Amitié
et partage vont de pair, au risque de conséquences inattendues. Barbara s’en
amuse dans cette chanson Cliquez ici gentiment polissonne
et écrite en 1897 par Fragson, dont elle évoque au passage la fin dramatique.
*Marthe et Mathilde, de Pascale
Hugues
Editions 84 – 2011
Marthe est française, Mathilde est allemande, toutes deux
sont nées en 1902 à Colmar. L’auteure - leur petite-fille - retrace l’histoire
compliquée de sa famille, indissociable de l’Histoire de l’Alsace.
L’Alsace,
écartelée entre deux cultures, allemande en 1870 puis de nouveau française en
1918 et en 1945. L’amitié indéfectible entre deux femmes, l'une française et l'autre allemande. Deux guerres ont
tenté de les diviser, mais leur
amitié a survécu à tout. Tantôt vainqueur,
tantôt vaincue, elles ont montré à tous, par leur attachement indéfectible, qu'une paix
franco-allemande était possible.
Devenue journaliste, leur petite-fille raconte le récit exceptionnel d'une amitié au long
cours, qui nous plonge dans l'histoire
de l'Alsace et des grandes déchirures du XXe siècle.
Passé les premières pages, le récit dévoile
tout un pan d’une histoire édifiante et méconnue, ballotée entre la France et
l’Allemagne. Qui sait encore qui étaient les "malgré-nous"?... J’ai vraiment beaucoup aimé – GA
Je suis moi aussi tombée sous le charme de cet
étonnant récit biographique, qui m’a fait découvrir les soubresauts d’une
Alsace dont je ne connaissais pratiquement rien – SV
*Les braises, de Sándor Márai
Ed. Le livre de Poche – 2003
Un
livre sur l’amitié et la trahison. Dans
un château de la campagne hongroise, Henri, un général de l'armée impériale à
la retraite, attend la venue de Conrad, son ami de jeunesse et condisciple de
l'école militaire. Cela fait 41 ans exactement qu'ils se sont perdus de vue, depuis
cette partie de chasse au cours de laquelle Conrad a pointé son fusil vers
Henri, avant de disparaître, sans aucune explication. Pourquoi ce geste?
Pourquoi ce long silence? Pourquoi la femme d'Henri, impliquée dans l'affaire,
a-t-elle toujours refusé de parler ?
Les
braises d’un feu qui va s’éteindre… Une réflexion profonde sur l’amitié,
plombée par le poids des origines sociales, le tout sur fond de monarchie
austro-hongroise déliquescente.
Le récit léger se fait plus en plus grave, l’un
parle, amer, l’autre se tait, chaque nouvelle révélation survient au moment où une
réconciliation semble possible… Un récit dans la veine d’un Stefan Zweig. L’auteur
est une découverte – GA
Au-delà de l’indéniable parenté avec Zweig, j’ai
été frappée par les nombreuses réflexions philosophiques qui sous-tendent l’intrigue.
On a le sentiment que la rencontre des deux principaux personnages sera le
point d’orgue de leur vie : après, ils peuvent mourir – CP
*Mémé
dans les orties, d’Aurélie Valognes
Ed. Le livre de poche – 2016
Ferdinand Brun, 83 ans, solitaire, bougon, acariâtre – certains
diraient : seul, aigri, méchant –, s'ennuie à ne pas mourir. Son unique
passe-temps ? Éviter une armada de voisines aux cheveux couleur pêche, lavande
ou abricot. Son plus grand plaisir ? Rendre chèvre la concierge, Mme Suarez,
qui joue les petits chefs dans la résidence. Mais lorsque sa chienne prend la
poudre d'escampette, le vieil homme perd définitivement goût à la vie ...
jusqu'au jour où une fillette précoce et une mamie geek de 92 ans forcent littéralement
sa porte, et son cœur. Un livre drôle et rafraîchissant, bon pour le moral, et
une véritable cure de bonne humeur !
Un roman pétillant du début à la fin. On s’attache aux
personnages, on ne s’ennuie pas. Je vous le recommande vivement. – DM
*L’amie prodigieuse, d’Elena
Ferrante
Ed. Gallimard – 2014
* Le nouveau nom,
d’Elena Ferrante
Ed. Gallimard – 2016
Ces romans sont les deux
premiers tomes d’une tétralogie consacrée, au fil des décennies, à
l’indissoluble amitié des deux héroïnes. La traduction française du troisième
volume paraîtra en janvier, mais la totalité de la saga est depuis longtemps
disponible en italien.
L’amie prodigieuse relate
l’enfance et l’adolescence d’Elena –la narratrice– et Lila dans l’atmosphère
violente des bas-quartiers napolitains, à partir de la fin des années 50.
Pourtant incroyablement surdouée, Lila devra quitter l’école pour travailler
dans la cordonnerie de son père, tandis qu’Elena pourra suivre des études
secondaires.
Dans Le nouveau nom, toutes deux poursuivent par
des voies divergentes et parsemées de trépidations douloureuses leur ascension
vers l’accomplissement personnel et une liberté chèrement acquise. Au début du miracle
économique italien, mais aussi dans une société dominée par le machisme, les
destins de l’intellectuelle Elena et de l’impétueuse Lila ne cessent de
s’entrecroiser, face à des hommes dont force est de reconnaître qu’ils ne font guère
le poids.
Ces deux romans sont de ceux que l’on n’oublie pas. Dès l’enfance,
les relations des deux amies sont d’une remarquable complexité : on y
trouve certes admiration, solidarité, émulation et empathie, mais aussi
jalousie, envie, rivalité et souvent cruauté. Entre une Elena faussement
sereine et une Lila qui semble la réincarnation de Scarlett O’Hara, l’amitié
finit pourtant toujours par l’emporter. On attend impatiemment la suite. – SW
L’ordre chronologique n’est pas impératif : j’ai lu le
deuxième tome sans connaître le premier, ce qui ne m’a pas empêchée de le trouver
passionnant. Mais maintenant, j’ai vraiment envie de mieux connaître le passé
des deux héroïnes. – GA
* Les vieux fourneaux, de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet
Ed. Dargaud – 2014 et 2015
Ils
sont trois septuagénaires, amis depuis l’enfance, que la vie a séparés un
temps, puis réunis à nouveau. Ils animent l’automne de leur vie de péripéties dévoilant
un passé bien moins lisse qu’il n’y paraît. Quant à l’avenir, ils l’occupent
intensément sur fond de lutte des classes et de choc de générations. Ces ex soixante-huitards
sont toujours aussi engagés, à la différence de certains de leurs
contemporains. Les trois tomes de la BD –un pour chacun d’eux, mais un
quatrième est attendu sous peu– nous plongent dans leur passé, leurs luttes,
leurs succès et défaites, leurs failles et leurs doutes, leurs secrets et
surtout leur aspiration à une vie meilleure.
Terriblement
humain, le scénario de Wilfrid Lupano est une comédie touchante et sympathique,
rocambolesque et jamais caricaturale. Aiguisés et percutants, les dialogues soulignent les personnalités de ces
terreurs pour rire, hautes en couleur et toujours attachantes. Le dessin de
Paul Cauuet est dans la tradition de la ligne claire, suffisamment réaliste
pour crédibiliser les personnages, sans tomber dans la caricature. Dynamique et
piquant, habilement cadré, il utilise des couleurs sobres ou des sépias qui
mettent en valeur le sujet de la case ou émaillent les flash-backs.
Cette
petite série incite-t-elle à ne pas vieillir tranquillement ? En tout cas,
loin de tourner à une succession convenue de gags de gagas, c’est un régal de
truculence et une ode à la vie, fût-elle turbulente. Elle se lit d’un trait et
se relit avec plaisir.
Cette
BD me fait penser à un petit bijou du cinéma en noir et blanc : «Les vieux de la
vieille», tiré d’un roman de René Fallet
et réalisé en 1960 par Gilles Grangier (scénario et dialogues de René Fallet et
Michel Audiard). Amis de toujours, trois ancêtres –Pierre Fresnay, Jean Gabin
et Noël Noël, excusez du peu– quittent leur village sur un coup de mou pour aller
vieillir en douceur à l’hospice. Comme on s’y ennuie à mourir, ils se font la
belle et reprennent leurs frasques en vidant force chopines. L’esprit de cette
jolie farce est, à un demi-siècle d’écart, celui qui anime aussi notre BD. Ce
ne sont pas les dernières braises qui chauffent le moins, et les dialogues y
sont ciselés comme Maitre Audiard savait le faire : «Saouls comme
cochons, on rigolera à s’en faire péter les bretelles, on s’ra heureux comme
dans un litre». – MM
* Les prépondérants,
d’Hédi Kaddour
Ed. Gallimard,
2015 (Grand Prix du roman de l’Académie française 2015)
En 1922, une équipe de
tournage américaine vient tourner un film (« Le guerrier des sables») à Nahbès,
petite ville du Maghreb. Cette intrusion hollywoodienne, synonyme de modernité
et de de liberté, bouleverse le quotidien des habitants et avive les tensions
entre les notables traditionnels, les colons français imbus de leur supériorité
supposée et les jeunes nationalistes épris d’indépendance. Raouf, Rania,
Kathryn, Neil, Gabrielle, David, Ganthier et d’autres se trouvent alors pris
dans le tourbillon d’un univers à plusieurs langues, plusieurs cultures,
plusieurs pouvoirs. Certains font aussi le voyage vers Paris et Berlin, qui
recommencent à se déchirer sous leurs yeux. Ils tentent tous d’inventer leur
vie, s’adaptent ou se révoltent. Il leur arrive de s’aimer dans la grande
agitation des années 1920.
Ce roman aux parfums de conte oriental réunit
avec subtilité les deux cultures occidentale et autochtone, et fait naître des
amitiés inattendues fondées non pas sur l’appartenance communautaire, mais sur
les affinités culturelles et les lectures, dans un contexte historique
difficile. A lire absolument – CP
Fille
noire, fille blanche, de Joyce Carol
Oates
Ed. Philippe Rey, 2009
Elles se rencontrent au cœur des années
soixante-dix, camarades de chambre dans un collège prestigieux où elles
entament leur cursus universitaire. Genna,
descendante du fondateur du collège, est la fille d'un couple très « radical
chic », riche, vaguement hippie, opposant à la guerre du Vietnam et résolument
à la marge. Minette Swift, fille
de pasteur, est une boursière afro-américaine venue d'une école communale de
Washington.
Nourrie de platitudes libérales, refusant l'idée
même du privilège et rongée de culpabilité, Genna essaye sans relâche de se
faire pardonner son éducation élitiste et se donne pour devoir de protéger
Minette du harassement sournois des autres étudiantes.
En sa compagne elle voit moins la personne que
la figure symbolique d'une fille noire issue d’un milieu modeste et affrontant
l'oppression. Et ce, malgré l'attitude singulièrement déplaisante d'une Minette
impérieuse, sarcastique et animée d'un certain fanatisme religieux.
Outre les nombreux souvenirs personnels qu’a évoqués pour moi
ce partage d’une chambre d’étudiante, j’ai trouvé particulièrement intéressante
cette idée d’amitié non partagée. Peut-on vraiment requérir l’amitié de
quelqu’un qui n’en a pas envie ? C’est toute la question de ce petit roman
bien plus complexe qu’il n’y paraît. – HL
Avant de
nous quitter, nous avons bu le verre de l’amitié. Une nouvelle aventure attend
Nicole loin de nous. Nous lui souhaitons beaucoup de bonheur.
*Les titres précédés d’un astérisque sont disponibles à la bibliothèque.
Le prochain Cercle de Lecture se réunira le vendredi 2 décembre à 20h30