«TERROIR n.m. 1. Terre considérée sous l’angle de la production ou
d’une production agricole caractéristique. […] 2. Province, campagne,
considérées sous le rapport de certaines habitudes spécifiques.» (Larousse). Ah bon. Donc, le terroir n’est
pas exactement la campagne. Tant pis. Allons faire un tour dans celle-ci avec
Bénabar ICI
Ed. Anne
Carrière – 1997
Né en 1912 à Dijon, Henri Vincenot passe toutes ses vacances chez ses
grands-parents à Commarin, petite commune bourguignonne où son grand-père lui
enseigne la vie de la nature, la faune et la flore. Henri Vincenot écrira ses
romans les plus connus à l’âge de la retraite.
Récits des friches
et des bois est un recueil de nouvelles écrites
entre 1936 et 1939, retrouvé par ses enfants après sa mort en 1985. Ils les publieront en 1997 et sa
fille Claudine en écrira la préface. Les 15 nouvelles qu’il regroupe parlent toutes
de sa jeunesse rurale bourguignonne, à partir de 1930 (il avait alors 18 ans).
Elles mettent en scène les thèmes de la nature et de la vie simple, telles que
les aime ce Bourguignon fidèle à ses racines.
Certaines de ces
nouvelles ont retenu davantage mon attention. Le vif-argent : surnom que lui donnait son arrière-grand-mère,
dont il dit qu’elle sentait bon le linge propre et l’armoire – le téchon : surnom donné à l’homme
qui accomplissait différentes tâches dans la campagne bourguignonne – la paulée : banquet de fin de
vendanges, et enfin la joie de vivre :
son chien Faraud raconte sa joie de vivre auprès de son maître. Un beau récit
plein de tendresse. Pour les férus des romans du terroir, à lire
absolument ! – DM
Ed. Anne Carrière –
1998
En Avril
1940, à la ferme bourguignonne de la Belle-Maria, le métayer Ernest attend
désespérément le retour de son fils Jean, parti au front. En l'absence de celui-ci,
le garçon de ferme François fait tourner l'exploitation avec l'aide du Vieux
Vatican et de la jolie Sidonie. En mai, les combats atteignent Dijon. Aux
convois de réfugiés succède l’Occupation allemande. Mais les saisons et les
travaux des champs rythment immuablement le cours des événements.
Henri
Vincenot n’a que 29 ans lorsque, dès 1941, il écrit cette chronique douce-amère
d'un village de Bourgogne, qui ne sera publiée que 13 ans après sa mort. Douce parce
que l'imprègne le parfum de la terre d'Auxois, entre Morvan et Côte des vins,
où plongent ses racines. Amère parce que les hommes, en ces temps troublés,
sont à la fois capables du meilleur et attirés par le pire. Dans ce tableau
féroce, mais plein d'humour, des comportements humains, Vincenot dépeint avec
une tendresse lucide la société rurale de l'époque et les contradictions nées
de la «drôle de guerre».
Encore une publication posthume due aux
enfants de Vincenot. J’ai particulièrement aimé ce roman, écrit quasiment en
même temps que les événements qu’il relate. Il pose quantité de questions sur
le bien et le mal, notamment avec le personnage d’Ernest, mû à la fois par la
haine des Allemands et la volonté de leur plaire pour faire libérer son fils.
On y sent une grande authenticité, encore accentuée par le langage de l’époque.
– CP
Ed.
Albin Michel - 2010
En 1954,
Ornella rejoint son premier poste d’institutrice à Ségalières, entre la vallée
du Lot et les monts d'Auvergne. A 20 ans, cette fille de maçon italien a une
inébranlable foi dans son métier. Dans des conditions matérielles très
difficiles, elle va se heurter à la rudesse des paysans qui ont besoin de leurs
enfants pour le travail des terres, et qui souhaitent pour eux le Certificat d’études
primaires, mais pas l'entrée en 6e. Mutée pour avoir défendu bec et ongles un
enfant en détresse, elle va rejoindre un poste double. Ce sera la rencontre
avec Pierre, qui s'occupe des «petits» alors qu’elle a en charge les «grands ».
Amoureux, jeunes époux, puis parents, ils vivront tout au long de leur vie leur
passion commune pour l'éducation et poursuivront en un demi-siècle d’histoire leur
carrière au gré des réformes successives.
Tout ce qui concerne la vie
professionnelle de ces deux enseignants est très bien documenté, ce qui fait le
principal intérêt du roman. Mais la description de leur vie privée déclenche peu d’émotions, tant les
personnages manquent de subtilité et les situations sont attendues. Christian Signol a écrit en 32 ans 37 romans
qui se ressemblent tous et suivent peu ou prou toujours le même schéma
narratif. N’est pas Vincenot qui veut… – CP
Ed. Albin Michel – 2004
Au soir de sa vie, Bastien évoque l’enfance qui fut la sienne
pendant les années 30, au bord de la Dordogne, où son père était un simple
pêcheur. Loin du monde, toute la famille évolue alors dans un univers poétique
et mystérieux, propice aux rêves, où la «grande île» divisant la rivière
est un refuge secret pour les trois enfants. L'eau et
la rivière sont un paradis qui les fait vivre et les enchante, jour après jour.
Mais si la guerre elle-même ne parvient pas à en briser l'harmonie, tout se
dissout pourtant peu à peu, sauf le souvenir du bonheur, de l'enfance
éternelle. Tout cela aura une fin, et il ne fera pas bon s’éloigner de la terre
des origines.
Je partage les réserves exprimées par
Claudette sur Christian Signol. Certes, la lecture de ce roman n’est pas
désagréable, mais il n’en reste pas grand-chose. Soyons gentils et considérons que les souvenirs de Bastien sont magnifiés
par le temps et ont transformé les événements de jadis en autant de chromos.
Ici, les pères sont forts et taiseux, les mères perspicaces, les filles
mystérieuses et les Gitans énigmatiques. Cela a le mérite d’éviter les
surprises. Le dernier opus de Signol (Dans la paix des saisons)
serait meilleur, à ce qu’on dit. Acceptons-en l’augure. – SW
Ed. Orion – 2015
Ce récit, dont le titre pourrait approximativement
se traduire par Comme un sanglier dans sa
bauge ou Comme un coq en pâte, relate
l’improbable reconversion de Simon et de son épouse Debbie. Lors d’une soirée
passablement arrosée, ils ont décidé de quitter leur vie confortable d’agents
immobiliers à Londres pour mener dans le
nord du Devon une existence de paysans comme on n’en fait plus depuis très-très
longtemps. Simon raconte avec une bonne humeur inébranlable comment tous deux
ont peu à peu fait l’apprentissage de la vie d’éleveurs à minuscule échelle, au
milieu d’une cohorte de cochons intrépides, de poulets insupportables, d’oies
vengeresses et de coqs obsédés sexuels.
Malgré les nombreux coups du sort, les accidents et la misère noire à
laquelle le couple n’échappe que d’extrême justesse, Simon ne se départit jamais d’un humour qui
reste la principale arme secrète des sujets de Sa Gracieuse Majesté.
Dire que j’ai aimé ce livre (dont la lecture m’a été inspirée
par une émission de télévision) relève de l’understatement cher aux
Britanniques. C’est drôle de la première à la dernière ligne, sans pour autant
rien occulter des drames rencontrés par le couple. Il n’est pas (encore ?)
traduit en français. Avis aux éditeurs : j’adorerais m’y coller. You
never can tell… – SW
Pour en savoir plus sur cette odyssée :
http://www.simon-dawson.com/ . Sorry, it’s in
English.
Ed. Gallimard – Première parution en 1943
En
courant après une vipère qui le nargue, Arsène Muselier rencontre au bois celle
qu'en patois jurassien on appelle la Vouivre, la Fille-aux-serpents, dont le front
s'orne d'un rubis fabuleux qu'elle ne pose que pour se baigner. Malheur à ceux
que tente le bijou : les serpents les dévorent.
Arsène a vu le rubis, mais la baigneuse
l'intéresse plus encore, ce qui séduit la Vouivre par la rareté du fait. Lui se
montre prudent, car il craint pour son âme et, d'ailleurs, il aime Juliette
Mindeur. La Vouivre pourchasse partout le récalcitrant. Le pays s'ameute et les
convoitises s'allument, tandis qu'Arsène suit son petit bonhomme de chemin.
Mais ce garçon réaliste est aussi un tendre et quand, après le trépas du fils
Beuillat, la petite Belette est en danger, il brave sans hésiter l'armée des
serpents.
On sait que l’auteur du Passe-muraille maniait
comme personne l’alliance du fantastique et de la vie quotidienne. Ici, j’ai
beaucoup aimé ce mélange de surnaturel –inspiré
par la mythologie celtique– et de vie
paysanne. C’est un conte, mais aussi un récit profondément ancré dans le
terroir du Jura, dont était originaire Marcel Aymé. Quant à la galerie de
personnages, elle est particulièrement savoureuse. – SV
Ed. Arkae – 2008
Le destin de Jean-Marie
Déguignet a tout d’un roman picaresque. Né en 1834 dans une très modeste
famille bretonne "où presque personne ne sait lire ou même parler un mot
de français", le petit vacher misérable apprend d’abord seul à lire et à
écrire. Après s'être engagé dans l'armée, il prend part à presque toutes les
campagnes de Napoléon III, de l'Italie au Mexique. De retour en Bretagne,
il devient tour à tour agriculteur – ce qui lui donne l'occasion de rédiger un
traité sur l'élevage des abeilles –, assureur, buraliste. Ruiné, il meurt en
1905 à l'hospice dans le plus grand dénuement, peu après avoir achevé la rédaction
de ses mémoires, qui seraient restés oubliés sans la ténacité d'un éditeur
breton. L'immense succès de ce livre déjà vendu à plus de
100 000 exemplaires dit assez qu'il n'est pas un simple témoignage
sur le passé. Cet esprit original, – devenu anticlérical après avoir perdu la
foi… à Jérusalem ! – y brosse un portrait sans concession d'une Bretagne
prise entre ses superstitions presque païennes et l'omnipotence de l'Église.
J’ai été subjugué par ce livre, constitué des carnets rédigés
dès l’âge de 6 ans par un étonnant autodidacte. Formé par une vie trépidante,
Déguignet y fait preuve d’un esprit critique formidablement aiguisé, non
seulement contre une Eglise sur laquelle il tire à boulets rouges, mais aussi
contre les innombrables injustices sociales de son époque. Les personnages
qu’il évoque sont si bien décrits qu’on a vraiment l’impression d’être avec
eux. C’est remarquable. – FB
Ed. Robert Laffont – 1979
(Prix des
Libraires en 1980. Adaptation pour la TV des deux premiers tomes en 1984)
La saga des Vialhe
(4 tomes) se déroule à Saint-Libéral sur Diamond, un petit bourg fictif de
Corrèze, pays d’élevage et d’agriculture.
Dans ce premier tome, Jean-Édouard règne en maître sur un
domaine de 10 ha et sur sa famille. Trois enfants lui sont nés de son mariage
avec Mathilde : Pierre-Édouard, Louise et Berthe. L’histoire se déroule des
années 1899 à 1920, à l’aube d’un nouveau siècle et des nouvelles idées
techniques et révolutionnaires, et à une époque marquée par la première guerre
mondiale. Ainsi, Jean-Édouard profitera de la construction de la voie ferrée
pour s’enrichir et s’agrandir ; Pierre-Édouard partira à la guerre ;
Louise quittera sa famille, bannie par son père car elle voulait épouser un
homme qui n’était pas de la terre ; Berthe, après des longues années
passées sous le joug familial, quittera la maison au matin de ses 21 ans pour
aller vivre à Paris.
Le livre se lit
agréablement. La spécificité agricole du Limousin est sans doute mieux abordée
dans le deuxième tome (je n’en ai lu que deux). Le déroulé est chronologique -
un roman du terroir qui répond aux codes du genre, mais un roman bien écrit –
GA
Ed. Robert Laffont – 2004
Grégory a seize ans. C'est un grand, beau et gentil garçon
qui débarque chez ses grands-parents maternels dans un petit village de Corrèze,
car sa mère est atteinte d'une grave maladie cardiaque qui ne tardera pas à
l'emporter. Quand le village découvre que Grégory est métis, ce dernier doit
faire face aux préjugés raciaux de tous... et surtout d'un grand-père qui n'a
pas pardonné les écarts de sa fille. Il faudra toute la tendresse de la
grand-mère, toute la bonne volonté de Grégory, malgré humiliation et obstacles
familiaux, pour que le vieil homme arrive à voir en lui son digne héritier. Sur
ce difficile chemin, le garçon n'aura pas été seul: il aura trouvé l'affection
des plus généreux de son entourage et l'amour d'une jeune cousine qui se bat à
ses côtés contre la bêtise des ignorants et des nantis.
Dans la catégorie «romans du terroir»,
Gilbert Bordes est un écrivain encore plus prolifique que Christian Signol, ce
qui n’est pas peu dire. S’il empile les romans, il n’hésite pas non plus à
accumuler les malheurs qui pleuvent sur ses personnages. Sans jamais les noyer,
naturellement. Le tout est aussi riche en bons sentiments que pauvre en
surprises. Mais bon, ça peut se lire. Dans le train, par exemple. – MCH
Ed. Futuropolis - 2011
Cet album,
qui a fait partie de la sélection officielle au Festival d’ Angoulême en 2012,
présente les parcours croisés de deux amis, dont chacun souhaite faire
découvrir à l'autre son métier et sa passion. Etienne Davodeau, dont les
histoires sont toujours profondément ancrées dans le réel en profite pour
mettre en scène ses confrères Jean-Pierre Gibrat, Marc-Antoine Mathieu et
Emmanuel Guibert, mais aussi pour visiter le festival Quai des Bulles et les
Rencontres BD de Bastia. De son côté, le vigneron Richard Leroy lui fait
découvrir le travail de la vigne, notamment à travers la biodynamie. Ensemble,
ils vont apprendre à mieux connaître leurs métiers réciproques durant plus
d'une année. Étienne Davodeau fait le pari qu'il existe autant de façons
de réaliser un livre qu'il en existe de produire du vin. Il fait le constat que
l'un et l'autre ont ce pouvoir, nécessaire et précieux, de rapprocher les êtres
humains. C'est le joyeux récit de cette initiation croisée que propose Les
Ignorants.
Il ne faut pas se
laisser rebuter par le dessin d’Etienne Davodeau, auteur couronné par de
nombreux prix de la BD. Il peut paraître imprécis, et le noir et blanc
passéiste. Mais ses camaïeux de gris restituent à merveille les lumières des
saisons ou les ambiances. Soutenu par un travail documentaire titanesque, il
fait tout autant découvrir le détail du travail du vigneron que celui de
l’auteur de BD. Une belle histoire d’hommes et de rencontres racontée avec
beaucoup de finesse.– MM
Ed. Delcourt – 2001
(Prix Tournesol au Festival international de la
bande dessinée d’Angoulême en 2002)
Cet album de BD est la mise en images d'un
reportage quasi-journalistique sur la problématique du monde rural. Il brosse
simultanément le portrait d'un groupe de jeunes éleveurs de la région, soucieux
de développer une production de lait bio de qualité, et la progression du
projet de l’autoroute Angers-La Roche sur Yon, dans la région des coteaux du Layon. Les deux projets avancent de concert. Le
premier, à l’échelle humaine, avec son lot de difficultés et de succès,
progresse dans le respect de la tradition de l’élevage et celui des animaux
nourris des produits de l’exploitation. Il illustre un certain succès d’une
approche contemporaine de la tradition contre le productivisme à outrance. Le
second représente l’inexorable avancée du progrès représenté par ce ruban de
bitume destiné à faciliter le trafic routier, mais dont le tracé, objet de
multiples compromis politiques, épargne les vignobles des puissants et broie
les arbres et les maisons des petits. Notament celle qu’une famille modeste a
mis 10 ans à reconstruire à partir d’une ruine. Dans cette lutte du pot de
terre contre le pot de fer, l’auteur prend le parti des gens modestes à qui on
ne laisse guère le choix et qui ne tireront aucun bénéfice de l’aventure.
De la maison du
Bignon restaurée après 10 ans de travaux, l’autoroute n’a laissé que le puit et
les deux piliers de l’entrée pour enjoliver le bas-côté. Depuis lors, les
buissons qui y ont été plantés les masquent de plus en plus, si bien que le
temps en effacera le souvenir comme il
gomme peu à peu toute chose. Ce sont encore des histoires d’hommes que propose
Etienne Davodeau, certaines plus optimistes que d’autres, mais il en est un
fidèle et excellent narrateur, habile à dépeindre les sentiments et les
situations. – MM
*Les titres
précédés d’un astérisque sont disponibles à la bibliothèque.
Prochain
rendez-vous :
Vendredi 3 mars à
20 h
Sur le thème
«Animal»