Le cercle de
lecture du mois de décembre a pour thème « LE MENSONGE »
Ce thème évoque immédiatement la chanson Petit bonhomme
CLIQUEZ ICI,
ciselée par la grande Anne Sylvestre.
Toujours aussi inspirée et malicieuse à 83 printemps, elle donna cet automne à
Paris une jolie série de concerts célébrant ses 60 ans de carrière. Chapeau, madame.
Et surtout merci. SW
Psychanalyste reconnu,
Ernest Lash s’interroge : s’il se montrait plus proche de ses patients, la
thérapie ne serait-elle pas plus efficace ? Lorsque la séduisante Carol
Leftman vient le consulter, il pense avoir trouvé la personne idéale pour cette
expérience. Mais Carol, convaincue que son mari l’a quittée sur les conseils du
thérapeute, a un tout autre projet : le piéger en s’inventant une histoire
et une personnalité. Elle cherchera à le séduire pour lui faire enfreindre la
déontologie de sa profession.
Cette plongée dans
l’univers des « psy» décrit avec drôlerie et sans complaisance les
manœuvres, compromissions, coups fourrés et mesquineries de psychiatres à l’ego
surdimensionné, avides d’honneurs et de reconnaissance. Mais leur confiance
aveugle dans leur propre capacité à juger autrui ne leur évite pas d’être
eux-mêmes la proie d’arnaqueurs...
Irvin Yalom, professeur
émérite de psychiatrie à l’université de Stanford, utilise un vocabulaire
simple et précis pour décrire avec exactitude les techniques d’analyse et les
processus de guérison. Il réussit la gageure de transformer ce
« pavé » de 600 pages en un véritable thriller psychanalytique.
Le mensonge est ici omniprésent : chez Carol,
qui ment délibérément, chez les patients qui
–consciemment ou non– ne sont pas toujours parfaitement honnêtes, mais
aussi chez les thérapeutes, tant dans leurs relations avec leurs collègues
qu’auprès de leurs patients. Car ils ne leur disent pas tout, soit pour ne pas
trop les perturber, soit parce qu’ils ne sont pas sûrs de leurs conclusions. Je trouve ce roman passionnant si l’on est un
tant soit peu intéressé par la psychanalyse, ou simplement par la nature
humaine. FB
Margot et Alexandre, follement amoureux l'un de l'autre,
aiment se retrouver chaque année sur le lieu charmant de leur premier baiser. C'est un endroit
isolé, au bord d'un plan d'eau. Lors d'un de ces anniversaires estivaux, Margot
est attaquée et tuée au retour d'une baignade au clair de lune. Lui aussi pris
à partie par les agresseurs, Alexandre n'a pas le temps de se porter à son
secours. Il passe plusieurs jours dans le coma, mais survit sans séquelles
notables.
Pourtant, la police le soupçonne. Et cette tragédie le hante tous les
jours, mais avec encore plus de force à la date anniversaire. Huit ans plus tard, à l’approche de celle-ci, il reçoit
un courriel lui demandant de se connecter sur internet à une heure précise.
Pour ne pas manquer ce rendez-vous, il doit se rendre dans un cybercafé. Il s’y
connecte, visualise un film de caméra de surveillance assorti de
l’avertissement “ne le dis à personne”, et découvre sur l’image quelqu'un
ressemblant étrangement à sa femme. L’inconnue semble avoir des informations que
seule cette dernière peut connaître. Lorsqu'il revient chez lui, un meurtre a
été commis et tout semble l'accuser…
Ce roman a été adapté (très fidèlement) à l’écran par Guillaume
Canet en 2006, avec François
Cluzet, André
Dussollier, Kristin
Scott Thomas, Nathalie Baye, François
Berléand et Jean Rochefort. Quelques scènes
ont été tournées dans notre belle région.
C’est un polar
efficace et bien mené. Son seul défaut est peut-être d’être trop bien
construit. Tout le monde ment : la femme à son mari, le mari aux enquêteurs, le
beau-père à son fils… Difficile de s’orienter dans toutes ces fausses vérités,
mais c’est bien le but de l’histoire. Et il est parfaitement atteint. La vérité
se dévoile au tout dernier moment, avec un «coupable» inattendu. Un bon moment
de lecture, riche en adrénaline. MM
*Cher pays de notre enfance, d’Etienne Davodeau et Benoît Collombat, Ed.
Futuropolis – 2015
Que
serait la vie politique française sans les “affaires” les scandales
attisés par la rumeur et les petits arrangements entre amis ? Certes, les
compromis font avancer les choses, mais quand ils se transforment en
compromissions, la frontière entre bien commun et intérêts particuliers
s'estompe dangereusement. Le 3 janvier 1975, le juge François Renaud est abattu
devant son domicile lyonnais. Il était sur le point de mettre en lumière les
étranges procédés de financement de certains partis. L'enquête n'aboutira à
rien et ses dossiers disparaîtront. De
même, les archives de l’ancien ministre Robert Boulin sont détruites peu après
sa mort, survenue en 1979 dans des circonstances obscures à l’étang Rompu, à
deux pas de chez nous.
Le journaliste Benoît Collombat
et l’auteur de BD Étienne Davodeau retournent sur les lieux du crime,
interrogent témoins et historiens pour tenter d'éclaircir une certaine façon de
gouverner durant les trente glorieuses. Ils mettent vite en cause le Service d'action
civique, plus connu sous son acronyme SAC. Créée pour défendre et faire connaître
la pensée et l'action du général de Gaulle, cette association va vite se
transformer en une sorte de police parallèle au-dessus des lois, bien qu’intimement
liée à l'appareil administratif, policier et judiciaire. Mettre les doigts dans
sa mécanique pouvait s’avérer dangereux, voire mortel. Les conclusions
auxquelles nos enquêteurs sont arrivés s'avèrent effarantes et dignes des pires
dictatures. Au final, leur impressionnant travail journalistique prend le
dessus et ne laisse que peu de place au dessinateur pour s'exprimer. Celui-ci n'en
prend pas ombrage pour autant et dépeint avec justesse et espièglerie cette
avalanche de révélations inquiétantes pour la santé de la démocratie. Dérangeant
retour sur un passé pas si lointain, Cher pays de notre enfance
finit par poser plus de questions que de réponses, signe certain de la qualité
de l'investigation menée par ses auteurs !
Il ne faut pas se
laisser rebuter par le dessin d’Etienne Davodeau. Il semble manquer de
précision, le noir et blanc peut avoir un relent passéiste mais ses camaïeux de
gris restituent à merveille les ambiances. Soutenu par le travail documentaire
titanesque de cette enquête bicéphale, l’ouvrage nous fait découvrir –ou redécouvrir– que nos chers hommes politiques peuvent mentir
ou omettre la vérité si ces mensonges servent leurs desseins. MM
Le 31 octobre 1968, Peter
March se lance dans la grande aventure du Golden Globe Challenge, première
course autour du monde en solitaire et sans escale. Navigateur dilettante,
entrepreneur visionnaire et grand rêveur s’il en est, l’homme compte bien y
récolter la gloire et s’inventer un destin.
La puissance aveugle de l’océan ne tarde pas à lui asséner une dure
réalité : ni lui, ni son bateau ne sont à la hauteur. Seul face à la mer, sans autre repère qu’une
conscience de plus en plus chancelante, il fabrique le plus fascinant des
mensonges commis sur un voilier : il invente sa position et ne quitte pas
l’Atlantique Sud, attendant discrètement le retour des autres concurrents au
détour du terrible cap Horn pour se remettre dans leur sillage. Mais rien ne se
déroulera comme prévu.
S’inspirant autant de son
expérience en solitaire que du drame vécu par le navigateur Donald Crowhurst,
Isabelle Autissier raconte avec fascination l’affrontement entre un homme et
l’océan, entre la raison et la folie.
Un roman ? Pas tout-à-fait, la triste
histoire de Peter March et de son trimaran Sailahead étant calquée sur celle de
Donald Crowhurst à bord du Teignmouth Electron. Mais le recours à la fiction permet à Isabelle Autissier de raconter
ce drame selon un double point de vue : celui du marin lui-même et celui
de sa fille Eva, que l’angoisse et les doutes feront mûrir prématurément. Dans
ce premier roman, écrit avec beaucoup d’humanité, la navigatrice a trouvé le
ton juste, sans jamais abuser d’un vocabulaire nautique risquant de rebuter les
plus terriens de ses lecteurs. SW
Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand
tue sa femme et ses deux enfants, puis ses parents, avant de tenter
d’assassiner sa maîtresse et de se supprimer. Ce massacre est l’aboutissement
de dix-huit années d’un incroyable
mensonge : pendant tout ce temps, il s’est inventé une profession de médecin et
de chercheur à l’OMS, lui dont les études de médecine n’ont jamais dépassé la
deuxième année (il en a bien suivi les cours douze années durant, mais sans
passer les examens ni effectuer les stages). De quoi vivait-il ?
Escroqueries, en conseillant à ses parents et beaux-parents des placements en
Suisse aussi mirifiques que discrets, mais surtout totalement fictifs. Les
demandes de remboursement de son beau-père (dont le décès apparemment
accidentel n’a jamais été totalement élucidé), puis de sa maîtresse, semblent
avoir précipité la conclusion du drame.
Condamné le 2 juillet 1996 à la
réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de vingt-deux ans,
il est libérable depuis janvier 2015. Il reste toutefois incarcéré. En prison,
il restaure dans un atelier des documents pour l’INA… et soigne ses codétenus.
Emmanuel
Carrère, qui excelle dans les récits biographiques (Limonov, d’autres
vies que la mienne), cherche à comprendre
les raisons de cet énigmatique écheveau de mensonges. Ecrit avec le recul
nécessaire, son livre adopte un rythme tel que nous le lisons comme un roman.
Tous les détails en sont importants, y compris les digressions de Carrère sur
sa vie privée. Il est donc difficile de le résumer ou d’en sélectionner des
passages. Apporte-t-il des réponses précises ? Non, ce serait impossible. Mais
il nous fait réfléchir au mystère de ce plus absolu des mensonges. CP
Merci à François qui, en dépit de son
absence, nous a fait part de son choix, et excellentes fêtes de fin d’année à
tous,
Prochain rendez-vous
Samedi 13 janvier
2018
Thème : “du livre
au film”