meurtrie, en
fuite, que des mafieux russes ont obligée à se prostituer à Berlin, elle hésite
à l’accueillir. Pourtant, une amitié finit par naître entre les deux femmes.
Aliide aussi a connu la violence et l’humiliation… A travers ces destins
croisés pleins de bruit et de fureur, c’est cinquante ans d’histoire de
l’Estonie que fait défiler Sofi Oksanen.
Le doute, la méfiance, la délation, la peur habitent tous ces
personnages, après cinquante ans d’occupation soviétique. L’écriture est très
maîtrisée et le livre très intéressant, mais certains passages sont d’une
grande violence - NM
C'est une double lecture de la célèbre la
nouvelle de Maupassant et de son adaptation à la BD que nous propose Marc :
*Le Horla, de Guy de Maupassant
Ed. Pocket – 2005
*Le Horla, de Guillaume Saurel / Guy de Maupassant
Ed. Rue de Sèvres - 2014
Le narrateur mène une vie tranquille dans
sa maison normande, au bord de la Seine, lorsque d'étranges phénomènes
commencent à se produire. C'est la carafe d'eau sur sa table de nuit qui est
bue, des objets qui disparaissent ou se brisent, une fleur cueillie par une
main invisible... Peu à peu, le narrateur acquiert la certitude qu'un être
surnaturel et immatériel vit chez lui, se nourrit de ses provisions. Pire encore,
cet être, qu'il baptise le Horla, a tout pouvoir sur lui, un pouvoir
grandissant... S'il quitte sa maison, ce pouvoir disparaît ; mais bientôt, il
ne peut plus sortir de chez lui, il est prisonnier. D'où vient cet esprit ? Du
Horla ou de l'homme, l'un des deux doit périr.
Le Horla, comme tous les contes fantastiques que Maupassant
écrivit à la fin de sa vie, alors qu'il sombrait dans la folie, joue
délicieusement avec nos nerfs. Ce sont deux ouvrages magnifiques, un vrai
régal. Une seule réserve dans cette superbe BD : la forme humanoïde du Horla,
mais comment le représenter ? - MM
Les angoisses du narrateur pourraient être celles d’un patient
venu consulter un psychanalyste, un narrateur en proie à une dépression
profonde, voire à une réelle psychose. Le texte est tragique, car il préfigure
la mort de Maupassant lui-même, mort fou, interné dans la clinique du Dr
Blanche. Le texte est contemporain des travaux menés par le Dr Charcot sur
l’hystérie. Nul doute que Maupassant en avait connaissance… – BF
La Torture par l’espérance, un conte extrait des « Nouveaux contes cruels », de Villiers de l’Isle Adam
Contes cruels, suivis de Nouveaux contes cruels et de l'Amour suprême, de
Villiers de L'Isle Adam
Ed. José Corti - 2005
Aux heures
les plus sombres de l’Inquisition, le prisonnier Rabbi Aser Abarbanel, juif
aragonais, est soumis à la torture depuis un an dans l'espoir de lui faire
abjurer sa religion.
Ce jour-là le Grand Inquisiteur lui
demande pardon et l'embrasse. Il l'invite à se réjouir car ses épreuves
touchent à leur fin : demain, il fera partie de l'auto da fé, sera exposé au
brasier prémonitoire de l'éternelle Flamme, des langes mouillés et glacés
préserveront son front et son cœur, et il aura tout le temps d'invoquer Dieu
car il sera le dernier des quarante-trois qui recevront le baptême du feu...
L'inquisiteur parti, ô stupeur, on a oublié de refermer la porte de la geôle...
Le style est concis, ciselé, féroce ! Trois pages insoutenables,
un suspense savamment orchestré, une chute refroidissante, qui ont été
récompensés par les rires édifiés de toute l'assemblée. Merci à Anne-Marie qui
n'a pas pu être présente et qui nous avait fait passer ce texte.
*Murambi, le livre des ossements, de Boubacar Boris Diop
Ed. Zulama – 2014
Le roman
replonge le lecteur dans l'atmosphère électrique qui précède le génocide tutsi
au Rwanda. Un contexte nauséeux où les bourreaux hutus attendent, où les
victimes tutsis pressentent le piège qui va s'abattre sur elles. Dans ce récit
éclaté, chaque voix parle à la première personne, alternant les points de vue.
Cornelius,
exilé de longue date à Djibouti, revient au Rwanda et retrouve ses amis
d'enfance Jessica, qui a été agent de liaison de la guérilla à Kigali pendant
le génocide, et Stanley, qui a parcouru le monde pour lever des fonds et
expliquer aux étrangers le combat du FPR. Le récit est construit comme une
enquête.
Toute la famille de Cornelius a disparu,
du moins c'est ce qu'il pense en rentrant au Rwanda. Ce qu'il va découvrir, en
particulier au sujet de son père, va remettre en cause toute sa vision du
monde.
Ce livre parle à ceux qui veulent en savoir d'avantage. "La
Coupe du monde de football allait bientôt débuter aux Etats-Unis. Rien d'autre
n'intéressait la planète..." La parole de l'écrivain est essentielle - GA
L’affaire Charles Dexter
Ward, de H.P. Lovecraft*
Ed. J’ai lu – 2002
Échappé de Salem lors de la grande chasse
aux sorciers du XVllle siècle, Joseph Curwen vint s'établir à Providence où il
mourut en 1771. La découverte de sa tombe par son descendant, Charles Dexter
Ward, va être le début d'un drame au cours duquel le jeune homme perdra
l'esprit. Un vieil ami de la famille, le Dr Willett, enquête sur cette affaire
diabolique où chaque pas en avant dans la découverte de la vérité révèle des
horreurs innommables. Le puzzle cauchemardesque va se compléter peu à peu sous
nos yeux. Pourquoi, par exemple, l'écriture du jeune Ward devient-elle peu à
peu semblable à celle de Joseph Curwen, le sorcier ?
Je me souviens de mon engouement pour ce livre, adolescente. Mes
goûts ont évolué, mais l’auteur que Stephen King tenait pour « le plus grand
artisan du récit classique d’horreur du XXe siècle » mérite le détour. Sa
biographie nous éclaire sur son goût pour l’horreur et le morbide : dans son
jeune âge, son père meurt à l’asile ; son grand-père l’initie aux histoires «
gothiques » avant de décéder à son tour ; adulte, il est sujet aux terreurs
nocturnes… Ce livre sera son seul roman. Lovecraft écrit surtout des nouvelles,
dont certaines reprises dans l'album présenté à la suite – SV
*Les mythes de Cthulhu, de Alberto Breccia / H.P. Lovecraft
Ed. Rackham – 2008
C’est aux "grands textes" de
Lovecraft que Breccia s'attaque. Son graphisme inimitable fait de cet album un
chef d'œuvre du fantastique, de la science-fiction et de l'épouvante, combinant
ces trois ingrédients pour produire un cocktail innovant et révolutionnaire.
Breccia préfère l'abstraction, le non-dit, le suggestif.
Un album étonnant, qui a recours à de nombreux collages. Superbe
! - SV
Ed. Lemeac – 2014
Un médecin
s'établit dans une petite ville du nord du Québec tandis qu'une grande
compagnie minière s'intéresse au minerai du sous-sol de cette région. L’avidité
de l'entreprise qui cannibalise la terre a des répercussions humaines plus
horribles qu'il n'y paraît.
Le Wendigo, monstre mangeur de chair,
sévirait-il à Mort-Terrain, car voilà que les cadavres s'additionnent... Les
deux communautés - indienne et québécoise - s’opposent, mues par leurs peurs :
peur du chômage, peur de l’autre, peur de la pollution… À travers une galerie
de portraits savoureux, sans jamais juger, Biz raconte une histoire fantastique
et pourtant éminemment réaliste, un thriller d'horreur qui se lit au grand
galop.
Biz est québécois, rappeur, chanteur, auteur et comédien. J’ai
beaucoup aimé ce livre et me suis bien amusée à décrypter les expressions
québécoises - un vocabulaire abscons pour les Français, mais facile à deviner
pour une anglophone… - HL
*Atom[Ka], de Franck Thilliez
Ed.
Pocket – 2013
Une affaire d'envergure démarre pour
Lucie Hennebelle et Franck Sharko du 36, quai des Orfèvres. Christophe Gamblin,
un journaliste de faits divers, est retrouvé mort de froid, enfermé dans son
congélateur. Sa collègue a disparu alors qu'elle enquêtait sur un gros dossier
dont personne ne connaît le contenu. La seule trace qu'elle a laissée est son
identité griffonnée sur un papier, retrouvé sur un enfant errant, malade, aux
organes déjà vieillissants. Parallèlement, une ancienne affaire de femmes
enlevées refait surface, avec des victimes jetées vivantes dans des lacs quasi
gelés et secourues in extremis par des coups de fil mystérieux. Tandis que
l'enquête s'accélère, une ombre évolue dans le sillage de Franck Sharko, jouant
avec lui et semblant lui en vouloir particulièrement. Un duel cruel s'engage alors,
qui détruit le flic à petit feu.
Ce sont, à n'en point douter, les auteurs des crimes les plus
atroces qui ont le plus peur de la mort, car ils sont à la recherche de
l'immortalité. Je n’ai guère été convaincue, mais après avoir refermé ce livre
qui se déroule en partie à Tchernobyl, ma peur à moi est bien celle d'une
nouvelle catastrophe nucléaire et de toutes les horreurs qui l'accompagnent...
- CP
*La porte des enfers, de Laurent Gaudé
Ed. Actes Sud - 2013
Dans une rue de Naples, le fils de Matteo
et de Giuliana meurt sous les balles d’une bande mafieuse. Dès lors, la soif de
vengeance prend possession de ses parents et détruit leur vie. Dans les ruelles
envahies par les ordures, d’étranges personnages se croisent et s’allient pour
que la vengeance s’accomplisse. Rien ne peut arrêter le désir d’extermination
du père qui, comme Orphée, ose pénétrer au royaume des ombres pour en arracher
son fils. Et la folie emporte la mère dont rien n’apaise la douleur.
Le royaume des morts selon Gaudé nous donne des frissons d’épouvante.
Le livre est poignant - PM
*Les titres précédés d'une astérisque sont disponibles à la bibliothèque.
Après un dernier verre, nous avons pris rendez-vous début octobre
pour partager nos coups de cœur de l'été !