Marie-Claude a découvert dans son grenier un carton de lettres du front,
écrites aux enfants, aux parents, au frère... Ces lettres lui ont soufflé le
thème de notre Cercle de lecture et nous lui avons emboîté le pas, dans une soirée
riche en émotions, et avec une large palette de livres :
La
flamme au poing, de Henry Malherbe
Ed. Hardpress Publishing – 2013
Un roman d'un patriotisme
ardent, à partir de l'expérience de guerre de l'auteur, lieutenant au 43e
R.A.C., qui sera gazé, hospitalisé jusqu'à la fin de la guerre et
handicappé à vie. L’auteur a écrit une œuvre qui vaut surtout pour sa qualité
littéraire, cet objectif avoué l'a libéré de tout devoir d'exactitude. Le
livre publié en 1917 aux éditions Albin Michel a reçu la même
année le prix Goncourt. Le récit s'organise en trois parties : le souvenir des temps de paix, l'amour qui s'exprime dans la musique et
dans les liens qui unissent ceux du front, la mort.
Le style a un peu vieilli, mais
le lyrisme reste agréable et le vocabulaire est précis. Certains passages
sont vraiment beaux - MCH
Le Feu, de Henri Barbusse
Ed. Folio - 2007
A la déclaration de guerre,
Henri Barbusse a 41 ans. Pourtant pacifiste et dispensé de service actif en
raison d’une santé délicate, il met un point d’honneur à se faire mobiliser en
première ligne, où il sera un soldat exemplaire. Blessé fin 1915, c’est à
l’hôpital qu’il écrit l’un des premiers grands témoignages littéraires sur
l’horreur des combats. Dès sa parution en feuilleton, puis en livre, l’ouvrage
remporte un énorme succès et obtient le prix Goncourt 1916. Barbusse y crie son
indignation face au martyre vécu par «ces pauvres gens jetés sur ce champ de
douleur» et transcrit avec un soin scrupuleux «les paroles qui jaillissent de
leur meurtrissure et de leur mal, les paroles qui saignent d’eux.» Profondément
marqué par le conflit, l’écrivain sera ensuite fasciné par l’une de ses
principales conséquences : la Révolution bolchevique. Il sera l’une des grandes
figures du Parti communiste et mourra en 1935 lors d’un voyage à Moscou.
J’ignorais tout de Barbusse, qui n’était
pour moi qu’un nom de rue. Et pourtant… Sous sa plume, Volpatte, Lamuse, le
caporal Bertrand et tous ses autres frères d’armes nous deviennent étonnamment
proches. Il sait comme personne les faire parler avec toute la gouaille de
l’argot des tranchées. Mais la plupart ne survivront pas au terrifiant chapitre
XX, lui aussi intitulé 'Le feu'. Car la charge d’infanterie qu’il décrit
devient une hallucinante plongée en enfer. Autre passage à ne pas manquer :
l’ultime phrase du premier chapitre. Deux ans avant la Révolution d’octobre,
elle a d’étranges accents prémonitoires et annonce déjà l’engagement ultérieur
de Barbusse : «L’avenir est dans les mains des esclaves, et on voit bien que le
vieux monde sera changé par l’alliance que bâtiront un jour entre eux ceux dont
le nombre et la misère sont infinis.» - SW
*L’adieu
aux armes, de Ernest Hemingway
Ed. Gallimard / Folio – 1972
Frédéric Henry, un jeune
Américain, s’est porté volontaire pour conduire des ambulances sur le front
d'Italie, tout comme l’auteur lui-même... Le livre retrace les combats dans les
montagnes, mais se garde de glorifier la guerre. Blessé, le héros s'éprend de
son infirmière Catherine Barkley et finit par déserter. Avec Catherine,
enceinte, il tente de fuir la guerre et de passer en Suisse, où le destin les
attend.
Je suis étonnée à la relecture
de ce livre d’y trouver plus de descriptions de guerre que dans mon souvenir.
Le thème de ce soir m'aura sans doute sensibilisée à tout un pan que j'avais escamoté à ma première lecture. L’histoire d’amour servirait-elle
d'échappatoire ? - SV
Carnet
de route d’un gosse des tranchées, de
Léon-Antoine Dupré
Ed. Michel Lafon – 2013
Ce carnet de route couvre un
peu plus de deux années de la Première Guerre mondiale, de mai 1916 à juillet
1918. Copie fidèle des lettres que Léon-Antoine Dupré a
écrites à ses parents pendant cette période, il a été mis en pages et illustré
par ses soins trente ans plus tard, non pour être publié, mais à l’intention de
son fils unique pour se justifier d’avoir cherché à le dissuader de s’engager
en 1944, afin de lui éviter de voir trop vite “la Misère et la Mort”.
Le cri d'un père qui aurait tant voulu que
cela ne recommence pas... SV
*Notre
mère la guerre, de Kris ; ill. Maël
Ed. Futuropolis – 2009 à 2012
Janvier 1915, au cœur de la
Champagne pouilleuse. Cela fait six mois que la guerre charrie ses milliers de
morts quotidiens. Mais, sur le front, ce sont trois corps de femmes qui effraient
l'état-major. Trois femmes froidement assassinées. Sur leurs cadavres, à chaque
fois, une lettre d'adieu - une lettre écrite par leur meurtrier. Une lettre
cachetée à la boue des tranchées, sépulture impensable pour celles qui sont les
symboles de la sécurité et du réconfort, les ultimes remparts de l'Humanité.
Des femmes... Un gendarme est chargé de l'enquête, une enquête policière
complexe et pleine de rebondissements. Un récit précis et documenté du
quotidien des poilus, de la vie de l'arrière.
Voilà un excellent polar, admirablement
mis en scène, avec des dessins travaillés, fourmillant de détails et le
tout dans des tons sépia. Ce pourrait être très sombre, mais une histoire
d'amour illumine d'espoir cette période de l'histoire. L'adaptation sur grand
écran est en cours - MM
Les
croix de bois, de Roland Dorgelès
Ed. Librairie Générale française / Le
Livre de Poche – 2010
Les croix de bois sont celles
bricolées en hâte pour les Poilus tombés au champ d'honneur. Roland
Dorgelès, engagé volontaire, nous livre un témoignage exceptionnel, avec un
réalisme parfois terrible mais toujours d’une généreuse humanité, la vie des
tranchées nous est décrite dans toute son horreur et aussi sa bouffonnerie, son
quotidien et ses moments d’exception.
Une grande humanité se dégage de ce récit
très émouvant. Le
livre n'est pas sans rappeler le "Voyage au Bout de la Nuit" de
Céline, qui paraîtra en 1932 - MM
La vie
et rien d'autre, un film de Bertrand Tavernier
avec Philippe Noiret et Sabine Azéma
Au lendemain de la guerre de 14, le commandant
Dellaplane (Philippe Noiret) est chargé de recenser les soldats disparus. Il
rencontrera sur son chemin deux femmes : Irène, une dame du monde exigeante
(Sabine Azéma) arrivant dans sa limousine à la recherche du mari disparu, et
Alice, une jeune femme (Pascale Vignal) qui cherche son amoureux.
Pour raisons de déontologie, le commandant s'oppose à
sa hiérarchie lorsqu'elle lui ordonne de procéder à la recherche de la
dépouille du poilu qui sera le soldat inconnu sous l'Arc de triomphe. Bien que
troublé par le charme froid d'Irène qui n'arrête pas de croiser sa route, il
poursuit sa tâche et va bientôt comprendre pourquoi les deux femmes, après un
long parcours à la recherche de leurs hommes, vont se retrouver près d'un
tunnel effondré où est enseveli un train sanitaire disparu.
Un
film évoqué par plusieurs d'entre nous et chaudement recommandé...
Paroles
de poilus, de Jean-Pierre Guéno
Ed. Editions 84 - 2013
Ils avaient dix-sept ou
vingt-cinq ans, ils étaient palefreniers, boulangers, colporteurs, ouvriers ou
bourgeois. Voyageurs sans bagages, ils durent quitter leur femme et leurs
enfants, revêtir l'uniforme mal coupé et chausser les godillots cloutés... Sur
huit millions de mobilisés entre 1914 et 1918, plus de deux millions de jeunes
hommes ne revirent jamais le clocher de leur village natal. Plus de quatre
millions subirent de graves blessures.
Huit mille personnes ont répondu à l'appel de Radio France visant à collecter
les lettres de ces poilus. Cet ouvrage en présente une
centaine. Des mots écrits dans la boue et qui n'ont pas vieilli.
Ce que j'ai relevé, c'est l'absence de
haine contre l'ennemi. L'indignation et la colère contre l'administration
prévalent, le fatalisme et la résignation. Les soldats attendent la mort et
leurs lettres font preuve de beaucoup retenue pour ne pas heurter ceux à qui
elles sont destinées - HL
*A
l’ouest rien de nouveau, de Erich Maria Remarque
Ed. Le livre de Poche – 1973
Le témoignage d'un simple
soldat allemand de la guerre de 1914-1918. « Quand nous partons, nous ne
sommes que de vulgaires soldats, maussades ou de bonne humeur et, quand nous
arrivons dans la zone où commence le front, nous sommes devenus des
hommes-bêtes ? » Ce roman pacifiste, réaliste et bouleversant connut dès sa
parution en 1928, un succès mondial retentissant. Il reste l'un des ouvrages
les plus forts dans la dénonciation de la monstruosité de la guerre.
Pour contre-balancer le témoignage des
poilus, j'ai souhaité lire un témoignage allemand. Une fois encore, la haine y
est absente, et ce sont les mêmes expériences, la même colère, la même
déception !... - HL
*Dans
la guerre, de Alice Ferney
Ed. Editions 84 – 2006
En août 1914, quand Jules est
appelé sous les drapeaux, Félicité se persuade comme tout le monde que
l'absence sera brève. Mais longue en vérité sera l'attente pour le couple
landais. Dans le récit de leur séparation et des violences qu'ils affrontent,
le chien Prince tient un rôle essentiel, lui qui traverse toute la France pour
retrouver son maître au front.
Au fil de pages haletantes, d'où monte le vacarme d'un monde chancelant sous le
sang et le désespoir, Alice Ferney évoque les nouveaux et précieux liens qui se
tissent entre compagnons d'armes, entre mari et femme, entre parents et
enfants, entre l'homme et l'animal.
Une histoire traitée avec réalisme et bien
documentée. L'originalité du livre tient aux liens qui unissent un jeune soldat
et son chien - liens d'amour et de connivence dans un contexte de violence. Serait-ce
là une métaphore d'autres liens, non exprimés ?
Et de nous signaler un titre qu'elle
regrette de n'avoir pas eu le temps de lire et qui figure sur la liste de notre
prochaine commande :
*Blanche
Maupas - La veuve de tous les fusillés, de
Macha Séry
Ed. L’archipel - 2009
Mars 1915. Le ministère de la
Guerre informe Blanche Maupas institutrice au Chefresne (Manche), que son mari
Théophile, caporal dans les tranchées, " a été passé par les armes après
dégradation militaire pour refus d'obéissance ". " Mort
ignominieusement ", précise le document officiel. Une autre femme se fût
sans doute réfugiée dans l'obscurité et l'oubli. Blanche, elle, s'insurge :
pour elle, l'exécution de Théo est un crime, Seule face au mensonge patriotique
et militaire, elle n'aura de cesse d'obtenir sa réhabilitation. Malgré
l'opprobre quasi général, elle accumule les témoignages, reconstitue les faits,
se bat pour qu'éclate la vérité sur l'affaire des quatre caporaux de Souain,
fusillés pour l'exemple... Le charisme de Blanche, son talent oratoire font des
miracles. Bientôt rejointe par la Ligue des droits de l'homme, les syndicats d'instituteurs,
le Grand-Orient de France, de nombreuses associations d'anciens combattants,
Blanche la révoltée n'est plus seule. C'est désormais une héroïne qui soulève
l'opinion publique... Macha Séry et Alain Moreau ont reconstitué la véritable
histoire de cette rebelle et de son combat.
*Cris, de Laurent Gaudé
Ed. Actes Sud – 2004
Dans les tranchées où ils se
terrent, dans les boyaux d'où ils s'élancent selon le flux et le reflux des
assauts, ils partagent l'insoutenable fraternité de la guerre de 1914. Loin
devant eux, un gazé agonise. Plus loin encore retentit l'horrible cri de ce
soldat fou qu'ils imaginent perdu entre les deux lignes du front : "
l'homme-cochon ". A l'arrière, Jules, le permissionnaire, s'éloigne vers
la vie normale, mais les voix des compagnons d'armes le poursuivent avec
acharnement.
Il
s'agit du premier livre écrit par Laurent Gaudé : un récit court, des phrases
courtes, un rythme haletant et une construction originale, où tour à tour les
protagonistes s'expriment dans un monologue intérieur qui fait progresser le
récit. Ce pourrait être la énième histoire qui nous est rapportée, le même
constat que dans les livres précédents, mais avec quel talent Gaudé nous
embarque dans la démence de ceux qui ne se remettront jamais de la folie des
canons ! - GA
Bien qu'il n'ait pas été
présenté ce soir, il ne sera pas dit que l'on
passerait sous silence l'excellent Goncourt 2013 :
*Au
revoir là-haut, de Pierre Lemaître
Ed. Albin Michel - 2014
Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des
tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une
escroquerie aussi spectaculaire qu'amorale. Des sentiers de la gloire à la
subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne
plaisante pas avec ses morts...
Voilà un roman macabre et
jubilatoire, qui dénonce l'illusion de l'armistice, l'Etat qui glorifie
ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, l'abomination érigée
en vertu. Et ceci avec tout le savoir faire de l'auteur de romans
policiers, car Pierre Lemaître n'est pas un perdreaux de l'année...
Pour aller plus loin : une
interview de l'auteure de
la "Petite bibliothèque du centenaire".
*Les titres précédés d'une astérisque sont
disponibles à la bibliothèque.
Le
prochain Cercle de Lecture se réunira le vendredi 13 juin à 20h00
Le sujet en sera : "La peur"...