Pour sa première réunion de l’année, le Cercle de lecture s’est offert
une escapade dans le patrimoine culturel d’un pays où, dit-on, tout commence et
finit par des chansons.
Morceaux choisis de notre soirée
Chaque titre de
chanson est un lien vers un enregistrement
La soirée a commencé par un hommage à deux des plus grands poètes populaires
de notre époque - Georges Brassens et son maître Charles Trenet, qui
prennent un plaisir évident à chanter en duo, dans un étonnant document
télévisuel de 1966.
Pour eux et pour leurs innombrables semblables, écrire est une nécessité
vitale, comme l’exprime Anne Sylvestre dans sa chanson-manifeste : « Ecrire pour ne pas
mourir ».
Paradoxalement, cela leur permet de créer des splendeurs telles que
« N’écris pas », un texte de la très romantique Marceline
Desbordes-Valmore, mis en musique plus d’un siècle et demi plus tard par Julien
Clerc et repris par Benjamin Biolay
sous le titre « Les séparés ».
Mais le temps
importe peu, comme l’a démontré Léo Ferré en ressuscitant la poésie du XIIIe
siècle dans « Pauvre Rutebeuf», une complainte chantée ici par sa principale
interprète Catherine Sauvage.
Il arrive aussi qu’une chanson soit associée aux drames de son époque. C’est le cas du célébrissime « Temps des cerises », que nous relions tous à la Commune alors qu’elle fut écrite cinq ans auparavant par Jean-Baptiste Clément. Elle est interprétée ici par Mouloudji.
Aujourd’hui, musique, poésie et cinéma sont indissolublement liés. Leur
association a notamment donné naissance aux « Feuilles mortes », écrite par Prévert et Kosma pour « Les portes de la nuit », que Cora
Vaucaire fut la première à chanter.
Trop sérieuse, notre soirée ?
Non, grâce aux incursions
d’un farfadet nommé Richard Gotainer,
qui, malgré une apparence ultra-légère, manie le verbe comme personne et a
brillamment comparé aux quatre saisons les phases d’un même amour dans :
Nous avons eu recours à lui chaque fois que la gravité
s’installait...
La chanson française emprunte quantité de textes à de grands poètes qui n’avaient écrit que pour être lus. C’est le cas d’« Ame, te souvient-il », poème de Verlaine mis en musique par Léo Ferré et que nous avons écouté dans la belle interprétation de Christine Sèvres, première épouse de Jean Ferrat. Son disque eut la malchance de sortir en mai 1968, et donc dans l’indifférence…
« La vie ne vaut rien », d’Alain Souchon est, contrairement aux apparences, un hymne à la vie. Le
chanteur prouve combien la chanson « à texte » a résisté au
tsunami du rock n’roll.
D'autres ont
malheureusement plongé dans l’oubli, comme Michèle
Arnaud, dont l’allure «BCBG» masquait l’impertinence. En témoigne « Timoléon le jardinier », un petit bijou écrit par Roger
Riffard, ami de Brassens. C’est cette même Michèle Arnaud, qui a lancé Serge
Gainsbourg, alors son accompagnateur…
Plus oubliée encore est la chanteuse suisse Béatrice Moulin, car internet attribue à Michèle Arnaud ou Magali Noël sa revigorante interprétation de « Ne vous mariez pas, les filles », une chanson signée Boris Vian !
Plus oubliée encore est la chanteuse suisse Béatrice Moulin, car internet attribue à Michèle Arnaud ou Magali Noël sa revigorante interprétation de « Ne vous mariez pas, les filles », une chanson signée Boris Vian !
La « Java pour Petula » du même Vian, a introduit par un sourire notre incursion outre-Manche, où « Ferry, cross the Mersey », de Gerry and the Pacemakers nous a rappelé que les Beatles n’avaient pas le monopole du « Mersey sound » caractéristique de leur époque.
La diction de Torreton annonce le slam, souvent assimilé à tort au rap (beaucoup plus agressif ) et que nul n’illustre aussi bien que Grand corps malade, notamment dans « J’écris à l’oral » et « J’ai mis des mots ».
La fin de la soirée nous a propulsés à des hauteurs insoupçonnées grâce à
« Nabucco » et son célèbre « Chœur des esclaves », inspiré à Verdi par le psaume 137 du Psautier de la Bible.
Ce chœur est associé à la constitution de l’unité italienne, car lors de sa création le nord de la péninsule était sous domination autrichienne. Il est tellement ancré dans la conscience politique du pays qu’il a servi de véhicule à l’opposition à Berlusconi (Lien pour les italianisants ) !
Plus accessible sans doute est la belle interprétation de Nana Mouskouri, « Je chante avec toi Liberté », qui en respecte l’esprit,
sinon la lettre.
Et pour finir, une version très inattendue, sous le titre « Rivers of Babylon », du groupe Boney M ! Car aussi incroyable que cela paraisse, ce
chant religieux rasta reprend lui aussi le psaume qui inspira Verdi. Comment trouver illustration plus éclatante des infinies possibilités de l’inspiration musicale ?